160 km à travers les montagnes, 10073 m de D+, autant de D-, le tout à une altitude moyenne de plus 3352 m : c’est l’un des ultra trails les plus sauvages et l’un des plus attendus de l’année. Annulé en raison du COVID en 2020 et de l’enneigement exceptionnel en 2019, la Hardrock 100 fait enfin son retour ce vendredi 16 juillet, 146 lucky runners vont se lancer à 06h00 (14h00, heure française) à travers les montagnes de San Juan dans le Colorado. Un peloton très réduit, comptant certains des meilleurs ultratraileurs du monde, dont les Français François D’Haene et Julien Chorier.
Deux ans qu’on attend la Hardrock 100. En 2019, c’est le duel entre les deux stars françaises de l’ultra, François d’Haene et Xavier Thévenard qui faisait frémir par avance. Mais cet année-là. L’hiver avait été rude dans le Colorado, lieu où se déroule cette épreuve dont la majorité du parcours se situe entre 3000 et 4000 m. Les quantités de neige ayant atteint des records, les risques d’avalanches, de chutes de pierres, et l’accès impossible à certaines bases de vie, avaient contraint les organisateurs, pourtant rodés aux conditions extrêmes dans lesquelles se déroule cet ultra depuis plus d’un quart de siècle, à annuler l’épreuve. L’année suivante, en 2020, c’est la pandémie de Covid 19 qui eut raison de la course. Dire que les traileurs attendent avec impatience le départ ce vendredi 16 juillet à 6 heures, heure du Colorado, est donc un euphémisme.
La Hard rock 100, fait rêver, pourtant cet ultra est tout sauf une partie de plaisir. Très sauvage, courue en haute altitude, cette course exigeante n’accueille que 145 participants, (146 en 2021) tous tirés au sort. Chaque année, elle fait donc bon nombre de déçus, notamment chez les coureurs élites qui n’ont aucune place réservée, contrairement à d’autres courses. C’est ce qui rend chaque édition unique, le hasard dessinant un plateau toujours impressionnant.
Cette année, pour la 26e édition, côté hommes on regrettera certes l’absence de quelques grands noms, notamment le détenteur du record, Kilian Jornet (22:41:33 en 2014), Xavier Thévenard et Jim Walmsley. Mais cela laissera l’opportunité à d’autres de s’imposer. A commencer par Jeff Browning, de retour pour défendre son titre de 2018, remporté en 26:20 après la disqualification de Thévenard. L’Américain a déjà couru la Hard Rock 100 trois fois, il connait donc bien le parcours. Mais il devra compter sur la concurrence du Français François D’Haene et de l’Américain Dylan Bowman. Arrivant tous deux avec un sérieux palmarès : Trois victoires de l’UTMB et quatre à la Diagonale du Fou pour D’Haene. Et deux Ultra-trail du Mont Fuji pour Bowman. A surveiller également : les Américains Ryan Smith, Trevor Fuchs , mais aussi le Français Julien Chorier.
Mais c’est peut-être du côté des femmes que l’action sera la plus palpitante. Le peloton féminin, dominé par les américaines, est très impressionnant cette année. Au point que certains se demandent si le record établi en 2009 par Diana Finkel (27:18:24), ne pourrait pas enfin être battu. Parmi les prétendantes sérieuses : La championne 2018 Sabrina Stanley, de retour cette année pour défendre son titre, après avoir gagné en 2018 en 30:23. Mais aussi et surtout, Courtney Dauwalter que l’on ne présente plus. A son palmarès : la Western States en 2018 et l’ UTMB en 2019. A suivre aussi de près, Darcy Piceu qui a remporté la course trois années consécutives, de 2012 à 2014.
