Une étude récente s’intéresse aux effets de l’exercice sportif sur la colère et établit une différence entre la colère en tant qu’émotion versus la simple humeur. Non, ça n’est pas si compliqué que ça.
Chez moi, on tient pour établie la relation de cause à effet entre les séances de sport manquées et les échanges verbaux agacés. Ça peut paraître une évidence, après tout, les effets bénéfiques de l’exercice physique sur nos humeurs et sa capacité à réduire des troubles comme l’anxiété et la dépression ne sont plus à démontrer.
Mais en est-on si sûr ? Une récente étude parue dans Medicine & Science in Sports & Exercise souligne que la recherche scientifique ne s’est pas souvent penchée sur les liens entre exercice physique et colère. Déjà, c’est énervant.
Il y est rappelé qu’une équipe de chercheurs de l’Université de Géorgie avait décidé, il y a quelques années, de combler cette lacune en mettant en place une expérience. Des images « chargées émotionnellement » – dont des soldats tirant sur des enfants – ont été montrées à des volontaires avant et après une demi-heure d’exercice « de modéré à vigoureux » sous forme de randonnée à vélo. Le groupe de contrôle est lui resté assis 30 minutes dans le calme avant la projection. Le niveau de colère des sujets a été évalué à l’aide de plusieurs questionnaires et en mesurant leur activité cérébrale par un EEC – électroencéphalogramme. Les résultats sont plus nuancés qu’on pourrait le penser.
La première chose à noter est qu’il y a une différence entre « humeur » et « émotion ». Encore une évidence, vous me direz. J’ai appris à cette occasion qu’il existe une très grande littérature scientifique autour de l’analyse et la définition précise de ces deux termes. En bref et en gros : les humeurs ont tendance à durer plus longtemps, sont moins fortement associées à un déclencheur immédiat, et rien dans l’activité cérébrale ne permet de les mesurer. Quant aux émotions, d’une durée plus courte, elles sont une réponse à un événement déclencheur spécifique et peuvent être reliées à des schémas d’activité cérébrale cohérents et mesurables. On peut être d’humeur colérique et on peut ressentir de la colère, simultanément ou non.
Pour l’étude, dirigée par Nathaniel Thom, professeur de biologie au Wheaton College (Massachusetts), on a présélectionné 430 étudiants afin de retenir 16 hommes avec une forte propension à la colère — ce choix s’explique parce que la détection de changements significatifs est plus probable chez eux, à l’instar des effets des médicaments contre l’hypertension artérielle sur les personnes qui en souffrent.
Pendant le visionnage des images « chargées », l’EEG et les réponses au questionnaire mesuraient la colère des sujets en tant qu’émotion-réaction à chaque scène. Avant et après les séances, les sujets ont répondu aussi à des questionnaires psychologiques pour vérifier si l’expérience dans son ensemble avait modifié leurs niveaux de colère – en tant qu’humeur – et si la présence ou l’absence d’exercice les avait affectés.
Les résultats, rapportés pour la première fois lors d’une conférence il y a quelques années, ont montré que les 30 minutes de vélo avaient deux effets positifs sur la colère-humeur. Les sujets se sentaient moins en colère de façon générale juste après avoir fait du sport ; et également, le visionnage d’images post-vélo était moins susceptible de les irriter. En d’autres termes, l’exercice physique apaise les humeurs colériques et aide à s’en prémunir.
Seulement, quand on considère la colère comme une émotion, les résultats varient. L’exercice physique n’a eu aucun effet sur l’intensité des émotions rapportées pendant le visionnage d’images — ni celles censées susciter la colère, ni celles qui visaient à provoquer d’autres émotions comme la peur ou le plaisir. Quant aux données des EEG, elles ne montraient pas non plus une différence dans l’intensité émotionnelle. L’exercice physique peut donc nous mettre de meilleure humeur, mais, si on s’en tient à cette étude, il ne peut ni adoucir ni éliminer les émotions passagères.
Il faudrait donc des expériences beaucoup plus poussées pour départager ces subtilités et déterminer à quel point elles sont généralisables. Pour l’instant, on se contentera de voir un début de confirmation scientifique sur les bénéfices déjà connus de l’exercice physique contre la mauvaise humeur – mais ce n’est pas la panacée. Même après une séance de sport, ce qui vous met en rogne vous mettra en rogne. Il faudra alors garder à l’esprit qu’une émotion est par définition passagère et qu’elle s’estompera pour laisser la place à la zénitude post-sport escomptée.