Dans « Désescalade », petit film de 10 minutes sans prétention, Eliott Nicot et Julien Geay ouvrent le débat sur un angle peu abordé de la surfréquentation : ce sont souvent les mêmes voies qui sont empruntées par les alpinistes, alors qu’il existe quantité d’autres tracés à découvrir sur nos massifs. La faute aux habitudes, à la facilité, aux réseaux sociaux mais aussi à un cruel manque d’imagination. Il a l’originalité de donner la parole aux « alpinistes ordinaires », croisés sur les voies les plus fréquentées du massif du Mont-Blanc et du parc des Ecrins… qui n’échappent pas à certaines contradictions, eux aussi.
Des premières grandes ascensions aux performances extrêmes ultra rapides en passant par l’explosion de l’industrie du ski en 1970, faces et sommets ont vu défiler un grand nombre de personnes aux états d’esprits divers et variés, expliquent les producteurs de « Désescalade ». « Et si à l’horizon 2024, nous étions à un tournant ? s’interrogent-ils. « Tout comme la première conquête du Mt Blanc en 1786 lança le début de l’alpinisme moderne, le heurt de notre génération aux conséquences d’une exploitation non-durable des montagnes pourrait-il être l’élément déclencheur d’une nouvelle ère ? Serait-ce celle de la sobriété qui n’entache pas la performance, celle d’un rapport plus authentique et moins consommateur de notre environnement ? »
Le grand paradoxe de la montagne
La question est posée par Eliott Nicot, co-directeur du festival IF3, dédié aux films de montagne sur le ski, le snow et le vélo de montagne, et Julien Geay, fondateur de la société de production Solid Rusk. « On pourrait parler du grand paradoxe de la montagne : on a envie de la protéger, mais on a aussi envie d’y être. Et dès qu’on y est, on a un petit impact sur elle, évidemment. Ce film est fait pour mettre en lumière ce paradoxe-là, cette prise de conscience de manière générale. », expliquait mercredi Eliott Nicot au micro de Radio Mont-Blanc.
A l’issue de ce court-métrage, qui tient plus du reportage que du documentaire, les deux réalisateur ont recueilli les témoignages de professionnels, mais aussi de simples amateurs, des « alpinistes ordinaires », rencontrés sur les voies les plus fréquentées du massif du Mont-Blanc et du parc des Ecrins. Contre toute attente, la plupart des gens interviewés en mode micro trottoir étaient très intéressés par la question de la « surconsommation » de la montagne.
Pas de solution miracle, ici, le dosage entre survie économique et protection de l’environnement restant délicat – mais l’émergence de la nécessité de viser la décroissance. De privilégier « l’apprentissage de la montagne par le temps long, et l’approche de l’alpinisme par la randonnée, sans téléphérique ni bien sûr hélico. », précise Eliott Nicot. Une idée qui fait déjà son chemin chez les professionnels, comprend-on, à commencer par la Compagnie des guides de Chamonix qui tente de faire découvrir d’autres voies que celles que les clients demandent traditionnellement. « Car on peut faire des perf extrêmes tout en respectant l’environnement », insiste le réalisateur. Ou, autrement dit : « comment changer le cool en montagne ».
Photo d'en-tête : Capture du film "Désescalade"