Dimanche dernier, 28 juillet, on apprenait que la cordée menée par Kazuya Hiraide, l’un des plus grands alpinistes du 21e siècle, avait dévissé la veille à 7500 m sur le deuxième plus haut sommet du monde, au Pakistan, alors qu’elle tentait l’ouverture en style alpin d’une nouvelle voie sur la redoutable face ouest. Le corps de Kazuya Hiraide, ainsi que celui de son camarade Kenro Nakajima, considéré comme son « dauphin », avaient été localisés, mais vus « immobiles», selon une équipe de secours intervenue par hélicoptère, sans pouvoir atterrir. Depuis, les plus optimistes veulent encore croire à la possibilité de les retrouver en vie. Quand d’autres dans la communauté de la montagne sont convaincus que les espoirs sont, à ce stade, infimes. Voire nuls. Peu d’informations circulent, et personne n’ose annoncer officiellement leur décès. Seul élément récent : un communiqué diffusé ce jour par Ishii Sports, sponsor de l’expédition.
L’information est tombée ce matin à 9h30 heure locale via Ishii Sports. La marque japonaise soutient en effet l’expédition de Kazuya Hiraide, 45 ans, et de son partenaire, Kenro Nakajima, 39 ans, dont l’objectif était d’ouvrir en style alpin une nouvelle voie dans la face ouest du K2 (8 611 m). C’est l’une des rares instances à communiquer sur l’accident survenu le 27 juillet, au cours du quatrième jour d’ascension de la cordée japonaise, l’une des plus expérimentées ce jour-là sur la « montagne sauvage ».
La cellule de crise de l’équipementier affirme avoir reçu des informations de l’équipe de tournage au camp de base.
Nous avons observé les deux hommes (…) et avons signalé qu’ils n’avaient pas bougé depuis le 27 juillet, date à laquelle ils ont glissé pour la première fois. Leur sécurité est encore inconnue, mais la situation est difficile.
Ishii Sports
Plusieurs volontaires d’une autre équipe d’alpinistes du K2 qui sont entrés dans la zone au même moment ont exprimé leur volonté d’aider, mais compte tenu de la situation sur le site, nous demandons également l’avis d’un spécialiste du sauvetage par hélicoptère afin d’éviter une deuxième catastrophe.
Nous prévoyons d’organiser un voyage des personnes concernées, mais nous vous demandons de ne pas les suivre ou les interviewer afin de ne pas interférer avec leurs activités.
Nous continuerons à faire tout notre possible pour sauver les victimes.
Chez Ishii Sports, personne n’annonce le décès des deux alpinistes, mais dans la presse japonaise et notamment dans le très respecté Asahi Shimbun, les témoignages de leurs camarades de cordée sonnaient hier comme des éloges funèbres.
« Ils font tous deux partie des alpinistes les plus forts du monde », déclare le skieur professionnel Yuichiro Miura, 91 ans, qui a travaillé avec les deux hommes lors d’expéditions précédentes, écrit le quotidien qui donne également la parole au photographe de montagne Takuya Mitoro qui a grimpé avec Hiraide et Nakajima. Ce dernier décrit l’ascension d’une voie non escaladée sur un sommet de 8 000 mètres comme « incroyablement difficile ». « Les fonctions du corps se détériorent et le simple fait d’être là vous rapproche de la mort. L’ascension d’une voie inexplorée, ajoute-t-il, « exige un jugement de haut niveau, car la plupart des choses ne sont pas connues avant l’ascension ». Des compétences dont Yuichiro Miura ne doute absolument pas. Hiraide ayant accompagné Miura au sommet de l’Everest en tant que photographe lors de l’expédition de Miura en 2013. Nakajima et lui ont également participé à l’expédition de 2019 de Miura au mont Aconcagua, le plus haut sommet d’Amérique du Sud. Miura avait alors choisi les deux jeunes alpinistes pour leur fiabilité, leur prudence et leur perspicacité. Mais le vétéran concède que même une préparation minutieuse peut être dépassée sur le terrain. « La nature a un pouvoir terrifiant qui surpasse tout effort humain ». Le journaliste de montagne Yukio Kondo, ami des deux alpinistes, a déclaré pour sa part que « Hiraide considérait cette ascension comme son plus grand défi ».
Alpinistes et athlètes de classe mondiale, Hiraide et Nakajima ont passé des années à se préparer méticuleusement à ce défi. Ils avaient notamment gravi de nouvelles voies sur deux autres montagnes du Pakistan : Le Mont Rakaposhi à 7 788 mètres en 2019 et le Mont Tirich Mir à 7 708 mètres en 2023. Hiraide aurait déclaré qu’il pensait que « ces réalisations leur donnaient le droit de défier le K2 »… conclut le quotidien.
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