256 kilomètres, 6070 m de D+, et des pointes à 4780 mètres d’altitude, la rideuse espagnole qui se définit comme « life explorer, productrice, photographe et TOUJOURS cycliste », n’a pas choisi la facilité pour sa dernière expédition. Soutenue par Columbia, elle a filé en Bolivie avec son gravel YT industries, petit bijou auquel elle tient comme à la prunelle de ses yeux, et une équipe de Mountain Legacy pour tourner dans les hauteurs de La Paz le premier épisode de « Ground control », nouvelle série produite par la marque d’outdoor, focalisée sur des figures fortes de l’aventure. Des passionnés qui regardent le monde avec une nouvelle perspective, quitte à tout lâcher pour vivre plus intensément.
Après des années passées à Girona, la « Mecque du vélo », en Catalogne, devenue trop urbaine à ses yeux, l’Espagnole Sami Sauri, 30 ans, vient tout juste de poser son sac à Morzine, en Haute Savoie, où après une année 2022 riche en tournages, « beaucoup de pubs, de gros docs », elle renoue avec la nature, découvre une autre communauté « plus ouverte, qui ne parle pas que de vélo, c’est cool » et peut enfin renouer sérieusement avec son entrainement avec un nouveau coach. Tous terrains et toutes disciplines, « pourvu que ça glisse et vite de préférence », dit-elle. Alors, posée là pour quelques mois, peut-être plus, qui sait avec elle, le surf, une autre de ses passions, risque de lui manquer un peu, mais elle devrait y trouver son compte.
A son programme désormais : ski, snow, grimpe et bien sûr encore et toujours vélo, sa passion depuis qu’à 16 ans elle a commencé à faire du commuting avec un fixie. « Un jour, une copine a rappliqué avec un vélo flashy flambant neuf « se souvient-elle. Dès le lendemain j’ai dégoté un vieux cadre de route merdique d’occasion, je l’ai converti en pignon fixe et peint en jaune vif. Avec, j’ai sillonné les rues de Barcelone, navigué aux quatre coins de la ville. Dérapages, compets d’Alleycats, j’ai tout fait ». Très vite, cette « chica » au sourire immense se fait un nom sur les réseaux. Son côté nature sans doute. Son style aussi qui fait mouche sur Insta. Un peu garçon, une sorte de chic pas travaillé, mix de pièces iconiques, de fripe et de bonne pièces techniques qui font le job sur cette fille filiforme de 1,80 m. Car si Sami n’est pas vraiment folle du « look cuissard-lycra », « ça pue », dit-elle, elle reste toujours pratique : « bouger, c’est vital pour moi ». Forcément, un profil pareil, ça attire les followers, 46 000 sur Instagram, à l’heure où nous bouclons cet article, et, dans la foulée, les sponsors. Même si cette « wild chica » est tout sauf une femme sandwich. Pas question de s’afficher avec n’importe qui, et ses partenaires font toujours sens à ses yeux, la liberté n’a pas de prix pour une rideuse qu’on voit aux quatre coins de la planète, là où les courses de la Red Hook Crit la conduisent.
Ces épreuves en pignon fixe organisées dans les plus grandes villes du monde semblent taillées sur mesures pour cette Catalane grandie trop vite à Barcelone. Pas la bourgeoise, ni l’industrieuse, pas vraiment non. « J’ai eu une jeunesse difficile », raconte-t-elle dans un français presque parfait. « Une famille chaotique, un père disparu alors que j’avais onze ans avant de réapparaitre. Ma mère ? Idem, Une famille jamais ‘consistante’, avec pas mal de problèmes de drogues. Alors très vite, j’ai pris le large, seule. Ma grande force, c’est d’avoir compris tôt que si tu ne fais pas les choses toi-même, toute seule, qui va les faire pour toi ? Et moi je ne veux pas finir comme un clochard, je veux une belle vie ».
Cette belle vie, elle va se la créer grâce à la photo, qu’elle découvre à six ans lorsqu’on lui offre un vieux boitier analogue, puis grâce au vélo où elle trouve « une jolie famille ». Via le fixie bien sûr, et le gravel aussi où elle découvre la compétition. Dernière en date, la Dirty Reiver, une course organisée dans la forêt en Angleterre, à la frontière de l’Ecosse, où on l’a vue sur le 130 km « Là, dehors, en pleine nature, je me sens bien », dit-elle. Girona, l’Italie, la France, Berlin, les US, le deux-roues va la conduire un peu partout et lui ouvrir des portes. Et quand elles ne s’ouvrent pas assez vite, elle les enfonce… avec le sourire, mais sans hésiter, en fille qui n’a peur de rien. « Dans le vélo, on est de plus en plus de filles, c’est incroyable comme ça a bougé. C’est super cool, mais on n’est pas encore assez nombreuses » dit-elle. « Rider avec les garçons, ça te force à repousser tes limites, mais il faut beaucoup batailler. C’est vrai partout, dans d’autres sports aussi. Ca évolue, mais ce n’est pas encore suffisant. On est plusieurs à se battre pour ça, comme Sarah Swallow, connue notamment pour son engagement et son Sky Islands Odyssey Route Project, ou encore Lael Wilcox, qui peut faire de meilleurs temps que les mecs ».
