Quoi de commun entre Jacques Barge, retraité ardéchois, Jasmijn Muller, hollandaise, championne du monde des 24 h et Jason Black, alpiniste et aventurier Irlandais ? Tous trois viennent de boucler le BikingMan Oman, une promenade de 1000 km et 7200 m de dénivelé avec finish sur les rives de la mer d’Arabie. Ils en ont bavé et ils ont adoré ça.
Jacques Barge, le coursier d’expérience
Finisher en 67h30mn
Cyclo-sportif depuis 30 ans, Jacques, 36 de plus, commerçant retraité, se dit néophyte dans l’ultra-endurance. « Je faisais des sorties de 200 km maximum. C’est pendant le Téléthon, il y a 20 ans, en faisant 24 h sur mon vélo, que j’ai réalisé que j’étais résistant et doté d’une très bonne récupération. Peu à peu, j’ai rallongé le kilométrage, jusqu’à rouler pendant 500 bornes d’affilée. » Depuis l’Ardéchois, ex-rugbyman, arrivé au vélo suite à un grave accident de voiture qui lui vaut de multiples fractures et une rotule en moins, est devenu un accro de la longue distance. BikingMan, mais aussi Born To Ride (1200 km en autonomie en France)où il termine 5e en 2018. « L’an dernier, j’ai affiché 8000 km, rien qu’en course, assortis d’une quinzaine de sorties de 500 km. L’âge dans ce genre de sport n’est pas un handicap, bien au contraire. On a moins d’explosivité, mais plus d’expérience. On ne part plus à 50 km/ h en début de course, on sait mieux gérer… ». La preuve : cette année, Jacques, un an de plus, a terminé en 4 h 30 de moins que l’an passé. Un record qu’il a fêté avec un « petit décrassage de 50 km trois jours plus tard. « Je ne me prends pas la tête, arriver, c’est déjà beau, le classement est accessoire. Oman, c’est magique, à certains moments, sur la route, on se croirait revenus à la création du monde. C’est aussi pour ce dépaysement que l’on signe et que l’on revient. Sans parler du plaisir de retrouver des passionnés avec qui on passe de supers moments. »
Sandra Rosgalla et Stefan Slegl, l’ultra couple
Finishers en 69h30mn
Elle a 42 ans, il en a 6 ans de plus. Il est très grand, elle, petit gabarit, s’abrite derrière lui dans les longues lignes droites. Elle dirige une crèche, lui est entrepreneur en bâtiment. Ils ont chacun des grands enfants et vivent heureux à Francfort. Mais depuis plusieurs années, ils sont de tous les Ultras, les épreuves BikingMan – course autour du monde en 6 étapes – mais aussi la Raaf (Race Across France). Sandra et Stefan roulent ensemble à raison de 20 000 km par an, qu’ils cumulent au gré des courses, même si depuis le mois d’août leurs obligations professionnelles ont réduit le régime avec selle et qu’ils se présentent au départ moins affûtés que d’habitude. « On roule avant tout pour partager une passion commune, mais aussi pour assouvir notre soif de voyager, de découvrir. Il n’y a pas mieux que le vélo pour ça, on va lentement, on s’arrête où on veut, quand on veut. Et puis quand la fatigue s’installe la nuit, courir à deux, ça motive, on se parle, on se soutient, on peut même drafter (profiter de l’aspiration du coureur de devant), ce que les autres coureurs n’ont pas le droit de faire ! » Cette année, Sandra, grimpeuse quand Stefan est rouleur, s’est fixée un gros défi : tenter une qualification pour la Raam, Race Across America, traversée des Etats-Unis à vélo. « C’est encore une autre façon d’être en famille » explique Stefan, « Cette épreuve est avec assistance. Tout le monde sera dans le van à soutenir Sandra ! »
Jasmijn Muller, La Championne du monde des 24H
Finisheuse et première femme (9eme au général) en 45h37mn
Petite, Jasmijn allait à l’école à vélo, comme tous les élèves néerlandais. Pas de révélation particulière à ce stade, pédaler au Pays-Bas est une institution banalisée. Ce n’est qu’il y a 9 ans, à l’âge de 30 ans, qu’elle découvre son futur hobby. « Tout a commencé lors d’une course de bienfaisance au profit du cancer. Je ne savais même pas changer un pneu, encore moins rouler en peloton, mais j’ai adoré ». La cycliste en herbe se découvre des cuisses et un moral d’acier, débute les compétitions en 2013, devient championne du monde des 24 h en 2016 avec 433, 2 miles couverts (soit 697,1km), puis détient un moment le record de distance Zwift (home-trainer) avec 1828 km en 60 h. Jasmijn se met à pédaler autour de Londres, où elle vit avec son mari qui la déleste de tous ses soucis domestiques. « Je bosse à plein temps comme consultante culturelle, et avec tous mes allers-retours à vélo, j’avoue que je ne suis pas au top à ce niveau-là ! ». Car Jasmijn part régulièrement, parfaitement posée, sur son cadre carbone voir des clients à parfois des centaines de miles de chez elle, au Pays de Galles, entre autres. « Ma boss est aussi une cycliste, donc elle se montre très compréhensive. Elle sait comme moi que le vélo, c’est la liberté, l’auto-suffisante, la plénitude, le fun quoi ! Une façon de tester son mental et ses capacités, de les pousser très loin, au-delà de ce que vous pourriez espérer. » Sur Oman, Miss Muller, a pris le temps d’admirer le paysage, sans être obsédée par son chrono, et a survolé la course féminine, parfaitement fidèle à sa devise : « ride my bike far and fast ! ».
