Violoniste, parapentiste et guide de haute montagne, Jean-Yves Fredriksen voue un culte à la liberté et à l’aventure. « Blutch », son surnom au lycée, est aussi le titre de son film relatant sa traversée de l’Himalaya en parapente, du Tadjikistan au Népal. Très attaché aux valeurs humaines, l’ovni d’Abondance est un diffuseur de bonhomie qui invite à la sagesse et à la simplicité.
L’élixir de la jeunesse éternelle n’existe pas, ou alors « Blutch » s’est infusé la dernière cuvée disponible. A 44 ans, ce guide de haute montagne touche-à-tout pourrait se prélasser dans la chaise longue de son chalet de la vallée d’Abondance en passant en revue son palmarès d’alpiniste de haut niveau. Grandes premières dans les Drus, ouverture de voie sur le Cervin, enchaînement des trois faces Nord mythiques que sont le Cervin, Les Grandes Jorasses et l’Eiger en itinérance, sur son parapente et à la force des mollets. Outre la grimpe et des expéditions sur des 8000 mètres, « Blutch », également spécialiste de ski de pente raide, s’épanouit au-dessus du sol, sur son parapente, et souvent accompagné de son violon. Un vrai ovni.
Avec sa casserole, son réchaud et son violon
Doué de toutes les compétences liées à la montagne, Jean-Yves Fredriksen s’est élancé dans une expédition que lui seul pouvait imaginer et réaliser : traverser l’Himalaya en parapente et en bivouac, accompagné d’un violon. En autonomie complète, « Blutch » a gonflé sa voile au Tadjikistan pour ne la replier définitivement qu’au Népal en traversant le Pakistan et l’Inde. L’ovni du Chablais, où il a élu domicile, a partagé les songes de son expédition dans un excellent film, « Blutch », maintes fois primé. Là où le Vosgien d’origine se démarque des classiques films d’expédition, c’est dans la valeur ajoutée humaine qu’il apporte. « Cette traversée, je l’ai préparée pendant longtemps, en volant d’abord au-dessus de l’Himalaya indien en 2013, puis pakistanais en 2014. Initialement, elle aurait dû avoir lieu en 2015, mais le séisme a fait tout bousculer, je me suis mis à récolter de l’argent pour aider le plus possible les Népalais », raconte Jean-Yves. La grande et pittoresque traversée de l’Himalaya et ses 4000 kilomètres de glaciers se matérialiseront finalement en 2017.
Pour les locaux, voir un européen débarquer en parapente dans un champ himalayen avec sa casserole, son réchaud et son violon peut en désarmer plus d’un. « Blutch » raconte exactement cela : les valeurs humaines qui nous lient lorsque l’on brise les frontières. La musique, trait d’union indéniable entre les peuples qui se comprennent par le son, à défaut de parler la même langue. Toutes les portes lui ont été ouvertes au gré de ses pérégrinations himalayennes, même les plus inattendues…
Quatre jours de prison au Tadjikistan
Pourtant, le début de son périple aurait pu tourner court quand un berger tadjik le prend pour un terroriste et le livre aux militaires … « J’ai passé quatre jours en prison au Tadjikistan », s’amuse-t-il après coup. Une amende plus tard, « Blutch » est libre de voler à nouveau mais il esquive l’Afghanistan pour éviter les ennuis politiques potentiels. « Je n’étais pas au courant de la situation politique entre ces deux pays », avoue le parapentiste. Malgré les galères rencontrées au cours de la traversée, le guide haut-savoyard n’a jamais baissé les bras, même après sa chute de 30 mètres près d’une paroi dans une région très isolée du Népal.
D’Ouest en Est, Jean-Yves exprime une certaine idée de la liberté et des relations humaines. Rares sont les personnages d’un documentaire qui suscitent autant d’empathie. Un sentiment que l’on retrouve dans certaines scènes de « Vol au-dessus de l’Himalaya », le récit de son aventure paru en 2018 aux Editions Guérin-Paulsen.
Si l’amitié entre les peuples peut sembler être une valeur un peu galvaudée, celle que prône « Blutch » est tout autre. Son message de paix très basique fonctionne à merveille grâce à ce fameux violon, épargné et miraculeusement intact après la chute subie au Népal… Peut-être un message codé d’une divinité quelconque ?
Décoller du K2 ou de l’Everest
Ce n’est pourtant qu’à 13 ans que « Blutch » vole pour la première fois en parapente lors d’un stage. Le reste du temps, notre violoniste « bouffe » la montagne comme un mort de faim, se demandant même ce qu’il « fout là » lorsqu’on l’enferme entre quatre murs à l’ENSA (l’Ecole Nationale de Ski et d’Alpinisme) pour passer son diplôme de guide. Ses premieres amours avec la haute montagne, Jean-Yves les trouvent de l’autre côté de l’Atlantique, dans les Andes qu’il consomme avec boulimie. Mais la découverte de l’Himalaya le convainc d’y rester pour l’explorer. « C’est magique, grandiose », s’extasie-t-il encore. « J’adore le Pakistan pour l’accueil, les paysages et la somptueuse qualité du granit, mais je dois avouer que la place faite aux femmes m’interpelle et me gêne. Les rares fois où l’on en croise, elles sont voilées avec interdiction de parler, c’est très bizarre… », avoue « Blutch », qui précise que le Népal est à ce titre bien plus ouvert.
Au gré de ses pérégrinations, le Vosgien de souche a fait murir ses rêves qui s’orientent désormais vers de l’itinérance sans voiture au départ de son chalet d’Abondance ou ailleurs entre deux 8000 mètres, mais toujours soutenu par « Scott » dont l’équipement lui garantit une sécurité maximum, notamment au niveau du masque, essentiel en vol. « Le combo alpinisme – parapente m’attire beaucoup, grâce aux nouveautés dans ce secteur, on peut transporter un parapente en fond de sac pour 1,5 kilos de toile et 100 grammes de sellette », détaille Jean-Yves, convaincu que le champ des possibles s’est étendu grâce aux progrès des matériaux. « Décoller du K2, s’envoler de l’Everest, il reste tant de projets extraordinaires à faire ! Traverser les Andes, ça doit être aussi quelque chose d’incroyable… » Pour le moment, « Blutch » courbe l’échine et privilégie sa famille qu’il a trop longuement quittée en 2017. « J’ai dû lever le pied », glisse-t-il, en ajoutant que dès que ses enfants seront autonomes, il s’envolera de nouveau. Où ? Nul ne sait. « Au départ de chez moi probablement », sera le seul indice que nous avons récolté.
On serait tenté de ne voir en « Blutch » qu’un casse-cou de la montagne mais l’homme connait ses limites et semble déterminé à « devenir grand-père un jour ». Sage résolution.
Pour en savoir plus sur les masques Scott, c’est ici.
Photo d'en-tête : Blutch / Jean-Yves Fredriksen