C’est la question qui s’impose depuis qu’au cœur de l’été, les présidents des régions Paca et Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez et Renaud Muselier, ont subitement annoncé qu’ils allaient se porter candidats à l’organisation des « premiers Jeux durables » dans les Alpes françaises. Un projet, dévoilé en détails cet après-midi à l’occasion d’une conférence de presse organisée à Paris, auxquels s’oppose fermement le collectif NO JO, soutenu notamment par Mountain Wilderness, convaincu qu’aujourd’hui nos montagnes ne peuvent plus accueillir un tel événement sans affecter plus encore une des régions de la planète les plus touchées par le réchauffement climatique. Explications.
Des Jeux « sobres » et « respectueux de l’environnement, réutilisant des « infrastructures déjà existantes »… les Présidents des régions Paca et Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez et Renaud Muselier ont beau sortir les formules que l’on ne connait que trop bien, ils ont peine à convaincre. Réunis cet après-midi à Paris pour défendre leur dossier en présence du président de Comité National Olympique et Sportif Français, David Lappartient, ils vont devoir, quelle que soit la décision finale attendue au printemps prochain, avoir affaire à une opposition musclée de la part des opposants aux projets, de plus en plus nombreux.
De quels Jeux parle-t-on ?
Pour les Jeux d’été, on le sait, c’est déjà calé, c’est Paris en juillet 2024. Il s’agit cette fois des Jeux d’hiver. Pas ceux de 2026, prévus dans les Alpes, mais côté italien, à Milan et Cortina d’Ampezzo. Restait ceux 2030, encore non attribués et pour lesquels apparemment on ne se bouscule plus au portillon. Les candidats potientiels jettant l’éponge les uns après les autres, ne resteraient en lice à ce jour que la Suède, la Suisse… la France avait donc une chance de « décrocher le gros lot ».
Quels sont les principaux arguments des promoteurs de ce projet ?
Après Chamonix en 1924, Grenoble en 1968 et à Albertville en 1992, il serait naturel que les Alpes soient à nouveau le cadres des Jeux. D’autant que cette fois, il s’agirait de « Jeux durables » utilisant des « infrastructures déjà existantes ». « L’esprit de l’olympisme a été marqué, et sans doute aussi un peu affaibli à un moment, par le gigantisme, par des milliards d’euros d’infrastructures. Nous, c’est l’esprit exactement inverse que l’on veut porter. Ça se traduit de façon très concrète par l’ambition pour nous de réutiliser toutes nos infrastructures », se félicite le président LR de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, cité par France info.
Un discours bien rôdé que reprend à son compte Alexis Pinturault, skieur français comptant le plus grand nombre de victoires en Coupe du monde qui dans une formidable démonstration de langue de bois explique que : « Je pense que les gens qui critiquent les JO le font à raison quand on parle notamment des derniers Jeux olympiques que j’ai connus, c’est-à-dire Pékin ou Sotchi », explique le triple médaillé olympique. « Là-bas, on crée tout de A à Z, on crée des stations de A à Z pour qu’en fin de compte, une fois que les JO sont passés, il n’y ait plus rien. C’est ça le problème. Là, on n’est pas du tout dans ce genre de phénomène là ». Pourquoi pas, mais les détails du projet sont loin d’être en phase avec ces louables intentions.
Pourquoi ce n’est pas acceptable pour les opposants au projet ?
« On vend du rêve en faisant du ski mais dans un monde qui fond », regrette l’association Mountain Wilderness. Sans parler que le budget prévu s’annonce important. Pas moins de 1,5 milliard d’euros selon les premiers chiffres avancées. Au bas mot devrait on ajouter quand on sait que pour ne prendre que l’exemple de Paris 2024, le budget a déjà été dépassé. Enfin, comment comprendre que le ski alpin irait à Val d’Isère, le biathlon au Grand-Bornand et le bobsleigh à la Plagne et que, surtout il faudrait quand même construire une patinoire de 10 000 places (on parle de Nice), et délocaliser à l’étranger les épreuves sur anneau de vitesse. Une complète hérésie donc pour le collectif « NO JO », s’exprimant hier dans une tribune publiée dans Reporterre.
« Avec les JO d’hiver, combien de centaines d’hectares de précieuses terres agricoles vont mourir sous le béton ? Il est vrai que ce n’est guère le souci de M. Wauquiez… De mètres cubes d’eau pompés dans les rivières et glaciers pour la neige artificielle ? Des milliers de tonnes de gaz à effet de serre émises, du fait des allers et venues entre les villages et lieux de compétition des visiteurs, caravanes médiatiques et sportives (pour Milan 2026, 3 600 athlètes prévus pour 200 épreuves), des trajets en avion ou en voiture ? Et tout cela alors que la loi européenne sur le climat exige une réduction de nos gaz à effet de serre d’au moins 55 % d’ici à 2030. Une contradiction que le Conseil économique, social et environnemental régional (Ceser) a soulignée dans un avis du 24 octobre 2023 », s’insurge le collectif NO JO (…). Renaud Muselier parle de Jeux « durables », avec « du photovoltaïque, des dameuses à l’hydrogène », mais laisse sans réponses les questions du manque d’eau et l’émission des gaz à effet de serre.
