Plonger au plus profond des abimes, sans bouteille et à la seule force de ses palmes. Fleurter avec la mort, frôler l’extase, ou la mort… l’apnée fascine. On se souvient du « Grand bleu », fiction qui en 1988 révélait cette discipline confidentielle au grand public, nul doute que le documentaire de Laura McGann, sélectionné au très prestigieux Festival de Sundance cet année, suscitera lui aussi des vocations. Basé sur un fait divers qui a fait la une en 2017, il est construit comme un thriller passionnant. Pendant 1h48 il vous tient en haleine. A découvrir le 19 juillet.
Vu l’énorme succès de « Free Solo », on comprend que Netflix se soit jeté sur un autre récit d’aventure vécue, « The Deepest Breath » (« Au plus profond »), documentaire qu’il diffuse en exclusivité en France à compter de mercredi. Réalisé par Laura McGann, ce film de 1h48 réunit les mêmes ingrédients que le récit de l’ascension vertigineuse d’Alex Honnold. Une pratique extrême, exercée au plus haut niveau, un site exceptionnel superbement filmé, un défi potentiellement mortel et surtout un protagoniste hors normes. Mieux, deux dans le cas d’« Au plus profond » ! Car s’il est difficile de surpasser «Free Solo », dont l’exploit est filmé en direct, record absolu du suspens – même si le spectateur en connait l’heureuse issue – la réalisatrice parvient via un savant montage d’images d’archives et de tournages récents à nous captiver en retraçant le destin de l’apnéiste Alessia Zecchini et de son coach, ami-amant, l’Irlandais Stephen Keenan, vrai aventurier, champion d’apnée et sauveteur pro.
Les premières images donnent le ton. À l’arrière d’une voiture, la réalisatrice Laura McGann braque sa caméra sur Alessia Zecchini. « Quel rapport as-tu avec la mort », lui demande-t-elle ? Avant d’enchaîner sur un très beau plan où l’on voit l’Italienne se laisser couler dans les profondeurs de l’océan. La caméra suit sa descente vertigineuse puis son sprint vers la lumière, où, juste avant de crever la surface, elle perd connaissance. Les yeux révulsés, elle est promptement réanimée par l’équipe qui l’attend. « Je n’ai pas peur de la mort », répond, au volant, Alessia. Et quand lorsque, reprenant conscience, on la sent prête à replonger, on comprend que l’athlète dit vrai, joue gros, et en assume les risques. Comme Honnold.
Sous la caméra de la jeune documentariste irlandaise, c’est tout un univers que l’on découvre avec ses codes, ses règles, et ses grandes figures. Parmi elles, Alessia Zecchini. Dès l’enfance, l’Italienne est fascinée par l’eau et obsédée par Natalia Molchanova, légendaire apnéiste détentrice de nombreux records mondiaux jusqu’à ce que les eaux d’Ibiza l’engloutissent en 2015. A l’origine d’une méthode consistant à faire le vide complet dans son esprit et à s’abandonner au silence, l’athlète russe est son inspiration absolue.
Enfant prodige, Alessia n’aura de cesse d’atteindre le niveau de son idole. Très tôt, dès ses quatorze ans, elle bat des records en piscine à Rome, seule fille parmi les garçons, mais elle doit attendre d’avoir 18 ans pour participer à des compétitions. Elle piaffe, mais attend et en profite pour travailler sa technique. Légère, élégante et puissante, l’Italienne est déterminée à atteindre l’excellence. Elle y parvient presque lors de la « Vertical Blue », compétition internationale au cours de laquelle elle tente de battre le record du monde d’apnée de 101 mètres. Ce ne sera pas pour tout de suite, mais elle y gagnera plus encore : un coach, Stephen Keenan, champion d’Irlande d’apnée, devenu sauveteur pro à l’issue d’un parcours que plus d’un aventurier pourrait lui envier.
Lui aussi a une idole, le biologiste et documentariste britannique David Attenborough, explorateur infatigable. Il part sur ses traces à travers le Congo, le Soudan et l’Éthiopie. A Dahab, en Egypte, Stephen se lie avec un groupe de plongeurs. La ville côtière de la péninsule du Sinaï devient son port d’attache et il finit par y ouvrir sa propre école de plongée. Athlète confirmé, il est présent sur toutes les compétitions internationales en tant que plongeur de sécurité. Un rôle peu connu, mais essentiel. C’est lui qui intervient lorsque les compétiteurs s’évanouissent sous l’eau et qu’une réanimation s’impose..
A l’issue de sa tentative de record lors de la Vertical Blue, Stephen ranimera Alessia, comme il l’a fait avec tant d’autres, mais surtout, il saura la convaincre plus tard qu’elle peut réussir, à condition de s’entrainer autrement. Entre ces deux passionnés, l’amitié évolue en ce que l’on devine comme une relation amoureuse basée sur une confiance absolue. Cela les conduira tous deux à pousser le curseur du risque toujours plus haut, ou plutôt plus profond. Dahab, leur base, s’enorgueillit de posséder le « Blue hole » (le Trou bleu), une arche sous-marine mortelle décrite comme « plus dangereuse que le mont Everest ». A l’origine d’une liste sans fin d’accidents mortels, elle est explorée à ce jour par une seule femme, Natalia Molchanova. Le défi est trop tentant pour être ignoré par Alessia et Stephen. Le dénouement semble évident, mais nous n’aurons pas la cruauté de vous spoiler la fin. Regardez « Au plus profond » !
Photo d'en-tête : 2023 Netflix, Inc