Légende vivante du freeski et du big mountain, l’Américain accumule depuis plus de deux décennies les titres et les superlatifs. Triple champion du monde de freeski hotdog, aussi à l’aise dans des pentes à 60° qu’à 6000 mètres d‘altitude, l’homme au iroquois, immortalisé dans des productions iconiques telles que «The Blizzard of Aahhhs», a aussi été sacré « skieur le plus influent de l’année » par « Powder magazine » et reste un mentor pour plusieurs générations de riders. Un détail : Glen Plake a 56 ans. Et n’est pas près de décrocher du ski, sa raison de vivre. Mais comment fait-il ?
1/ Se renouveler, fuir les étiquettes
A deux ans, la mère de Glen Plake le met sur des skis. Classique, quand on nait à Livermore, dans la Baie de San Francisco. La suite l’est moins. Le gosse, allergique à l’école, se révèle rapidement sur les pistes de South Lake Tahoe. Il commence sa carrière en compétition dans les disciplines alpines. Puis se reconvertit au ski acrobatique (on ne parlait pas encore de freestyle) avant de découvrir le ski de bosses dans lequel il va s’imposer, gagnant trois fois le « World Hot Dog ». Il aurait pu en rester là. Mais ce serait mal connaître cet athlète, que les films de ski de Greg Stump vont révéler au grand public avec des productions très « 80’s », devenues depuis iconiques : «The Blizzard of Aahhhs», «Fistful of Moguls», «License to Thrill» ou «The Edge of Never». Vêtu de tenues verte ou rose fluo, c’est sa silhouette immense et filiforme, toujours coiffée d’un iroquois – sa signature depuis l’âge de 17 ans – que le spectateur va guetter. Car au niveau de la performance, ses lignes n’ont pas pris une ride.
Et ceux qui s’arrêteraient à son allure de punk en seront pour leurs frais quand, dans les années 2000, Glen continue d’enchaîner les exploits mais dans un autre style. Citons l’ascension et la descente à ski du Kullu Pumori (6553 m) en Inde, en 2006. Des faces de 45 à 55 degrés, ridées pour les besoins du tournage de “Himalaya Experience.” En 2008, ce sera le Callangate (6110 m), au Pérou, où il tourne dans le programme TV “Reel Thrills.” Et l’année suivante, en 2009, on le retrouve sur le Mont Blanc où il descend l’Arête de Peuterey. Dès lors, on ne s’étonne plus qu’en 2011, Glen soit honoré par le « US National Ski Hall of Fame » et intronisé dans la « Class of 2010 ».
2/ Sortir de sa zone de confort, tout essayer, tout.
« Je n’ai pas peur d’être un débutant, de devoir me montrer humble. Je m’en fous ! », dit-il. Sa philosophie ? Rester curieux ! A 56 ans, Glen Plake est toujours habité par la folie furieuse face à des pentes (très) verticales « Comme je suis un esthète, j’adore tracer de longs virages (…). Et, comme je suis un peu old school, je ne cherche pas toujours à faire des lignes extrêmes en poudreuse comme tout le monde : j’aime bien la neige plus ‘vieille’, une neige transformée, quelque part entre ramollie et gelée. », explique-t-il. Mais quand il se lasse de la montagne, il file … sur l’eau. Et pas pour y faire de la figuration !
Champion national de slalom en ski nautique, il est aussi champion en marathon de ski nautique de vitesse, un sport qui se pratique à plus de 160 km/h. Et parce qu’il n’y a pas que le ski dans la vie, l’Américain s’est aussi offert quelques belles récompenses en rallye-raid tout-terrain, dont le Baja 1000 et le Baja 500, organisés au Mexique. Sans parler du Paris Dakar auquel il a participé en 2000 avec le team Kia Motors, ni de la course cycliste d’endurance, la «Silver State 508 » (817 km/ 6000 D+) bouclée en solo. Bref, s’il est un terrain où Glen peut aller vite et faire retentir son rire tonitruant, on va le trouver !
3/ Reconnaître ses erreurs, ne pas avoir peur des contradictions
Au-delà de ses incontestables qualités de skieur, Glen Plake, est doté d’une rare capacité à changer radicalement de chemin, voire de position. Qui aurait dit dans les années 80 que ce punk se jouant de toutes les règles sur les pistes comme hors pistes, et plus encore dans la vie, étudierait un jour pour obtenir toutes les certifications de moniteur américaines (L3DT de la PSIA, Professional Ski Instructors of America). Glen en moniteur de ski, croyant dur comme fer au ski dans les règles de l’art … surprenant ! « J’ai passé ma certification PSIA niveau 1 à Breckenridge en 2011 avec 250 nouvelles recrues », raconte-t-il volontiers ». « Je vais être très honnête : j’étais prêt à faire appel aux examinateurs (pour passer directement aux niveaux supérieurs, ndlr). Et pourtant, tout au long du processus, je n’ai rien pu faire pour les faire céder. Je me disais : « Oui, c’est logique » … « OK, intéressant » … « Ok, là, je n’ai rien à ajouter ». Et puis, petit à petit, j’ai commencé à me sentir bien dans tout le processus, et j’ai commencé à penser aux niveaux 2 et 3, qui se sont avérés un peu plus complexes. Mais on ne m’a jamais donné le moindre passe-droit. En fait, je crois que les examinateurs s’attendaient plutôt à ce que je sois meilleur que je ne l’étais. Cela dit, j’ai obtenu les niveaux 2 et 3, et je suis maintenant examinateur officiel de l’AIPS », dit-il fièrement.
