En tête des bonnes surprises du festival « Tous en selle », qui aura lieu jeudi soir au Grand Rex, à Paris, l’ex-footballeur Bixente Lizarazu viendra présenter « Artzamendi, l’enfer basque », un documentaire très personnel consacré à sa passion du vélo, dans lequel on suit sa rééducation suite à un grave accident de surf en février dernier. Le champion du monde n’a qu’une idée en tête, pédaler pour guérir en se frottant aux cols les plus raides du Pays basque. Pour Outside, ce sportif complet qui ne lâche jamais rien raconte son amour du vélo, des challenges, de la convivialité, la bonne bouffe et, toujours, du Pays basque.
À peu près tout le monde vous attendait sur le surf et vous nous prenez à contrepied avec le vélo : c’est une nouvelle passion ou on était simplement passé à côté ?
C’est assez récent, je n’avais pas la culture vélo. Mais quand j’ai arrêté ma carrière de footballeur, j’ai cherché des substituts, parce que quand tu fais du sport de haut niveau, tu ne peux pas arrêter. Pour moi en tout cas, ce n’est pas possible. Et le vélo s’est imposé comme la pratique idéale pour travailler la résistance et l’endurance, pour m’entretenir, même si je fais aussi d’autres sports. Sans compter que le Pays basque est un endroit magnifique pour faire du vélo, on a des montagnes, des cols, des parcours vraiment sublimes.
Le choix de mettre le vélo au centre de votre rééducation s’est donc imposé de lui-même ?
Je me suis blessé gravement en faisant du surf fin février : rupture du tendon de l’ischio-jambier. J’ai été opéré, et trois mois après j’étais à nouveau en selle. C’est le vélo qui m’a permis de redémarrer le sport assez rapidement car c’était parfait pour solidifier mes cuisses, mon tendon, et tout aussi important, mon mental. Je me suis lancé le challenge de faire des cols de plus en plus raides pour pouvoir me prouver que j’étais guéri. C’est pour ça qu’il y a eu Artzamendi. C’est l’un des cols des plus raides de France : 13,5 kilomètres de montée, 920 mètres d’altitude avec murs entre 18% et 21%. C’était ma ligne d’arrivée. Une fois fait, j’étais guéri. Le vélo a été l’arme fatale pour cette rééducation.
C’est une activité en solitaire ou accompagné ?
Plutôt accompagné car je fais des grosses sorties. Bon, ce matin j’ai fait 70 kilomètres seul mais en général il y a de la compagnie. Entre deux et cinq maximum, je n’aime pas trop l’effet peloton. En petit comité c’est plus intime, on peut parler !
Donc le plat ce n’est pas trop votre truc ?
Au Pays basque, le plat on ne connaît pas, ce n’est que de la montagne. Bon, je n’ai pas forcément un physique de grimpeur, j’ai plutôt un physique de lutteur qui fait de la grimpe (rire), mais je n’aime que ça ! Monter. Et j’ai le terrain de jeu idéal à la maison.
Comment vous est venue l’idée de documenter ce moment un peu compliqué de votre vie ?
J’avais envie d’avoir un souvenir de ce challenge, parce qu’au mois de février, après mon opération, je…n’étais pas le plus joyeux (rire). Je n’étais pas… Enfin voilà. C’était un choc et quand même une grosse blessure. Je voulais garder tout ça. Sans compter qu’Arzamendi est tellement joli, je voulais le mettre en valeur. D’autant que même chez nous il n’est pas tellement connu, il mérite d’être découvert. Je devais venir à « Tous en selle » pour parler vélo, et je leur ai proposé d’apporter ce petit film, qui est un souvenir pour moi, et qu’à travers cet objet on puisse parler vélo.
Vous le connaissiez déjà ce col infernal ?
Pas du tout ! J’ai repris le vélo début juin, mais il y a eu très vite la Coupe du monde féminine (dont il a commenté les matches sur TF1, ndlr), et ensuite je m’y suis vraiment mis. Tous les trois jours je faisais plus de 100 kilomètres. Au fil de ma progression, de la forme et des sensations qui revenaient, j’allais chercher des terrains de plus en plus raides. Un jour, j’ai tapé sur Internet “Cols les plus raides de France”, et je suis tombé sur quatre ou cinq endroits au Pays basque. « L’Enfer basque », c’est-à-dire Artzamendi, et d’autres que j’ai faits, comme l’Errozate, qui sont aussi très raides. Les images à vélo en caméra embarquée que l’on voit dans le film, c’est vraiment ma première ascension là-bas. Physiquement j’étais un peu ric-rac. J’étais au milieu de ma préparation, ça a été vraiment dur… C’est miraculeux que j’arrive à parler sur la vidéo, j’étais très très limite pour pédaler en même temps. Et c’est ça le souvenir que je voulais avoir.
