Michaël Pradayrol, aka « Mitch », fondateur des Natural Games, l’avait annoncé : pour sa 12e édition organisée du 27 au 30 juin à Millau, le grand rendez-vous du sport extrême et de la musique allait lancer la « Green Zone », un espace mettant en avant des initiatives autour de l’environnement. Green washing ou amorce d’un virage en profondeur ? Réponse du boss d’un des festivals les plus cool de France.
En créant la Green Zone, quelle était l’ambition des Natural Games ?
La Green Zone, gérée par Esther Levine (une ex de Mountain rider France, association d’éducation au développement durable en montagne, ndlr) est l’extension du Point G, point d’information sur l’environnement que nous avions jusqu’à présent. Elle vise à donner plus de visibilité aux ONG et associations qui recherchent moins des signatures (de pétitions, ndlr) qu’un espace calme où échanger, discuter avec les visiteurs. Nous avions dix places disponibles, toutes gratuites. On s’y est pris un peu tard, mais huit ont été pourvues, notamment par Greenpeace, Sea Shepherd ou encore Ocean protection.
L’idée était de permettre au public d’accéder à des informations et de chopper les éco gestes ; notamment les enfants. Les gamins qui viennent sur le festival apprennent, via des ateliers et des conférences, des gestes que nous, aux Natural Games, avons adoptés depuis le début, et qui ne sont pas forcément évidents pour tous. Mais nous voulons aller plus loin. Nous avons donc lancé une étude d’impact afin d’évaluer le bilan carbone de l’édition qui vient de s’achever. L’objectif étant de devenir 90% green.
Dans cette perspective, que peut-on améliorer ?
En trois ans, nous avons déjà réduit nos déchets de 50%. Nous avons également fait des choix au niveau des contenants et beaucoup d’efforts sur le tri.
Maintenant la question est de savoir comment donner de l’eau à tous, sans qu’il y ait de bouteilles en plastique. On peut imaginer plus de points d’eau où remplir sa gourde par exemple (le site en compte deux actuellement, ndlr). C’est possible d’ici deux à trois ans.
Vous n’y perdriez pas en profit, sur la vente de l’eau ?
Non parce qu’on vend peu d’eau à la base. Et on la donne au bar, quand on la demande. Quant aux bouteilles, elles sont quasiment commercialisées à prix coutant, nous n’avons pas l’intention d’en faire un business. En parallèle, on est passé à l’éco cup il y a sept ou huit ans, ce qui nous a bien sauvé la mise. Beaucoup de gens reviennent aux Natural Games avec leur cup d’année en année, les locaux surtout, ce qui réduit sérieusement le nettoyage.
Quels sont les autres points perfectibles sur le plan environnemental ?
On peut travailler encore tout le volet transport et mobilité. Le covoiturage, bien sûr, mais aussi le train. Cette année, nous avons mis en place un partenariat avec la SNCF Occitanie offrant au festivalier un tarif de cinq euros l’aller-retour, quel que soit le point de départ dans la région. L’offre était ouverte une semaine avant le festival. Il va falloir communiquer plus en amont sur ce point et essayer de la développer en collaboration avec d’autres régions.
Jusqu’où pouvez-vous pousser la cohérence au niveau des stands d’alimentation qui restent très carnés ?
On est déjà sur du circuit court à pratiquement 80%. La variété des repas est intéressante, elle comptait notamment des plats indiens de type dal, mais c’est vrai qu’il y a encore pas mal de viande. On peut imaginer pour l’année prochaine ajouter un stand vegan ou végétarien qui pourrait répondre à la demande.
L’idée c’est aussi de parler de ce qu’on fait au grand public et d’être plus transparent. D’expliquer où on en est, où on veut aller et de donner un côté participatif au festival. On le fait déjà pour le sport et la musique en intégrant de nouvelles disciplines, de nouvelles tendances. On attend ce type de feed back sur l’environnement, une fois le bilan carbone connu.
Et que veut le public ?
Oh, il veut tout gratuit, même la bière ( rires). Et plein de sports qui n’ont rien à voir avec l’outdoor!