4/ Rester fidèle à ses passions, à ses partenaires
Pour beaucoup, Glen Plake c’est l’anti héros. Le gars qui laisse tomber l’équipe américaine de ski alpin pour skier comme il veut, où il veut, rejoignant les rangs alors peu nombreux et pas toujours bien vus des skieurs de bosses. Le gars qui dans les années 80 voit des potes comme Shaun Palmer se mettre au snow, mais lui reste fidèle à sa passion : le ski. Sous toutes ses formes, ok, mais le ski, toujours. Une passion qui le conduit dès 2006 à collaborer avec Elan, marque slovène présente sur le marché du ski depuis plus de 70 ans, à laquelle il reste fidèle aujourd’hui. « Je choisis toujours attentivement mes partenaires, avec la ferme intention d’établir une collaboration dans la durée », explique Glen Plake. J’ai trouvé là une deuxième famille, des amis aussi. Des relations solides qui vont bien au-delà d’une signature au bas d’un contrat ».
Fidélité aussi à Kimberly, sa compagne depuis 1989. Quand ils se rencontrent, celle qui deviendra son épouse est cheerleader, « une athlète elle aussi dans son domaine, une vraie lady, une forte personnalité », dit Glen, visiblement très amoureux. C’est elle qui l’aidera à remettre un peu d’ordre dans sa vie.
5/ No drug, no alcool. Rester clean
Maintenant que Glen Plake est une star, sur les pistes comme à l’écran de cinéma mais aussi de publicité, certains aimeraient bien effacer l’image de bad boy qui lui collait si fort dans les années 80. Ce serait vraiment réécrire l’histoire que d’oublier ses premiers déboires avec la justice. A 14 ans il vole une caisse de bière, il se fait prendre mais ça ne le calme pas vraiment. S’ensuit l’usage d’une carte de crédit volée et la vente de champignons psychédéliques qui lui valent d’être arrêté. Il est libéré sur parole, mais tombe à nouveau pour trafic de drogues. Libéré sur caution, il profite d’un tournage en Europe pour fuir la justice américaine en 1988. Il découvre Chamonix, qui deviendra l’un de ses points de chutes préférés. Il faudra attendre l’année suivante pour que Glen retourne aux US. Il y est enfin jugé, et purge 45 jours de prison. Sa rencontre avec Kimberly sera décisive, grâce à elle, il sort de la spirale des addictions et devient clean. A jamais. « C’est la meilleure chose que j’ai faite de ma vie, » dit-il. « Quand tu es jeune, tu veux vivre ‘fast and free’. C’était fun. Mais il me fallait passer à autre chose. Pas de drogue ni d’alcool : là-dessus tu peux construire les bases d’une bonne condition physique. J’ai 56 ans et je suis en pleine forme. Je skie plus de 200 jours par an. Je suis moins dans la force explosive, celle que tu as à 25 ans. Mais plus dans une ‘force intérieure et une force de fond’. Je veux dire qu’avec l’âge, l’expérience et la pratique, tu gagnes en efficacité du mouvement ce que tu perds en force pure ».
6/ Rester vif, « always on the road »
Pas facile de capter Glen Plake. Quand il n’est pas dans sa résidence du Nevada, on peut le trouver dans son appartement de Chamonix – où depuis plus de vingt ans il est devenu une figure incontournable –ou plus à l’Est, en Slovénie, à l’usine d’Elan, marque avec laquelle il collabore sur le développement des skis. Plusieurs points de chute donc, mais surtout une passion pour la route et son gros van avec lequel il parcourt les US. . « Une vie de rock star ! », dit-il en riant. Ces derniers temps, s’il s’est un peu calmé, Covid oblige, dans quelques jours il part pêcher au gros avec sa femme. Et fin décembre, on devrait pouvoir le croiser à Chamonix sur les pistes ou sur une cascade de glace.
7/ S’intéresser aux autres
Moniteur de ski certifié, la star du ski freestyle et big mountain est devenue au fil des ans un fervent défenseur de l’enseignement et de la promotion du sport qui, de son propre aveu, a structuré et continue de structurer sa vie. Aux États-Unis, depuis 1991 il s’est rendu célèbre pour ses visites surprises dans les stations de ski locales à travers tout le pays, un périple baptisé « Down Home Tour ». Voyageant dans son camping-car avec sa femme Kimberly, il descend ainsi depuis neuf ans dans les stations de ski de petite et moyenne taille, « pour être avec les gens, les rencontrer et les encourager à faire du ski », explique-t-il, convaincu que c’est là, dans ces spots inconnus, que se construit le fondement du ski en Amérique. « J’adore ces échanges, signer des autographes. Avec la pandémie, ça me manque beaucoup. Tu vois, quand un père dit à son fils : ‘tu dois rencontrer Mr Plake, c’est un poster de lui que j’avais dans ma chambre quand j’avais ton âge’, c’est top ! Le ski, c’est quelque chose d’unique. Que tu peux partager entre toutes les générations. Sur les pistes, chacun à sa façon, à son niveau, mais on ressent la même chose, le même plaisir. Et ça, j’ai envie de le faire passer ».
