« Je suis épuisée, mais je sais que j’ai aidé quelques personnes. J’ai fait de mon mieux ! », a-t-elle confié à Outside. Soulagée aussi à l’issue de plus d’un an de marche le long du littoral français, espagnol et portugais, seule avec sa poussette Huguette, l’ex athlète de haut niveau atteinte de fibromyalgie est arrivée cet après-midi sur le Vieux Port, point final de son éprouvante croisade de sensibilisation en faveur de cette maladie « invisible » dont souffrent près de deux millions de Français.
A quelques jours de son arrivée, Outside a interviewé la jeune femme de 35 ans.
Épuisée après ses 30 kilomètres de marche avec Huguette, sa poussette – à l’origine une carriole de vélo dans laquelle elle transporte ses 30 kilos de bagages – Violette Duval s’apprêtait ce soir-là à s’offrir, exceptionnellement, une nuit d’hôtel. Un vrai lit, une douche, de quoi se reposer et soigner une énorme ampoule qui la faisait cruellement souffrir.
A quelques jours de son arrivée à Marseille, cette ancienne basketteuse, promise à une belle carrière stoppée net par la fibromyalgie, balance entre excitation, soulagement et appréhension, à l’issue d’un an de marche pendant lequel elle a dû, seule, se battre au quotidien avec la maladie.
«C’est un mal qui ne se voit pas, donc très dur à diagnostiquer », explique-t-elle. « Pour ma part, cela a pris dix ans. Au départ j’avais simplement des douleurs dans les pieds et aux mains, on ne savait pas vraiment ce que c’était. De ce fait, pendant des années, je suis restée dans le flou, sans traitement adapté.
Concrètement, elle se caractérise par des douleurs musculaires et articulaires un peu partout dans le corps. Mais chaque patient atteint est touché à un stade différent. Certains ne peuvent pas marcher, d’autres comme moi le peuvent, mais avec des douleurs.
Marcher, puisqu’elle le peut, c’est donc ce qu’elle a entrepris de faire au cours d’un immense périple le long des côtes méditerranéennes. Plus d’un an sur la route, afin de « parler de la fibromyalgie et si possible faire bouger les choses » dit-elle. « Mon objectif est que cette maladie soit reconnue officiellement. Elle l’est dans les textes, mais dans les faits c’est beaucoup plus compliqué. Il n’y a toujours pas de traitement adéquat, la recherche n’avance pas. C’est pour cela que je fais tout ça. »
Depuis ton départ du Mont Saint-Michel, le 13 avril 2019, tout ne s’est pas passé comme prévu …
« Au départ, mon objectif était de suivre la côte atlantique et méditerranéenne depuis la Normandie jusqu’à Marseille, soit 6 000 km en marchant. Je pensais mettre sept mois, mais je me suis vite aperçue que ce serait plus long, mais aussi bien plus dur que je ne l’imaginais. Au final, mon parcours atteindra les 6500 kilomètres. Et surtout, à 15 jours de mon arrivée, le 16 mars, j’ai été arrêtée par le confinement à Gruissan. J’étais sur la route, c’était très anxiogène. Sans parler que ma mission de sensibilisation n’était plus viable : je voyais de moins en moins de gens, les écoles fermaient leurs portes. J’ai donc confié « Huguette », ma poussette, à des randonneurs, deux parmi les centaines qui m’ont aidée pendant cette aventure, et je suis rentrée en catastrophe chez mes parents, en Normandie, près de Granville. Au final, cette pause m’a fait du bien, j’en ai profité pour écrire et avancer sur le documentaire que je compte tirer de cette marche. Dans la foulée, j’ai aussi décroché un emploi à la réception dans un camping écolo près de Millau. Il m’attend à mon arrivée.
Depuis le 5 juin, j’ai repris ma marche. A l’endroit même où j’avais dû l’abandonner ! »
Que ressens-tu à quelques jours de l’arrivée ?
« Je suis fatiguée. Ce projet, c’est plus d’un an et demi de ma vie dédié à la maladie. Mais je suis contente que cette marche ait abouti, je sais que j’ai aidé quelques personnes. J’ai fait de mon mieux, j’ai tout fait toute seule. »
Au quotidien, comment as-tu vécu la maladie ?
« Avec beaucoup de fatigue, mais je m’autogère. Ce que je redoute le plus, c’est l’humidité. Or j’ai vécu la tempête Gloria, les inondations, alors que j’ai besoin de chaleur pour apaiser les douleurs. Mais marcher me fait du bien. La marche est réparatrice. Je me sens libre, je me sens bien quand je marche. Le pire pour moi serait de rester assise devant un PC ! «
Quels ont été les moments les plus durs ?
« Pousser ma poussette de 30 kg, notamment dans les côtes ! Et … la durée. Un an, c’est long, d’autant que les pistes cyclables sont souvent inexistantes. Euro vélo, c’est une foutaise ! Franchement, je n’avais pas imaginé que ça serait aussi dur. »
Et les plus heureux ?
« Toutes ces petites rencontres. Ces coups de Klaxons gentils, ces mains tendues. Je ne m’attendais pas à autant de générosité ! Des gens que tu ne connais pas te donnent un billet, t’offrent à manger, ou proposent de t’héberger.
Je n’ai pas l’impression d’avoir fait un truc phénoménal, mais les gens sont visiblement touchés. Tu vois, tu peux avoir une journée de merde, sous la pluie, et tout à coup, une petite mamie, en Espagne, t’arrête et t’offre des poires et des roses. Et ça, ça te rebooste.
Je sais surtout que je le fais pour une cause, c’est ce qui me porte depuis le début. Sans tous ces messages, ces encouragements, je n’y serais jamais arrivée. »
Via ton périple, penses-tu que ton message sur la maladie soit passé ?
« Le message passe, mais c’est un peu compliqué et tant reste à faire pour que soit vraiment reconnue et traitée cette maladie, alors qu’elle frappe partout dans le monde. Qui sait par exemple que Lady Gaga et Morgan Freeman en sont atteints et qu’ils font des miracles au quotidien ?
De mon côté, j’ai fait de mon mieux, mais je n’ai pas le soutien des grosses associations. J’ai une image « trop positive » sans doute, car, je souffre d’intenses douleurs, mais je peux marcher, ce qui est loin d’être le cas de beaucoup de malades de la fibromyalgie.
J’ai tout monté toute seule, sans soutien au niveau de la communication ni de la logistique. Contacter les médias, trouver un gite tous les soirs, seule pendant un an, ça a été très compliqué. Mais au final, toute cette frustration je l’ai transformée en quelque chose de positif. Je suis fière de moi. »
As-tu peur de « l’après », une fois ton périple terminé ?
« Non, j’ai un travail qui m’attend, un documentaire à terminer, mais lorsque j’aurai fini ce voyage je pense prendre un peu de repos, avant de continuer le combat. Ce n’est pas encore très clair, je ferai peut-être des conférences, écrire aussi, mais toujours avec l’idée de me battre pour faire avancer les choses.
Reste que je suis contente que ce projet arrive à son terme. On va prendre la retraite avec Huguette ! Avant de voyager à nouveau … mais sans elle. Ce sera moins physique, plus soft ! »
Article initialement publié le 16 juin 2020, mis à jour le 20 juin 2020