Cette mesure, que l’ONG compare à une « loi Evin sur le climat » fait aussi partie des propositions de la « Convention citoyenne pour le climat » qui doit rendre ses conclusions dans quelques jours. Elle serait également soutenue par une majorité de Français, 72% des personnes interrogées estimant que les compagnies pétrolières font partie des principaux responsables du changement climatique, selon un sondage commandé par Greenpeace en juin.
En 1991, la loi Evin encadrait la publicité en faveur des boissons alcoolisées et interdisait totalement celle faisant la promotion du tabac. Cette loi « illustre comment le législateur peut apporter des limitations à la liberté d’entreprendre, et donc à la publicité, pour un motif de santé publique », expliquent Greenpeace, Réseau Action Climat et Résistance à l’Agression Publicitaire dans un rapport commun rendu public hier. Les trois organisations faisant valoir que ce raisonnement s’applique aussi à la protection de l’environnement.
Or, les secteurs automobile, aérien, maritime et des énergies fossiles contribuent fortement aux émissions et investissent lourdement dans la publicité : pour plus de 5 milliards d’euros en France en 2019.
« Il faut interdire la publicité liée aux énergies fossiles, à leurs produits et services », lit-on dans le rapport. « C’est une nécessité pour se donner une chance de contenir le dérèglement climatique. Les entreprises polluantes arrêteront alors de dépenser des milliards pour nous inciter à voyager en avion ou acheter des voitures, au-delà de nos besoins, et au-delà des ressources de la planète.
La publicité commerciale façonne nos envies : elle crée des valeurs artificielles, où l’achat et la consommation sont associés à la réalisation de soi et au plaisir. Voyager en avion est ainsi synonyme de légèreté et d’évasion, alors que c’est un mode de transport (très) polluant. Quant aux voitures, les publicités pour des SUV, innombrables en ce moment, célèbrent un asphalte lisse au milieu d’une zone déserte, sur lequel la voiture révèle le suréquipement dont elle est bardée. Un véritable appel à l’aventure et à la performance… bien loin de la pollution, des bouchons et des limitations de vitesses qui rythment le quotidien des automobilistes.
En associant des produits nocifs pour le climat à des expériences faussement exaltantes, la publicité masque la réalité du réchauffement climatique, et nous incite à l’aggraver. Biodiversité et humanité sont en danger. Pas demain, mais dès aujourd’hui. Des milliards de vies sont déjà menacées par l’emballement du climat », souligne le rapport.
Une alerte qui semble trouver un écho très favorable auprès des Français, si l’on en juge par un sondage BVA commandé par l’ONG en juin. 65 % des personnes interrogées se disant favorables à l’interdiction de la publicité pour les marques contribuant au changement climatique (avions, voitures, compagnies aériennes…).
De même, La Convention citoyenne pour le climat, dont la réflexion devrait aboutir d’ici quelques jours, s’est penchée sur la question. Constituée de 150 Français tirés au sort pour trouver des solutions au réchauffement climatique, elle appelle en effet à interdire dès 2023 la publicité sur les produits les plus émetteurs de gaz à effet de serre pour « mettre fin à la surconsommation ». Elle suggère d’interdire les panneaux publicitaires dans les espaces publics extérieurs et d’inclure dans les publicités une mention du type « Avez-vous vraiment besoin de ce produit? Surconsommer nuit à la planète ».
Des propositions utopiques pour certains, reste que des acteurs majeurs ont déjà pris les devants. En janvier, « The Guardian », très influent quotidien britannique, a ainsi annoncé renoncer à toute publicité pour des sociétés pétrolières et gazières. Mesure qu’il justifiait en ces termes : « Notre décision est fondée sur les efforts déployés depuis des décennies par de nombreux acteurs de cette industrie pour empêcher les gouvernements du monde entier de prendre des mesures significatives en matière de climat ». Le quotidien s’est alors imposé comme le premier média d’envergure internationale à adopter une politique aussi radicale.
Une décision audacieuse pour un quotidien déjà malmené par la crise de la presse mais qui a été saluée par les associations de lutte pour l’environnement et surtout par ses lecteurs, qui n’ont pas hésité à répondre à un appel aux dons lancé en parallèle. Certains souhaitant même que le quotidien aille plus loin encore en interdisant les publicités pour tout produit ayant une empreinte carbone importante, comme les voitures ou les vacances. Radical mais impossible pour le moment, reconnait le média, qui serait alors obligé de faire des coupes importantes dans sa couverture journalistique. Mais surtout, précise-t-il : « les extracteurs de combustibles fossiles sont qualitativement différents. L’intention – et l’étendue – de leurs efforts de lobbying ont explicitement porté préjudice à la cause environnementale au cours de nombreuses années – comme l’ont montré nos propres rapports et comme l’ont pu faire valoir les militants de l’environnement. De nombreux experts environnementaux ont fait la différence entre les extracteurs de combustibles fossiles et leur rôle fondamental dans l’économie du carbone, et les autres secteurs à fortes émissions. »
Photo d'en-tête : Daniele Buso / Unsplash- Thèmes :
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