Hors frontières, celui qui se définit avant tout comme un « outdoor man, un outside man », est aussi présent au Népal, en Équateur ou encore au Pérou, via sa fondation, la RG2, dont la mission est de faciliter l’apprentissage du ski. Mais aussi dans d’autres pays encore, en collaboration avec l’association des guides de montagne IFMGA, dont la vocation est de former les aspirants guides aux techniques de l’alpinisme, et notamment à la sécurité en montagne. L’alpinisme, sa grande passion du moment. « J’ai très envie de repartir en expédition », dit-il. « Tu marches, du dors, tu manges, la vie est simple. Alors que la mienne est tellement compliquée. J’ai beau essayer, plus complexe, tu trouveras pas. »
8/ Ne pas construire sa carrière sur les réseaux sociaux
« Quand j’ai commencé, dans les années 70/80 », explique Glen, on n’avait ni Facebook ni Instagram. Les gens sont venus vers moi sur le terrain. Pas sur les réseaux. Ma carrière ne doit rien aux réseaux sociaux ni à une campagne montée par une équipe de marketing. Ça donne des fondations très solides, durables, et trans générationnelles. C’est pour ça que je dure et suis toujours là. »
9/ Mettre les mains dans le cambouis
« Si je n’avais pas été skieur pro, je serais devenu mécanicien. J’adore comprendre comment les choses marchent, et apprendre à les réparer. En expédition au Népal, au camp de base, on m’appelle Mr Bricolage. Un ski à réparer ? C’est moi qu’on vient chercher ! Plus d’une fois aussi, j’ai sorti notre équipe de l’ornière en réparant un 4×4. Et quand je vais à l’usine d’Elan, en Slovénie, pour collaborer au développement des produits, je connais la plupart des machines, je pourrais si besoin les utiliser, c’est important de comprendre le ski de l’intérieur, ça te permet de mettre au point des produits comme le Ripstick 106, un des modèles de la gamme Freeride Ripstick, que Elan vient de renouveler pour la saison 2020/21. Tellement polyvalent que si je ne devais n’en choisir qu’un, c’est ce modèle que je choisirais. Point à la ligne.
Ils me permettent de tout faire, partout. Pour ce ski, à la place du métal, on a utilisé de la fibre de carbone comme matériau d’absorption. Ca lui permet de rester très léger tout en offrant la sensation d’un ski lourd sur la neige. La fibre de carbone n’avait jamais été utilisée ainsi dans un ski. Normalement, on l’intègre comme matériau de renforcement. Du coup, skier devient simple et fun ! ».
10/ Ne pas se prendre au sérieux
Glen s’est beaucoup amusé sur les pistes, mais aussi sur les tournages. Les plus improbables comme les plus réussis, le spectateur jugera, mais aux yeux de Glen, là où il s’est vraiment éclaté, c’est sur les tournages de « Dr. Strange Glove » – « pour le set-up des scènes et aussi parce ce que j’y fais le pitre » dit-il… ou encore… « Maltese Flamingo » – « à la fois innocent et bizarre ». Un pur produit des années 80 qu’il ne reniera certainement pas.
Qui aujourd’hui oserait mettre en scène les scénarios les plus saugrenus, aux antipodes des productions hyper léchées d’aujourd’hui? Mais Glen s’en fout. « C’était vraiment fun ! », dit-il, dans un grand éclat de rire.
Et bien sûr… Garder la passion intacte
Skieur inclassable, personnalité pas toujours facile à gérer, personnage marqué par un look de plus en plus improbable au fil des années, il avait toutes les chances de ne pas passer la barre des années 90 et de sombrer dans l’oubli. Or dans les années 90, on le retrouve dans une pub pour Volkswagen, un nouveau film de ski, il enchaîne les apparitions publiques et, plus populaires que jamais, il distribue plus d’autographes que beaucoup de médaillés olympiques.
Pourquoi ? Sans doute, parce qu’il reste « true to himself » dit-il, fidèle à lui-même, car comme il aime à le rappeler : « Le ski est la seule chose que j’ai vraiment. Je veux dire, j’ai ma femme, Kimberly bien sûr; je possède un tas de trucs que j’ai pu acheter ; j’ai aussi ma santé ; autant de bénédictions du ciel; mais la seule chose que j’ai vraiment, c’est le ski. Et même si je n’avais ni ma santé, ni ma femme, j’aurais toujours mon ski ».
Pour en savoir plus sur Elan et le nouveau Ripstick, c’est ici : www.elanskis.com
Photo d'en-tête : Peter Morning