Autre argument, le train, avec une « loi d’exception » pour achever la voie Marseille-Nice d’ici à 2030 – les JO étant, selon lui, « le seul moyen de débloquer ». Depuis des années, les guichets ferment, les prix des billets augmentent, les créneaux horaires se raréfient – et pourtant M. Muselier est président de la Région depuis mai 2017. Et maintenant le voici qui se sert de cette défaillance pour reprocher leur manque « de bon sens » aux opposants aux JO dans les Alpes : « Et quand on parle de bilan carbone, mettre cinq heures pour faire Marseille-Briançon, est-ce acceptable ? » On croit rêver. Connaître le coût des Jeux olympiques d’hiver est une tâche complexe, on le sait, mais il s’élève en général à plusieurs milliards d’euros. M. Wauquiez a beau promettre de « s’appuyer sur des infrastructures existantes », nous n’avons aucune estimation globale du coût des JO d’hiver dans les Alpes. Pourtant, au vu de l’importance de la dette de la région Paca (dont l’encours par habitant est bien supérieur à celui des autres régions, hors Corse et Île-de-France — 526 euros contre 360 euros – selon la chambre régionale des comptes, cela semblerait un minimum. Il ne suffit pas de dire que les JO seront « moins chers ». Notre capacité de désendettement se dégrade : 6,9 années (estimation pour 2024), contre 5,7 en 2022, selon le Ceser en octobre 2023 [1]. De combien ces JO vont-ils encore la grever, après le coût des compétitions marseillaises de 2024, non encore pris en compte ? », s’inquiète le collectif.
Après la présentation d’aujourd’hui, quelle est la prochaine étape pour Laurent Wauquiez et Renaud Muselier, ?
Pour les porteurs du projet, il s’agit maintenant de convaincre le CIO le 21 novembre à Lausanne. Une première sélection serait effectuée début décembre avant l’attribution définitive atendue au printemps, soit avant les Jeux de Paris 2024.
Les habitants des régions concernées y sont-ils favorables ?
Selon un sondage Ifop commandé par la région Paca, 73% des habitants seraient favorables aux Jeux dans les Alpes du Sud. Or ce sondage semble avoir peu de poids. Car la question posée aux sondés était « Êtes-vous pour ou contre des JO respectueux de l’environnement ? » Répondriez-vous « non », vous, à un sondage qui vous demanderait : « Si la Terre n’est plus habitable, seriez-vous partants pour une vie sur Mars ? » s’insurge le collectif.
Que réclame le collectif « NO JO » ?
Un référendum, comme cela est prévu dans les deux autres pays candidats, la Suède et la Suisse. Car, explique le collectif dans son manifeste. « Toute cette fébrilité évince malheureusement la seule question qui vaille : quel projet pour nos régions montagnardes à l’heure du réchauffement climatique ? Le modèle économique fondé sur le loisir et le tourisme développé à partir des années 1960 a atteint ses limites, environnementales et sociales. M. Muselier prétend, au contraire, que les JO sont « un projet de territoire qui tirera les Alpes vers le haut ». Mais pour qui ? Et pour combien de temps ? Investir autant d’argent dans des infrastructures pour « une présence de la neige dans les soixante-cinq stations de notre région jusqu’en 2050 », est-ce raisonnable ?
Ne vaudrait-il pas mieux utiliser cet argent pour constituer une caisse de solidarité climatique pour les habitant-e-s et saisonniers mis en difficulté par le manque de neige, ou d’eau, notamment du fait des sécheresses plus intenses ? Valoriser des usages vertueux du territoire : agriculture, pastoralisme, artisanat, construction durable, etc., avant que le réchauffement ne s’intensifie ?
Pour prévenir les dangers d’une fuite en avant, nous invitons tous les citoyens, particulièrement ceux des Alpes, à réclamer un référendum national concernant la candidature des Alpes françaises aux JO d’hiver 2030, en signant cette pétition (le CIO lui-même le recommande pour éviter un désistement au dernier moment). L’occasion d’ouvrir un débat démocratique sur l’avenir de la montagne, dont la pérennité nous est vitale. »
CE SOIR 20 HEURES, SUIVRE LA CONFERENCE EN DIRECT DU COLLECTIF NO JO
A 20 heures, ce soir, mardi 7 novembre, suite à la déclaration de candidature des Alpes Françaises à l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques 2030, auprès du Comité International Olympique le Collectif NO JO organise un conférene de presse.
Pour la suivre en direct, se connecter en cliquant ici.