Cri d’alarme viscéral, « Aquarela » nous martèle – à travers des images d’une violence et d’une beauté exceptionnelles – que nous ne sommes rien face aux éléments. En se concentrant sur l’eau, de celles traîtresses et gelées du lac Baïkal aux pluies mortelles de l’ouragan Irma, le documentaire nous ramène à notre insignifiance d’humains et à l’urgence d’agir contre le changement climatique.
H2O. Voici le personnage principal du documentaire « Aquarela – L’Odyssée de l’eau », dans lequel le réalisateur russe Victor Kossakovsky nous noie sous une pluie d’images toutes plus bluffantes les unes que les autres. La seule scène d’ouverture du documentaire saisit violemment le spectateur pour le tirer vers une réalité où plus rien n’est sûr. Des voitures se hasardent souvent sur les glaces du lac Baïkal afin de le traverser. Certaines ne parviennent qu’à percer la couche de glace, emportant leurs passagers avec elles. Alors que le réalisateur filme une équipe de sauvetage en train de sortir un véhicule, pris sous la surface, la caméra se tourne au loin, apercevant une voiture filant sur l’immense patinoire, avant de disparaître soudainement dans un craquement macabre.
Sans casting ni narration, « Aquarela » mise sur l’abstraction pour asséner ses coups. Et la bande-son d’Apocalyptica, groupe de heavy metal finlandais composé de violoncellistes et d’un batteur, finit le travail. Après la plongée des hommes dans les eaux du Baïkal, plus d’humains au programme.
Kossakovsky nous ballotte du Groenland, où les échos des glaciers s’écroulant résonnent comme de l’orage à des kilomètres à la ronde, au barrage d’Oroville, en Californie, qui manqua de céder lors des crues de 2017. On suit ensuite son intrépide caméra dans les rues désertées de Miami en plein cœur de l’ouragan Irma, avant de rejoindre les chutes d’eau les plus hautes du monde, au Venezuela. Pas besoin de sous-titres : la Terre est recouverte d’eaux puissantes et elles sont en colère.
Le réalisateur, qui a également enfilé les casquettes de scénariste, chef opérateur et monteur, a fait le choix de tourner à la vitesse de 96 images par seconde, soit deux fois plus rapide que celle de 48 images par seconde utilisée par Peter Jackson dans « Le Hobbit », qui représentait déjà le double de la fréquence traditionnelle (de 24 images/seconde (fps)).
Victor Kossakovsky a expliqué ce choix marginal : il souhaitait que l’on puisse distinguer chaque goutte d’eau de pluie, au lieu de traits comme on les perçoit souvent lorsqu’elles sont filmées. Pour autant, les cinémas n’étant pas encore équipés de la technologie adéquate, son film sera diffusé à 48 images/secondes dans les salles obscures. Mais, même à vitesse normale, rien ne saurait effacer le choc et la sidération suscités par certaines séquences du film.
« Aquarela » est un coup de semonce visuel, qui complète utilement l’excellente cuvée 2019 de documentaires illustrant les soubresauts de la planète face au changement climatique. On pense ici au résolument optimiste « Ice on Fire » produit par Leonardo DiCaprio, qui propose des solutions pour réduire notre empreinte carbone : combustibles plus propres, algues révolutionnaires, techniques de pointe pour expulser le dioxyde de carbone de l’atmosphère, etc. De leurs côtés, des documentaires déjà sortis, comme « Notre Planète » (Netflix) ou « Planète Hostile » (National Geographic), immortalisent la lutte de la faune pour s’adapter à ses nouveaux écosystèmes.
À rebours de ces films, Victor Kossakovsky n’illustre pas la destruction de la nature par les hommes, mais bien la puissance de celle-ci, démontrant que quoi que l’on lui fasse subir aujourd’hui, elle nous survivra, nous balayant peut-être au passage.
« Aquarela », de Victor Kossakovsky (1h30), n’a pas encore de date de sortie programmée en France.
« Ice on Fire » est programmé le 11 septembre 2019 sur OCS.
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