Du coup vous avez pris goût aux cols, vous allez continuer ?
Oui, j’ai envie de faire tous les cols, mais vraiment tous, du Pays basque déjà. Et après, ce sera tous les cols mythiques. J’ai déjà fait le Tourmalet, je veux faire ceux des Pyrénées, puis des Alpes. Bref, j’ai un bon petit programme (rire). Mais c’est surtout parce que si tu n’as pas de challenge à vélo, c’est juste chiant. Ce qui me plaît, ça n’est pas tellement le temps que je fais, ni de me tirer la bourre avec quelqu’un : c’est de me dire “cette ascension, je l’ai faite”. Et attention, c’est sans s’arrêter ! Si tu poses le pied à terre, tu l’as raté, il faut retourner en bas. Je n’aurais jamais dit que j’avais fait Artzamendi si j’avais posé le pied, c’est pas possible. Je ne savais pas ce qui allait se passer, c’était vraiment chaud, pas rapide. De toute façon avec la pente ça ne pouvait pas l’être… Mais le but c’était de le faire. Le plaisir il est là.
Dans la douleur ?
Non. Ce que j’aime dans le vélo, c’est la résistance, il faut que tu t’accroches. J’aime ces états-là, ce défi-là. L’effort est important, mais comme dans ces endroits sublimes, c’est du plaisir. S’il faisait un temps de merde, froid et que le paysage était à chier, ce serait débile de faire ça. Mais quand la vue est exceptionnelle, qu’il fait grand beau, même si l’effort est costaud, le plaisir est dans le fait de ne rien lâcher. Et une fois en haut, tu prends le temps de boire un coup, de faire deux-trois photos, tu discutes. Sur l’ascension en revanche, avec les gars ça ne parle plus. De toute façon, tu ne peux plus parler. Ce que j’aime aussi par exemple dans les longues sorties à vélo, c’est qu’en route tu peux t’arrêter dans une petite venta, manger une omelette aux cèpes ou au jambon et repartir. Toute cette convivialité, ces échanges, c’est ça que qui me plaît aussi.
Vous avez pu reprendre d’autres activités sportives ?
Oui, je refais du surf depuis deux mois. J’ai quatre sports principaux qui correspondent aux saisons, et qui parfois se chevauchent aussi. Globalement, l’été c’est le vélo exclusivement, de septembre à novembre, je surfe parce qu’il y a de belles vagues, de décembre à février je passe au ski, et il y a aussi le ju-jitsu brésilien. Ça s’intercale bien avec mes autres activités. Parce que là on dirait que je fais ça 24/24h et que je suis toujours sportif professionnel ! Mais j’essaye juste de me ménager du temps pour ça parce que c’est nécessaire à mon équilibre. Par exemple aujourd’hui, qui est ma journée un peu off , j’ai fait 3 heures de vélo et 1 heure et demi de surf ce matin, et là je vais à l’entraînement de ju-jistu. Et au milieu, je suis passé à la fête de la bière (rire).
Ce petit format de documentaire est-il envisageable sur de prochaines ascensions ?
C’est assez sympa de faire un petit film, j’ai plus l’habitude de faire des longs, des 26 ou des 52 minutes, comme pour ma série intitulée Frères de sport, qui propose 5 documentaires. Là, le format de trois minutes correspond bien à ce genre de petites aventures. Pourquoi pas le décliner, sur le Ventoux par exemple ? Ça permet de garder des souvenirs pour la vie, mais surtout de partager. Avec ce petit film, il n’y aura pas besoin de mots pour expliquer pourquoi j’aime le vélo. Et encore mieux, je crois que ça peut donner envie d’aller en faire chez nous, au Pays basque !
« Artzamendi, l’enfer basque », réalisé par Pierre Frechou, sur une idée de Bixente Lizarazu, à découvrir jeudi 26 septembre 2019 lors du festival « Tous en selle », au Grand Rex, à Paris.
Photo d'en-tête : Greg Rabejac- Thèmes :
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