Postée sur Instagram en juin dernier, sa photo a fait le tour du monde en quelques minutes : un petit lac bleu azur que le jeune alpiniste venait de repérer à quelque 3000 m d’altitude sur le Mont Blanc, entre la Dent du Géant et le Col de Rochefort. Du jamais vu, alerte le jeune alpiniste qui invoque alors le réchauffement climatique. Si cette hypothèse n’est pas confirmée par toute la communauté scientifique, reste que cet amoureux des cimes multiplie aujourd’hui les actions en faveur du climat. Dernier projet, soutenu par Scarpa, sensibiliser l’opinion publique à la fonte des glaciers en Amérique Latine.
« Les ascensions très dures, l’Everest », ça ne m’intéresse pas, explique Bryan Mestre qui leur préfère l’aventure et les rencontres humaines. Installé à Chambéry, il vient pourtant de rentrer du Pérou et de Colombie, où cet automne, il a enchaîné les 5000 et les 6000. Plus d’une vingtaine au total, escaladés par passion pour la montagne mais aussi et surtout cette fois pour y effectuer des prélèvements de neige et de glace. Sa contribution aux recherches des glaciologues opérant sur la zone. « Mes parents adoraient voyager, j’ai passé mon enfance au Costa Rica », raconte-t-il. « La nature y est omniprésente et, forcément, la culture latine m’est devenue chère. Je retourne dans la région dès que je peux. Au cours de mes sorties en montagne, j’ai pu constater que là aussi, sous les Tropiques, les glaciers étaient menacés. Et ça, la plupart des gens ne s’en doutent même pas. Quand je vois qu’au Pérou, en Bolivie ou en Colombie, ces gens qui n’ont rien, pourraient ne plus avoir d’eau potable dans les années à venir, ça me fait vraiment chier qu’ils soient plus encore dans la merde. On ne peut pas rester les bras croisés ».
« J’attendais une réduc, j’ai trouvé un sponsor ! »
Alors, quand en juin dernier, un groupe colombien promouvant la protection des derniers glaciers de leur pays le contacte – suite à la parution dans la presse internationale de son fameux cliché du lac surgi dans le massif du Mont Blanc – il dit oui. « Leur étude avait pour but de s’étendre à toute l’Amérique du Sud, j’ai donc fait marcher mes contacts au Pérou et en Bolivie pour les aider, et petit à petit l’expédition s’est montée, explique-t-il.
Bryan vit alors de petits boulots et ne croule pas sous les sponsors. Tout lui manque pour se lancer dans ce projet. A commencer par une paire de chaussures d’expédition. « Elles coûtaient dans les 1000 euros, j’ai contacté Scarpa par mail pour voir s’ils pourraient me faire une petite réduc. Ils m’ont immédiatement répondu que l’idée leur plaisait, qu’elle collait à la marque. Mieux qu’une réduction, ils m’ont proposé leur sponsoring en matériel. Franchement, je ne m’y attendais pas. »
Un documentaire à l’échelle mondiale
Dans la foulée, les contacts s’enchaînent. Heidi Sevestre, glaciologue française présente à la COP 25, s’intéresse, elle aussi, à l’avenir des glaciers tropicaux et à leur impact sur la population locale, sujet sur lequel elle prépare justement un documentaire : « The last tropical glaciers ». Bryan est invité à rejoindre le tournage en Amérique Latine fin octobre. L’alpiniste entreprend les repérages au Pérou, où glaciers et eau potable sont intimement liés pour des millions de Péruviens. Quatre sites seraient en passe de disparaître d’ici 2024 : les glaciers Chila, Chonta, La Viuda et Le Huanzo, et quatorze autres condamnés à l’horizon 2111, selon l’Institut national péruvien des recherches sur les glaciers et les zones de montagnes. L’alpiniste français met donc le cap sur Huaraz, au nord du Pérou, où il fait équipe avec Wilmer Sanchez, glaciologue péruvien, dans l’objectif de sensibiliser les habitants de la région. C’est ce dernier qui lui enseigne les rudiments du métier : comment prélever des échantillons de neige et de glace sur les glaciers pour pouvoir étudier la quantité de pollution au carbone présente.
Une expertise que Bryan Mestre devrait pouvoir appliquer sur d’autres sites, notamment au sud du Pérou, dans la région d’Arequipa, dès que les éruptions volcaniques cesseront, mais aussi en Colombie où, bloqué là aussi par l’éruption du Nevado del Ruiz, il a dû se concentrer sur le Nevado Santa Isabel, « un glacier en grand péril, sans doute le prochain à disparaitre complètement en Colombie », selon l’alpiniste qui a pu exposer la gravité de la situation devant le Congrès colombien.
Mines de diamants et colère des dieux
La Bolivie figure également dans les études en cours, notamment La Paz, plus de trois millions d’habitants, où l’approvisionnement en eau de la population dépend essentiellement des glaciers. « Mais la situation ultra-instable et le coup d’État ne m’ont pas permis d’y aller, explique Bryan Mestre, mes permis d’accès aux montagnes ont brutalement été annulés. »
Plus largement, le documentaire d’Heidi Sevestre auquel participe Bryan Mestre devrait couvrir les glaciers d’Afrique et d’Indonésie. Une entreprise urgente et ambitieuse mais qui se heurte à de multiples obstacles. Outre l’aspect financier, certaines zones restent difficiles d’accès. C’est le cas notamment de l’Indonésie où la présence de mines de diamants dans la zone interdit pour l’instant tout tournage. A une autre échelle, ce sont les croyances qui freinent les études amorcées. « On dispose au Pérou de très peu de relevés sur les glaciers et les zones de très haute altitude », explique-t-il. Mais il y a cinq ans, une météorologue a installé une station météo au nord de Huaraz, dans la région du Huascaràn (6 768 m). Or, pas de chance, la région a alors connu une période de sécheresse. Les paysans s’en sont pris à cette installation qui, selon, eux, auraient dérangé les dieux de la montagne. Ils ont détruit la station météo et … la pluie est revenue. Ce qui complique sérieusement la tâche à toute entreprise scientifique aujourd’hui. »
Reste que Bryan Mestre ne baisse toujours pas les bras et poursuit aujourd’hui sa recherche de fonds pour documenter l’évolution des glaciers tropicaux face aux changements climatiques, tant la nécessité de sensibiliser l’opinion publique s’impose à ses yeux. « Côté matériel, Scarpa me suit toujours, et c’est déjà énorme, mais il reste à financer la logistique sur place … ».
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Photo d'en-tête : Bryan Mestre / Scarpa