Qui aurait pu prédire un tel scénario ? Pas grand monde, si ce n’est les proches de Vincent Bouillard, que nous avons rencontrés le long de l’épreuve. Alors que les grands favoris ont jeté l’éponge, le Haut-Savoyard de 31 ans, ingénieur innovation et matériel chez HOKA depuis plus de 8 ans, s’est imposé sur l’UTMB en 19:54:23, troisième meilleur temps de l’histoire de la course, déjouant ainsi tous les pronostics. Une première place surprenante qu’il a tenue depuis le ravitaillement de Courmayeur au kilomètre 80. Et qu’il n’a plus jamais lâchée jusqu’à la ligne d’arrivée, faisant preuve d’une fraîcheur exceptionnelle. Le fruit d’une gestion de course exemplaire !
Son nom était inconnu jusqu’à cette nuit. Vincent Bouillard est pourtant venu déjouer tous les pronostics de cette 21e édition du l’UTMB. Alors que l’on s’attendait à voir aux avant-postes les habituelle têtes d’affiches, telles que Jim Walmsley, vainqueur l’an passé, ou encore Mathieu Blanchard, c’est le Haut-Savoyard qui est sorti en tête du ravitaillement de Courmayeur, au kilomètre 80. Il n’a plus jamais été distancé par la suite. Et n’a eu de cesse de creuser de l’avance jusqu’à son arrivée à Chamonix, à 13h56, après plus de 19h de course.
« Le trail, c’est nouveau pour lui »
Après un départ prudent, Vincent Bouillard est progressivement monté en puissance. Jusqu’à s’imposer comme un sérieux prétendant à la victoire. C’est donc grâce à un rythme solide qu’il a pris la tête de la course au kilomètre 80. Son passage à la Fouly, au kilomètre 112, a confirmé sa domination. Nous l’avons par la suite retrouvé à Champex, où il est arrivé, affichant une apparente fraîcheur. Ce que nous a confirmé Kamilah, sa femme, une Américaine avec laquelle il habite à Annecy : « Il est extrêmement lucide. Il prend même le temps de demander des nouvelles d’une de nos amies, Toni [McCann, vainqueure de la CCC, ndlr] ».
« C’était prévu qu’il soit en tête de course. On connaissait ses temps de passage, c’était évident pour nous, ses proches, qu’il allait faire quelque chose de beau » nous a-t-elle précisé, tout en préparant le ravitaillement de Vincent à Champex-Lac. « C’était un rêve pour Vincent. Il a grandi dans la région. Et pense énormément à cette course depuis tout petit ». Mais avant de s’aligner sur l’UTMB, Vincent a fait quelques détours par le triathlon, via quelques Ironman, et le vélo. On l’aura compris, le sport d’endurance, c’est son truc.
Côté trail, Vincent a un palmarès succinct, débutant en 2022 avec une victoire très remarquée sur une course locale, le Bélier Trail (27 km ; 1000 D+). « C’est une histoire de famille pour nous le Bélier. Mes parents le font depuis que je suis tout petit » avait-il confié peu après l’arrivée. « C’est une course qui compte beaucoup, donc c’est une grosse émotion de gagner ici ».
Il a depuis remporté la Gorge Waterfalls 100k (99 km, 3312 D+) et le Kodiak Ultra Marathons by UTMB, son premier 100 miles. Des courses américaines qu’il a effectuées dans le cadre de son périple de quatre ans en Californie, aux côtés d’Hoka, une marque spécialisée dans le trail pour laquelle il travaille toujours. Depuis Annecy désormais. C’est d’ailleurs là-bas qu’il terminé 5e sur les 90 kilomètres de la Maxi-Race en juin dernier. « Le trail, c’est nouveau pour lui » souligne Camila. « Vincent, il est du genre à aimer tester ses limites, voir jusqu’où peut aller son corps ».
« Ça fait 20 ans que je prépare ça, depuis que je suis gamin »
Difficile d’en savoir plus sur cet ultra-traileur qui n’est pas du genre à aimer se mettre en avant. En témoigne une timide présence sur les réseaux sociaux. Ses comptes Instagram et Strava étant tous en privé. « On ne sait pas trop comment répondre aux journalistes » nous a confirmé sa mère Corinne, très émue, au col de La Forclaz. « Il n’a pas l’habitude d’être dans la lumière ». Et encore moins de rivaliser avec les meilleurs du monde.
Vincent Bouillard, très à l’aise pourtant, s’est permis de discuter avec le cameraman qui l’a suivi pour la retransmission de la course : « Je te le confirme, ça ne va pas être tous les ans que je me retrouverais en tête ici. Ça fait 20 ans que je prépare ça, depuis que je suis gamin. Je venais sur la course quand j’étais gamin, puis pour le boulot ».
L’ultra-traileur de 31 ans n’a rien cédé depuis. Il vient de s’imposer à Chamonix il a quelques minutes, tout en étant le coureur qui a passé le plus de temps aux ravitaillements parmi le top 5 (18 minutes d’arrêt au total). « Rien que prendre le départ était un rêve qui se réalisait » a-t-il annoncé par la suite. « J’avais un plan C pour finir en moins de 30h, un plan B pour finir en moins de 24h et un plan A pour terminer dans le top 10. Quant à gagner en moins de 20h, c’était juste impensable ! »
Le Français Baptiste Chassagne a terminé à la 2e position, talonné de près par l’Equatorien Joaquin Lopez.
Article initialement publié à 14h, mis à jour le 1er septembre à 14h37
Photo d'en-tête : Thibault Ginies- Thèmes :
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