En 2008 la petite station de ski de Shames Mountain, en Colombie britannique, était en faillite. En l’absence d’acheteur, ce paradis de la poudreuse aurait pu fermer ses portes. Mais les locaux se sont mobilisés, bien décidés à garder accès à un territoire auquel ils étaient très attachés. Résultat, trois ans plus tard, en 2011, ils parvenaient à reprendre la gestion du site, via une coopérative, toujours en activité à ce jour. Un exemple rare et encourageant, à découvrir dans un film de 10 minutes, produit par Mammut.
Une station de ski à but non-lucratif, gérée par des bénévoles, entièrement détenue et exploitée par la communauté locale, ça existe. Notamment au Canada, où le modèle de Shames Mountain fait toujours figure d’exemple, treize ans après sa création. Pourtant, dans cette petite communauté située à 35 km à l’ouest de Terrace, dans la spectaculaire vallée de Shames, au milieu de la majestueuse chaîne de montagnes de la côte de la Colombie-Britannique, personne n’avait vraiment d’expérience en la matière, quand en 2008, les propriétaires du site ont annoncé qu’ils étaient au bord du gouffre. Cette année-là, ils sonnent le glas : ce sera leur dernière saison. La station est mise en vente, mais aucun repreneur ne se présente.
Dans la petite communauté de Shames, c’est la consternation. Le ski, la montagne, c’est toute une culture ici, un mode de vie. Et ces gens ordinaires mais passionnés se montrent suffisamment motivés pour se dire, qu’après tout, il n’y a pas de fatalité, et qu’une alternative à la fermeture est possible. A l’instigation d’un groupe de skieurs et surfeurs locaux, est alors créée en 2008 My Mountain Co-op (MMC), sur la base d’une société à but non-lucratif appelée Friends of Shames (FoS).
Sa mission principale ? « Trouver le moyen le plus efficace de maintenir la station de ski ouverte et viable à long terme. Friends of Shames étudie les modèles économiques possibles. Sont passées en revue les sociétés à but non-lucratif, les coopératives et les associations caritatives. En parallèle, sont organisées de nombreux réunions dans la ville afin de recueillir les commentaires des habitants et encourager les débats. Des avocats et des consultants spécialisés dans les structures à but non lucratif et les structures commerciales alternatives sont également consultés. C’est finalement le modèle de la coop qui sera retenue par FoS, convaincue que c’est la structure qui a le plus de chances d’assurer la viabilité à long terme de la station de ski de Shames Mountain.
299 $ pour rejoindre la coopérative
Un long processus de deux ans, donc, mais qui permet en février 2011 à des particuliers, des entreprises, des sociétés et des entreprises locales d’acheter des parts. La mise à prix est de 1.25 million de dollars. Malgré tous leurs efforts, Friends of Shame et MMC n’en réunissent que 600 000 dollars, soit à peine la moitié du prix de vente. Mais les propriétaires, qui ont leurs racines dans la région, sont sensibles à l’esprit de leur projet. Dans une région où les hivers sont longs et humides, l’esprit de la coopérative était de s’assurer que les enfants et les adultes aient un endroit où s’épanouir. Ils déclinent donc l’offre d’un autre acheteur qui cherchait à faire un investissement immobilier. Et signent la vente avec MCC pour seulement « quelques centaines de milliers de dollars – le prix d’une maison dans la région – afin que la coopérative puisse garder un peu de liquidités pour réparer ce qui était nécessaire. Les vendeurs, qui ont reçu suffisamment d’argent pour couvrir les créanciers, avaient une condition majeure : que MMC obtienne du gouvernement de la Colombie-Britannique qu’il renonce à ce qui restait du prêt initial. Lorsque cet obstacle est levé en janvier 2013, la propriété est officiellement transférée à la MMC », explique Powder magazine. Shames Mountain, devenant alors la première coopérative de ski à but non-lucratif du Canada.
Pour 299 dollars, toute personne de la communauté peut encore aujourd’hui rejoindre la coopérative My Mountain Co-Op, propriétaire de Shames. Ses membres définissent la stratégie et l’orientation de la montagne et bénéficient d’un discount de 100 $ sur leur forfait de ski. Au cours des 15 dernières années, ils se sont efforcés de faire tourner les remontées mécaniques – seulement deux à ce jour – tout en rendant le ski et le snowboard accessibles et abordables. La station est ouverte quatre jours par semaine, et reste accessible en ski de rando le reste du temps. Le forfait pour enfant ne coûte que 126 dollars la saison et les cours de ski pour les enfants commencent à 25 dollars par jour. Des tarifs modiques en Amérique du Nord.
Plus qu’une station de ski, un monde à part
Côté finances, l’équilibre n’est pas encore complètement atteint. En 2023-24, Shames a déclaré 1,6 million de dollars de chiffre d’affaires pour une perte d’exploitation nette de 55 000 dollars. Une situation fragile, certes, mais viable sont convaincus les membres de la coop, bien conscients tout de même que rien ne serait possible sans la contribution de chacun pour faire tourner les télésièges, ouvrir et entretenir les pistes et vendre les forfaits. La coop compte 2 000 membres à ce jour et ne cesse de se développer. Son modèle unique reposant sur des principes directeurs qui, visiblement, font mouche. A savoir, lit-on, sur le site de la coop, être :
1. Abordable : en faisant des choix responsables pour que le ski reste accessible à nos communautés.
2. Durable : en étant financièrement et écologiquement responsables dans nos actions.
3. Collaboratif : en développant des partenariats avec des organisations, des entreprises et des individus partageant les mêmes idées.
4. Innovant : en tant que coopérative de services communautaires, notre structure et notre processus de gouvernance nous permettent de fonctionner avec une structure d’entreprise unique et coopérative.
Objectif réussi, si on en juge par l’attachement des locaux à leur station, comme le montre parfaitement le film de 10 minutes que Mammut a consacré à Shames Mountain. Tous s’attachent à dire que le lieu est unique : un merveilleux et chaleureux domaine skiable de 57 hectares, niché au cœur d’un territoire de 3 150 hectares de montagne sauvage, un paradis pour le ski de rando, sans prétention. Gérés par des amoureux de la montagne, pour des amoureux de la montagne. Le site n’est situé qu’à 700 mètres d’altitude et culmine à 1189 mètres, mais il jouit encore de 1 200 cm de neige par an. Plus qu’une station de ski, c’est un lieu de vie pour les skieurs, une famille, résume l’une des membres de la coop interviewé dans le film. Un monde à part.
Photo d'en-tête : Field Work