Pour sa première édition, organisée du 9 au 13 juin, le dernier né des festivals de montagne affiche pas moins de 14 films en sélection officielle, dont quatre avant-premières. Et si vous ne deviez en voir que deux, en live, ou online, foncez sur « Swiss way to heaven», mené à la vitesse grand V par un Cédric Lachat plus speed que jamais. Et « Out of frame », portrait XXL d’un homme de l’ombre, Mathis Dumas, qu’on découvre, une fois n’est pas coutume, devant l’objectif.
Bien sûr on pourrait vous parler de « Climbing blind », du « Cavalier Mongol », de « Chamlang », ou de « Mount Logan », documentaires qui ont fait la tournée des festivals de films d’aventures français et internationaux et qu’on aura plaisir à voir ou à revoir à Chamonix ou en ligne, du 9 au 13 juin, dans le cadre du Chamonix Film Festival. Mais là où se distingue le tout nouveau rendez-vous du film de montagne – secteur sinon encombré, tout au moins de plus en plus animé – c’est dans ses avant-premières. Une sélection de quatre films jamais présentés en France, denrées plutôt rares en cette période de Covid où les expéditions comme les tournages ont trop longtemps été mis en suspens.
Si « Ouverture aux Drus » , nous a laissé plutôt froids (mais comblera peut-être les fans du FMHM) et si nous ne nous prononcerons pas sur « Julia », portrait de Julia Chanourdie, malheureusement non disponible en pré visionnage, nous ne pouvons que vous recommander de filer direct à Chamonix cette semaine ou, à défaut, de bloquer une case dans votre agenda pour visionner en streaming le film de Guillaume Broust, « Swiss way to heaven» (mercredi 9 juin ) avec le grimpeur Cédric Lachat, sorte de Benoit Poelvoorde suisse dans ce 52 minutes très bien monté. Et, dans une autre tonalité, « Out of frame » (dimanche 13 juin ), film de Jordan Manoukian qui a eu la riche idée de braquer sa caméra sur Mathis Dumas. Un virtuose de l’image, accessoirement athlète guide de haute montagne, qu’on est plus habitué à voir derrière son boitier que devant.
Swissway to heaven
« L’idée est de raconter l’histoire de l’évolution de l’escalade en Suisse au fil du temps et de grimper cinq des voies les plus difficiles du pays, situées dans cinq endroits différents et toujours hallucinants », explique Cédric Lachat, grimpeur au palmarès déjà très impressionnant. Un projet ambitieux qu’il va mener avec la fébrilité, et le talent, qui le caractérisent, embarquant au passage dans l’aventure, Tobias Suter sur Fly (550m, 8c/5.14b) dans la vallée du Lauterbrunnental; Melissa le Nevé sur Yeah Man (330m, 8b+/5.14a) dans la vallée du Gastlosen ; Fabien Dugit, sur Zahir (300m, 8c/5.14b), dans la vallée du Wendenstöcke. Et Nina Caprez sur WoGü (250m 8c/5.14b) dans le massif du Rätikon.
Cédric Lachat crève l’écran et qu’on soit grimpeur ou pas, on se laisse embarquer par son projet fou et captiver par les photos, les séquences historiques et les entretiens de concepteurs de voies légendaires tels que Beat Kammerlander, Claude Remy ou Michel Piola. Bref, les grimpeurs y trouveront leur compte. Et les autres aussi. Pas si fréquent pour un film de grimpe.
Out of Frame
Ce doc de 42 minutes, on l’aime. Ou pas. Tant cette approche du portrait est singulière. Et à Outside, on l’a aimé. Beaucoup. Parce que mettre un coup de projecteur sur Mathis Dumas athlète, guide de haute montagne et photographe outdoor surdoué est une excellente idée, déjà. Et que montrer toute la profondeur et la versatilité du personnage en suivant les coulisses d’un tournage vertigineux sur une ligne de highline jamais réalisée est plus parlant que tous les témoignages.
Retenons donc seulement celui du réalisateur du film, Jordan Manoukian, au générique de certains des meilleurs spots publicitaires mais aussi de tournages d’expéditions très engagées. Quelques mots publiés sur Instagram : « Out of frame »… sûrement le projet le plus difficile de ma vie, sûrement le tournage le plus fou que j’ai jamais fait, sûrement l’athlète le plus cool que je connaisse jusqu’à présent.(…) Ce film est dédié aux « gens de l’ombre » qui booste l’outdoor, montrent la beauté de nos montagnes un boitier à la main, à tous les accros de la montagne, photographes, cinéastes, créateurs de contenu, athlètes qui prennent des risques ou non. » Et c’est bien ainsi qu’on regarde,« Out of frame » (hors champ, en français), fascinés par le talent et le travail se cachant derrière une image, magique, unique et fugitive qu’un Mathis Dumas suspendu dans le vide, un boitier à la main, capture. Un acte gratuit, éminemment poétique et donc infiniment précieux.
Photo d'en-tête : Jordan Manoukian