L’ainée, Lesly, n’a que 13 ans, et le plus jeune, Neryman, est un bébé de 11 mois. Avec leur sœur Solecni 9 ans et leur jeune frère Tien 4 ans, ils ont erré pendant 40 jours dans une région de la selva colombienne particulièrement hostile et très dense, suite au crash le 1er mai de leur avion dans lequel ont péri les trois adultes présents, dont leur mère, Magdalena Mucutuy Valencia. Amaigris, déshydratés mais vivants : les quatre frères et sœurs ont été retrouvés, hier, vendredi 9 juin, à l’issue d’angoissantes semaines de recherches. « un exemple de survie totale qui restera dans l’histoire », s’est réjoui le Président colombien. En Colombie, où la joie a éclaté à l’annonce de la nouvelle, hier, certains crient au miracle et tous saluent la ténacité des secours. Mais partout dans le pays on s’interroge sur l’extraordinaire capacité de survie de ces très jeunes enfants.
Un biberon, des barrettes de petite fille, une paire de ciseaux, des chaussures, quelques vêtements, des fruits mordus et des traces fraiches de pas dans la boue.. c’est tout ce qu’avait retrouvé le 15 mail l’armée colombienne partie sur les traces du Cesna 206, porté disparu depuis le 1er mai. Le corps de trois adultes présents sur ce vol étaient bien présents sur les lieux… mais pas ceux des quatre frères et sœur âgés de 13 ans à 11 mois, embarqués avec leur mère et deux copilotes. Menacée par des guerrilleros, la famille fuyait pour rejoindre le père, Manuel Ranoque, gouverneur de la réserve indigène de Puerto Sábalo. Depuis, l’affaire enflammait le pays, attisé par un message d’espoir du Président colombien, Gustavo Petro. 15 jours après l’accident, il annonçait le sauvetage de la fratrie, un « miracle » démenti malheureusement quelques heures plus tard. Le mystère restait total et suscitait toutes les hypothèses car sur les lieux de l’accident ont avait bel et bien retrouvé des traces fraîches et une sorte de cabane en branchages, des indices qui laissent entendre que, oui, les enfants pouvaient être toujours en vie.
Mais, hier l’annonce était fondée, et vérifiable, photos à l’appui où l’on voit les quatre frères et sœurs enveloppés dans des couvertures de survie sous la protection de l’armée colombienne. Depuis le 15 mai, plus de 200 soldats patrouillaient sans relâche, avec le soutien de membres de communautés indigènes de l’Organización Nacional de los Pueblos Indígenas de la Amazonía Colombiana (OPIAC) particulièrement sensibles au sort de ces enfants issus de la tribu Uitoto. Ce qui leur vaut sans doute d’être encore en vie à ce jour. Car cet heureux dénouement – dont on ne connait pas encore tous les détails, les enfants, très affaiblis, étant pour l’heure soignés à Bogota – tient à plusieurs facteurs.
Apparemment les enfants n’ont pas été blessés au cours du crash
« Comme ils se trouvaient à l’arrière de l’avion, nous pensons qu’ils n’ont peut-être pas subi un impact aussi violent que les adultes trouvés morts. En fait, la porte du côté du pilote était ouverte. Nous pensons qu’ils sont sortis par là », a expliqué le colonel Lopez, au quotidien colombien El Tiempo.
L’ampleur des secours mobilisés
Dès le 15 mai, l’armée de l’air colombienne a sillonné la zone du crash, un site difficile d’accès, de jungle de forêt très dense d’arbres immenses où vivent quantité d’animaux sauvages, félins et reptiles notamment, baignées de surcroit pas de fortes pluies ces derniers jours. L’opération, baptisée « Espoir » a mobilisé trois hélicoptères. A bord d’un des appareils, un haut-parleur pouvant couvrir une zone d’environ 1 500 mètres diffusait un message enregistré en langue Uitoto par la grand-mère des enfants, Fatima Valencia. « Lesly, je t’en prie, je suis ta grand-mère Fatima. Reste où tu es, car l’armée te cherche pour ton bien. Ma fille, je te remercie de ne plus bouger. Si tu entends ces message, ma fille, reste là pour qu’ils te trouvent et te ramènent. » Par ailleurs, à la nuit, un avion fantôme de l’armée de l’air larguait des fusées éclairantes pour illuminer la zone. Le 4 juin, une nouvelle technique était mise en œuvre : un « ruban de vie » long de 11 kilomètres installé autour de la zone de recherche : 600 sifflets étaient accrochés dessus. En un plus d’un mois, les secouristes ont parcouru près de 2.656 km dans cette jungle impénétrable.
Des kits de survie largués par avion
Le 20 mai, l’armée a indiqué avoir largué par avion une centaine de kits de survie contenant de la nourriture et de l’eau dans la jungle. Il semble que dans leur errance les enfants soient tombés sur au moins l’un d’entre eux, selon les informations dont nous disposons à ce jour.
Un chien renifleur, Wilson, les aurait repérés dans la jungle
Jeudi dernier, Wilson, un berger belge de six ans, « a disparu (…) dans les jungles de Caqueta et Guaviare (sud) », annonçait l’armée dans un communiqué. « L’une des hypothèses » concernant la disparition du chien serait qu' »en raison de la complexité du terrain, de l’humidité et des conditions météorologiques défavorables, il aurait été désorienté ». Ce chien, mais aussi un autre, Ulises, a conduit les sauveteurs sur la piste des enfants, finalement retrouvés dans une zone très isolée, entre les région de Caquetá et de Guaviare, à environ 5 km à l’ouest du site de l’accident, grâce notamment à un indigène d’Araracuara faisant partie des secours.
Ces enfants font partie d’une communauté indigène
Lesly Jacobo Bonbaire (13 ans), Solecni Ranoque Mucutui (9 ans), Tien Noriel Ronoque Mucutui (4 ans) et Cristian Neryman Ranoque Mucutui (11 mois)sont des indiens Uitoto. Or cette communauté vit en « harmonie » dans la jungle et conserve des traditions telles que la chasse, la pêche et la cueillette de fruits sauvages, selon l’Organisation nationale indigène de Colombie (ONIC). Aussi malgré leur très jeune âge, cela augmentait beaucoup leurs chances de survie.
Leslie, 13 ans l’ainée de la fratrie a fait preuve d’une force de caractère extraordinaire
Ce dont n’a jamais douté sa grand-mère, Fatima Valencia. « Leslie est une guerrière, comme sa mère » explique-t-elle au média espagnol Telecinco. « C’est l’ainée, et elle a l’habitude de s’occuper de ses petits frères et sœurs, de préparer leurs repas, même au bébé. Dans cette communauté, une fille de 13 ans n’est pas une adulte, mais elle a déjà un grand sens des responsabilités, bien plus qu’une adolescente de la ville, a-t-elle expliqué. Elle connait parfaitement la jungle, sait construire un abri et connait les fruits comestibles, et ceux qui sont dangereux. Enfin, il semble, selon le média espagnol Cope, que tout au long de leur périple, les enfants aient été rejoints par un chien sauvage qui ne les a pas quittés. Un élément qui reste à confirmer, mais qui aura pu jouer en faveur des enfants et de leur survie.
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