Jason Black, l’aventurier coach de vie.
Finisher et 2eme de la course en 40h32mn
« Ne pas laisser les voleurs de rêve vous abattre ». Si Jason les avait écoutés, il n’aurait pas atteint autant de sommets. D’abord l’Everest en 2013, puis le K2, deuxième plus haut sommet de la planète (8611 m) et de loin le plus dangereux, en juillet 2018. A 47 ans, il est le premier Irlandais à être monté là-haut, fier d’être parmi les 3020 élus. Persévérance : aucun mot ne peut mieux qualifier Jason qui a fait de ses rêves un métier en devenant « coach de vie ». Avant tout cycliste pour se préparer à ses exploits en montagne, Jason s’est d’abord lancé dans le format avec assistance. « Mais cela supposait toute une logistique qui coûtait beaucoup d’argent. Il y a quelques années, j’ai décidé de participer aux épreuves sans assistance, juste mon vélo et moi. La liberté. L’autonomie qui me rappelle la montagne. BikingMan Oman a été ma première course de ce type, je suis tombé amoureux du format ! » L’an passé, pourtant, sur le tracé, il a crevé 6 fois, alors qu’il taquinait Rodney Soncco, le futur double vainqueur de la course, autour du kilomètre 750. « A la fin, je n’avais plus rien pour réparer… J’ai dû marcher pendant 5h pour rallier une station essence. J’ai fini 6eme, un peu déçu. Mais j’ai bravé les obstacles, comme je le fais en montagne. J’endure, je vais au bout. On est toujours beaucoup plus forts que ce que l’on pense. Nous, les êtres humains, sommes incroyables. La seule limite, c’est nous-mêmes. » Cette année, Jason se réjouit de revenir en pleine forme pour reprendre cette bataille de titans, lui qui s’est engagé sur les 6 épreuves du championnat. Dans ce format sans assistance où « il faut prendre des séries de décisions importantes et rapides, où et quand manger, dormir, boire », Jason confirme : être alpiniste lui confère un sérieux avantage. « J’ai une bonne compréhension de mon environnement et de mon corps, je sais quand relever ou non mes curseurs. On sait tous que ces courses sont dures, qu’on va en baver, mais les gens qui font de l’ultra ne sont pas des masochistes. La part de plaisir qu’ils y prennent, que j’y prends, est le carburant essentiel. »
Jason aime se dédier aux autres. Pour lui, l’ultra-distance est une façon de rencontrer des gens sans ego, avec une belle humanité, dans le respect de chacun. « Il y a une grande solidarité, un besoin de s’épauler dans ce milieu qui est remarquable. » Enfant, Jason était un élève médiocre. C’est peut-être pour cela qu’il va dans les écoles au gré des pays explorés, pour y partager ses aventures et propager la bonne parole. Avant la course d’Oman, il n’a pas dérogé à la règle. « J’ai expliqué à ces jeunes gens que j’étais un gars normal, élevé dans une famille sans le sou. Je leur ai dit : ne soyez pas effrayés par vos rêves. Par petits pas, on progresse. C’est la même chose dans la vie. Personne ne connait la ligne d’arrivée, mais il faut toujours continuer à avancer. Sinon, on ne connaitra jamais son potentiel et on n’apprendra rien du chemin qui vous a fait arriver là. Et quand on parvient au sommet, se dire que c’est juste le début d’une autre aventure. »
Sur le même sujet, lire aussi: Rodney « Turbo » Soncco, une légende de l’ultra cyclisme est née
Photo d'en-tête : (©KAPAK /BikingMAN)- Thèmes :
- Cyclisme
- Ultra Cyclisme