En réponse à la demande, on souhaite créer des compétitions qui se tiendraient plus en pleine nature et pas seulement sur le village officiel au cœur de la ville. Mais l’idée n’est pas de créer des gymnases avec des milliers de personnes dans la nature. A l’époque où je gérais le Petzl Roc Trip (rendez-vous annuel des meilleurs grimpeurs, ndlr), j’emmenais 2500 personnes sur un site hors Millau, ce qui a forcément un impact environnemental. On ne se l’interdit pas mais on va le faire avec mesure, en organisant par exemple un événement enduro VTT ou un rassemblement de grimpeurs sur un site naturel, sans vouloir à tout prix le réitérer d’une année sur l’autre. C’est un engagement vis à vis du Parc naturel, notamment.
Dans cet esprit, on a déjà de la high line dans les Gorges de la Jonte. Mais les Natural Games, c’est aussi des rassemblements de grimpes dans les Gorges du Tarn ou encore des compétitions de VTT autour de Millau, dans le Larzac. On va y revenir, c’est aussi notre raison d’être, mais avec mesure.
En ce qui concerne le site des Gorges de la Jonte, on a des réunions assez fréquentes avec les environnementalistes de la LPO (Ligue de protection des oiseaux), mais aussi du PNR (Parc Naturel Régional), on travaille avec eux sur les cartes des zones à risque déjà identifiées. On essaie de les éviter, ou d’y minimiser l’accès du public.
Beaucoup de gens savent que les highliners sont sur le site de la Jonte, mais on communique peu dessus afin d’éviter que de trop nombreux visiteurs s’y rendent. On préfère montrer des images ensuite, plutôt qu’envoyer des masses de spectateurs sur place. A l’heure actuelle, quelques centaines y assistent chaque jour, c’est maîtrisable, comparé à une coupe du monde de VTT Enduro, où là on parle de 3000 à 4000 personnes. En high line, on est sur du terrain d’aventure, avec une marche d’approche solide, pas une promenade aux bord du Tarn. La high line, c’est pas du foot, les sports outdoor, c’est pas du foot, ça engage parfois un petit peu.
A l’issue de cette 12eme édition, comment vois-tu évoluer les Natural Games ?
Cette année, ça s’est plutôt bien passé. On va faire un bilan pour pouvoir lancer la prochaine dès que possible et plancher sur la programmation, des nouveautés mais surtout des améliorations. On a plutôt dans l’idée de faire revenir certaines disciplines écartées depuis deux, trois ans. Peut-être une épreuve de VTT ou un rassemblement de grimpeurs de niveau mondial sur des voies ultimes assez hard. L’idée est de ramener des écrans et de balancer tous les soirs un résumé de ce qui s’est passé dans la journée. C’est un bon retour pour les riders, des gens qui s’investissent beaucoup dans leur sport. C’est de l’image pour eux et leurs partenaires et un juste retour des choses. D’autant que films et photos sont magnifiques et que la région est super belle. Ca fait beaucoup de promo pour le territoire. On ne s’interdit pas non plus d’avoir une soirée gratuite entièrement dédiée aux films, le mercredi à l’ouverture, ou le dimanche à la clôture. Le soir à 21h, tout le monde couché dans l’herbe en train de regarder de super images …
On peut aussi peut-être lier l’art à ce que nous faisons. Je pense à de grands collages à la JR sur des sujets à la croisée des chemins entre sport et défense de l’environnement. Je suis déjà en contact avec JR, on va voir ce qu’on peut faire ensemble, une fois affinée notre idée. Mais il y a d’autres gens dans la région, à Montpellier par exemple, deux très bons colleurs. Pas forcément sur de très grands formats d’ailleurs. Par exemple, il y a quelques années une énorme bouche d’égouts se déversait dans la rivière. On a fait un grand collage avec un cul d’où sortaient les eaux sales. Ca a fait la une de la presse locale ; les élus se sont emparés du truc et ça a été réglé en six mois. Il y a des moyens simples qui peuvent être efficaces en matière d’environnement!
Photo d'en-tête : Johan Dubée- Thèmes :
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