Pour avaler les 2692 Km (1673 miles) / 28 042 D+ de la fameuse Baja Divide, au Mexique, il n’a mis exactement que 10 jours, 13 heures et 24 minutes : les bikepackers salueront l’exploit sportif. Miron Golfman, arrivé hier sur la Plaza Mijares à San Jose del Cabo, se réjouit, lui, de sa principale victoire : son exploit lui a permis de lever 45000 dollars, et espère-t-il, de sensibiliser au sort des milliers de victimes de la maladie de Charcot, affection dégénérative atteignant les neurones moteurs supérieurs. Car pour l’Américain, le projet de la Baja Divide a commencé à l’automne 2020, au chevet de son oncle Bruce, sportif accompli, aujourd’hui condamné à se déplacer en fauteuil roulant.
Le 1er janvier 2022, à minuit, au milieu des feux d’artifice marquant la nouvelle année. Miron Golfman quittait Tecate, dans la province de Baja, au Mexique. Son objectif : la mythique « Baja Divide ». Un périple de 2692 Km (1673 miles) / 28 042 D+ pimentés de désert, boue et autres sentiers caillouteux qu’il a parcouru en 10 jours, 13 heures et 24 minutes, établissant ainsi un nouvel FKT (meilleur temps connu). L’Américain est en effet parvenu à San Jose del Cabo, son périple, avec presque un jour d’avance par rapport à Pete Basinger et Lael Wilcox, détenteurs des précédents records sur cet itinéraire.
Un vrai exploit quand on connait la difficulté du parcours reliant l’océan Pacifique et la mer de Cortez. Les riders qui s’y sont attaqué ont certes traversé des typiques missions espagnoles, des ranchos isolés et des petits villages de pêcheurs, mais c’est surtout des routes saturées de camions, des sentiers de terre en montagne et des centaines de kilomètres de désert dont ils se souviennent généralement. Un cocktail qui fait de la Baja l’un des itinéraires d’ultra-endurance cyclistes les plus difficiles au monde.
Si le temps, plutôt froid pour la saison, aura plutôt joué en faveur de Miron cette année, rien, ou presque ne lui aura été épargné : boue, sable et route sans fin truffées d’ornières, sans oublier les ennuis de santé – de sérieuses douleurs au genou – et les galères mécaniques, notamment l’explosion de son pédalier à 47 kilomètres au nord de Vizcaino. « Le temps d’arriver au magasin de vélo le plus proche », raconte-t-il, « le roulement de la transmission était complètement mort. Il n’y avait même plus de roulements. Les mécaniciens ont dû extraire la cartouche d’un autre pédalier et l’insérer pour que je puisse continuer. »
Mais s’il a tenu la route, surmonté la fatigue et les ennuis, c’est parce qu’il roulait pour une cause, et pas pour lui. Sa vraie réussite, explique-t-il dans ses posts, c’est la collecte de 45 000 dollars en faveur de la recherche sur la maladie de Charcot, une maladie dégénérative qui atteint les neurones moteurs supérieurs. Connue également sous le nom de la maladie de Lou-Gehrig, cette sclérose latérale amyotrophique (SLA), affecte graduellement les muscles qui s’affaiblissent au fil des ans. Un diagnostic plutôt sombre pour les milliers de personnes qui en souffrent.
C’est le cas de l’oncle de Miron, Bruce, diagnostiqué il y a quatre ans. « Depuis, cette maladie a progressivement pris mes forces physiques », raconte ce dernier sur le site créé afin de soutenir cette levée de fonds. « Il y a cinq ans, je menais une vie active, j’adorais le ski et le kayak » dit-il. « Il y a trois ans, j’ai abandonné ces activités, mais je pouvais encore, avec de l’aide, tenir la barre d’un petit voilier. Aujourd’hui, j’utilise la reconnaissance vocale au lieu de la dactylographie, je me déplace sur de très courtes distances avec un déambulateur, je passe mes journées dans un fauteuil roulant motorisé et j’ai besoin d’un soignant à plein temps pour m’aider à accomplir même les tâches les plus simples. »
Ce soignant 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, pendant 3 mois, ce sera son neveu Miron. « À l’automne 2020 », explique le rider, « j’ai pris la décision de faire une pause dans ma vie quotidienne et dans mon travail et de prendre trois mois pour assister mon oncle Bruce (…). Au cours des années précédentes, j’avais vu le processus douloureux de la maladie progresser et sa santé décliner. Pendant le temps passé à soutenir Bruce, j’ai acquis une compréhension intime des effets dévastateurs de la maladie de Charcot sur les patients et leur famille. Après cette expérience, j’ai décidé de m’éloigner du monde et de faire une expédition de deux mois en vélo avec un ami : de San Diego, en Californie, à Cabo, au Mexique (The Baja Divide). Au cours de ce voyage, j’ai réfléchi à ces jours vécus aux côtés de Bruce et à ce que ça voulait dire de voir un membre de ma famille, un être cher, une figure parentale, se battre contre une maladie aussi dévastatrice. Je suis sorti de ces deux expériences consécutives avec le désir profond de vivre pleinement ma vie et de ne pas retarder d’un jour mon rêve d’athlétisme et de cyclisme. »
Pour lui ce sera la Baja Divide. Du coup, « ce FKT, ce n’est que la cerise sur le gâteau », conclut Miron, qui prévoit de sortir un film sur son periple, si possible en mai. Une date qu’il n’a pas choisie au hasard, c’est celle du mois de sensibilisation à la maladie de Charcot aux Etats-Unis (en France, elle est organisée en octobre, ndlr).
Photo d'en-tête : Aaron Rosenblum / Schuyler Alig