Du très bon niveau donc pour cet ultra qui promet d’être aussi « challenging » que d’habitude si l’on en juge par le préambule publié sur le site de la Hard Rock 100 par les organisateurs qui rappellent pourquoi cet ultra est aussi exigeant. « La course a été fondée en 1992 par Gordon Hardman, John Cappis, Charlie Thorn et Rick Trujillo en hommage aux mineurs d’antan qui suivaient leurs mules et leur instinct en prospectant les monts San Juan à la recherche d’or, d’argent et d’autres métaux » expliquent-ils. « Ces mineurs ont enduré le froid, la neige et les avalanches, la faim, les accidents miniers et une foule d’autres dangers que nous avons du mal à imaginer aujourd’hui. » C’est dont un parcours à la hauteur du quotidien de ces pionniers qu’ils ont concocté.
En quoi consiste cet ultra ?
100,5 miles (160 km) de long, plus 33050 pieds de D+(10073 m) et autant de D-. Le tout à une altitude moyenne de plus de 11,000 pieds (3352.8 m). C’est ce qu’on appelle un ultra engagé. La course se déroule sur un parcours en boucle alternant routes, chemins de terre et pistes dans la chaîne de San Juan, dans le Colorado. Elle commence et se termine à Silverton, à 2840 mètres d’altitude, et relie les villes de montagne de Sherman (Lake City), Ouray, Telluride et Ophir, en franchissant treize cols majeurs de plus de 3 000 mètres, le point le plus élevé du parcours étant Handies Peak, qui s’élève à 4 000 mètres. Enfin, précisons que son sens est inversé chaque année – en 2021 elle se déroule dans le sens inverse des aiguilles d’une montre – et qu’à l’arrivée, la coutume veut que les coureurs embrassent l’emblématique Hardrock (une tête de bélier peinte sur un gros bloc de débris miniers en pierre). Le temps limite est de 48 heures. Les record sont détenus actuellement par Kilian Jornet (22:41, en 2014 ) et par Diana Finkel (27:18, en 2009). Le temps moyen est de 40:23:42. Poètes, les organisateurs précisent que les coureurs qui terminent en plus de 40 heures pourront assister à deux couchers de soleil…
Pourquoi c’est si dur ?
Pour ceux qui en douteraient, il suffit de lire les mises en garde des organisateurs pour s’en convaincre: « Nous nous efforçons d’avoir un parcours bien balisé et de fournir un fichier GPX précis. Mais gardez à l’esprit qu’il s’agit d’un parcours impressionnant et complexe. Des événements inattendus peuvent se produire et se produiront. Les marmottes dévorent les balises de parcours ou les emportent dans leur tanière. Les élans les piétinent dans la boue. Des balises ont été vandalisées, volées et déplacées par malveillance. Les smartphones tombent souvent en panne et les batteries ont une fâcheuse tendance à rendre l’âme. Par conséquent, dans le cadre d’une course d’un tel niveau, il est de votre responsabilité d’obtenir et d’étudier les cartes ou autres ressources que vous jugez appropriées à votre niveau d’expérience pour vous orienter en toute sécurité sur le parcours en cas de défaillance des balises ou des appareils électroniques. » Et l’organisation de préciser que « il peut y avoir des écarts importants entre les fichiers GPX, les montres GPS, les guides et les cartes. Considérez que les mesures kilométriques fournies ici sont proches mais non exactes et qu’elles peuvent ne pas correspondre à d’autres appareils et sources. » Voilà qui est clair.
Et d’ajouter que le parcours compte de nombreux risques. « Notamment, mais sans s’y limiter », lit-on, « les chutes de neige, les éboulis, les falaises, les torrents violents, les rencontres avec la faune sauvage, les chutes de pierres, le mal d’altitude, la foudre, le froid et la chaleur. Bien que la grande majorité des coureurs terminent le parcours sans incident, il y a eu beaucoup d’accidents évités de justesse et des blessures occasionnelles dues à tout ce qui précède au cours des 25 éditions précédentes de Hardrock. » précisent les organisateurs qui laissent donc entendre que, oui, tout peut arriver sur la Hard Rock. C’est donc avec beaucoup d’intérêt que l’on suivra la course aujourd’hui..
Photo d'en-tête : Doug Duffee