Moi, j’ai monté un petit collectif, WForum. C’est gratuit et toutes les filles peuvent y venir pour parler tranquillement, partager leurs expériences, sans crainte du jugement, en confiance. S’informer aussi. Car, quand j’ai commencé le vélo, toutes les sources d’info étaient masculines et ça ne répondait pas forcément à mes besoins ou mes questions. On organise des événements, les Wcamps et les WRides, à notre rythme parce que ce qui bloque souvent les filles c’est que les mecs aiment avant tout aller vite, moi ça ne me dérange pas, mais beaucoup de filles ne trouvent pas ça amusant. Alors, là, dans nos événements, c’est formidable de les voir toutes oser et repousser leurs limites. Moi, le sport m’a beaucoup aidée, c’est ça que je veux partager, parce que croire en soi, ce n’est pas facile.
Ce qu’il faut changer ? La manière de voir les filles dans le sport, la manière de payer les athlètes femmes, dans la majorité des cas, les mecs sont mieux payés que nous. Ca ne me concerne pas directement, je vis du vélo depuis dix ans mais je fais des compets où il n’y a pas de prize money. Mais dans d’autres disciplines, si, ça compte. Il faut ouvrir des jobs aux filles, elles ont des idées bien à elles. Les industriels doivent les écouter aussi, car elles ont une autre façon d’acheter que les mecs qui, eux, décident. Moi par exemple, j’aime voyager léger, avec mon sac et mon vélo. Alors je recherche des vêtements multifonctions, que je vais pouvoir utiliser pour plusieurs sports, comme ce legging et cette polaire de Columbia. Typiquement le genre de fringues que j’ai glissées dans mon sac pour la Bolivie, le gros projet que j’ai monté avec le soutien de la marque.
Après la période Covid, j’avais vraiment envie de bouger, et la Bolivie c’était un monde de couleurs, et de challenge aussi. C’est pour ça que j’ai tout de suite pensé qu’on pourrait faire un super film pour la nouvelle série « Ground Control ». On est partis avec l’équipe de Jordan Manoukian, de Mountain Legacy [réalisateur notamment de « Out of frame », ndlr]. On y est restés dix jours, passés trop vite. Ca a été tout ce que j’attendais, ma découverte de l’Amérique, un des trucs les plus durs que j’ai fait de ma vie ».
Partie depuis La Paz en gravel, Sami franchit des cols à 4150 mètres, El Alto, et La Cumbre aussi à 4780 mètres d’altitude. Dur, malgré ses deux semaines d’acclimatation à Girona sous tente hypoxique et masque. Au 3e jour, c’est vraiment violent : après 183 km et 4388 de D+, elle entame la « Death road ». Son nom parle tout seul : la « route de la mort » Là elle chute, rien de grave, pas de casse, mais elle accuse la fatigue. Si bien qu’au 6e jour de ce rythme effréné, elle doit s’arrêter, victime de l’altitude. Reste une « expérience unique », confie-t-elle, qui confirme une fois de plus qu’on passe des moments extraordinaires en pleine nature. « Peu importe ton style, il faut juste oser se lancer, sortir et explorer. Et le vélo, pour ça, c’est magique, il n’y a pas beaucoup de sports où tu peux être comme ça dans la nature, tranquille. Et qui te permettent d’aller loin, très loin, dans des endroits dont tu n’avais même jamais rêvé d’aller ».
En témoigne la prochaine étape de Sami, entre ses nombreuses compétitions européennes, elle prépare actuellement un nouveau documentaire sur la Team Amani, au Kenya. Sur les filles bien sûr. Elles sont encore peu nombreuses, mais sûr qu’elle pourront compter sur la rideuse pour faire parler d’elles.
Pour en savoir plus sur les équipements utilisés par Sami Sauri lors de cette expédition, jetez un oeil ici : www.columbiasportswear.fr
Photo d'en-tête : Columbia