À 33 ans, Cédric Ganguia avait tout sauf le profil d’un traileur – enfin, jusqu’en mars dernier. Plutôt sprinter, aucune endurance, accro au Nutella, et surtout, un Parisien qui ne peut trouver du dénivelé que sur la colline de Montmartre ou au parc des Buttes Chaumont. Pourtant, quatre ans après s’être mis à la course à pied, et deux marathons de Paris plus tard, le poulain de Vincent Viet tentera dimanche 4 juillet les 42 kilomètres du marathon du Mont-Blanc.
Il y a 4 ans, si l’on avait dit à Cédric Ganguia, responsable marketing parisien sans aucune expérience en course à pied, qu’il participerait au marathon du Mont-Blanc cette année, il n’y aurait jamais cru. D’autant plus qu’il ne devait se mettre au trail qu’en … 2021. Mais ce membre du club « Jolie Foulée », soutenu notamment par le traileur Vincent Viet – du Team New Balance, également coach sportif – se lancera dimanche 4 juillet à 6 heures du matin sur les 42 kilomètres du marathon du Mont-Blanc. Une idée née d’un défi entre copains, motivée par l’ennui des confinements, mais pas si infaisable que ça. A quelques jours du top départ, nous l’avons rencontré.
Comment te sens-tu trois jours avant ton premier trail ?
Je ne suis pas du tout serein ! Je stresse car je pense qu’il me manque un mois ou deux en termes de préparation. Ça va être juste, mais bon, on verra, on ne peut plus faire marche arrière, alors il faut se lancer.
Comment es-tu devenu marathonien ?
J’avais un profil de sprinter – je suis un footeux à la base. Je me suis mis à la course à pied malgré moi, en suivant des potes. J’avais pas beaucoup d’endurance – pas très malin pour se lancer dans la course ! J’ai le pas lourd. Je n’ai pas un très grand niveau, et quand je me suis lancé dans le marathon, j’ai bien galéré.
J’ai fait le marathon de Paris en 2017 sans préparation. C’était stupide, mais quand je voyais certaines personnes le faire tranquillement, je me suis dit que je n’avais pas besoin de me préparer. Grosse erreur ! Je n’avais jamais fait plus d’un semi-marathon, alors je l’ai payé cher. J’ai fait le premier semi en 1h50, mais pour terminer, j’ai mis 5h28.
Puis mes potes ont eu l’idée de m’offrir un autre dossard pour le marathon de Paris en 2019. Alors je me suis préparé un minimum, mais pas à fond non plus, et cette fois-là j’ai fait 4h07.
Quel est ton volume d’entraînement ?
Ça dépend, pour moi qui ne suis pas un grand coureur, quatre à cinq sorties par semaine c’est déjà bien, plus une sortie longue le week-end (c’est-à-dire plus de 16 km), mais je ne fais aucun autre sport, juste de la course.
J’ai commencé à m’entrainer cette année, le 1er mars, pour le trail. On m’a toujours dit qu’il fallait travailler sur le temps plutôt que les kilomètres parcourus, donc je fais trois sorties par semaine, entre 3 et 4 heures chacune, en alternant marche et course.
Pourquoi passer de la course sur route à un sentier de trail en montagne ?
Ce n’était pas du tout prévu. Ça ne m’avait pas traversé l’esprit avant cette année, ce sont mes amis qui m’ont proposé de me lancer dans le trail. J’ai accepté car on était en plein Covid, et honnêtement, je me suis dit que ce serait parfait pour trouver un moyen de sortir et de se motiver car on n’avait rien à faire.
Pour l’instant ça reste quelque chose qui m’effraye. A la base, je ne suis allé à la montagne que deux ou trois fois, pour skier, c’est tout. Quand on m’a parlé du trail, sur le papier, je me suis dit que ça allait le faire – mais ça, c’était avant que j’aille à Chamonix en mai dernier pour faire une préparation, et que je me rende compte de ce qui m’attendait !
Beaucoup de gens se lassent des courses sur route, d’être perdu parmi des milliers de personnes. C’est aussi ton cas ?
Je les comprends totalement. Avant ce projet-là, le trail ne me parlait pas du tout. Mais ma première course en montagne, la Comblorane à Combloux le 13 juin dernier, a été une grande révélation : des paysages incroyables, une ambiance de trail qui n’a rien à voir avec la course à pied que je connaissais- moins portée sur la performance. Par exemple, personne n’est venu me demander mon chrono. L’important pour les participants c’est juste de finir la course. Même moi, je n’ai pas regardé ma montre pour regarder mon temps. En course en ville, tu n’as même pas le temps d’observer les monuments autour de toi, alors qu’en trail, si tu as envie de te poser et de profiter autour de toi, c’est pas grave, tu peux t’arrêter. Le plaisir est différent, et j’en ai beaucoup plus éprouvé en montagne.
Tu as été conseillé pour suivre un plan d’entraînement ?
Oui, heureusement, car je ne sais pas si on aurait pu faire pire que moi. C’est Vincent Viet qui a préparé mon plan d’entraînement. Il a su me motiver, il ne m’a pas lâché, et m’a donné beaucoup de conseils sur l’hydratation, l’alimentation. Et puis, en parallèle, j’appartiens au collectif « Jolie Foulée », un club de passionnés de course à pied, et de basket. Ce n’est pas une grosse association, mais juste un groupe d’une dizaine d’amis pour se retrouver et courir ensemble, écrire des articles sur le blog sur des courses ou des baskets qu’on a pu tester. Aujourd’hui, « Jolie Foulée » nous permet d’obtenir des dossards, du matériel, des montres… En bref, je suis bien entouré.
Qu’as-tu appris sur la gestion de l’alimentation ?
Ça a été compliqué car j’avais de mauvaises habitudes, je buvais uniquement quand j’avais soif en courant, et généralement c’était déjà trop tard. J’ai appris qu’il ne fallait pas attendre la dernière minute pour s’alimenter. En trail il faut privilégier les amandes, les cacahuètes et les bananes, et ne pas hésiter à faire des pauses pour manger.
Par exemple, j’ai appris à reconnaître les signaux que m’envoie mon corps quand il faut que je m’alimente, quand ça commence à tirer derrière la cuisse, ou qu’il faut faire une pause durant une montée. C’est pas grave de perdre 5 minutes, ce qu’il faut, c’est franchir la ligne d’arrivée ; en trail le plus important, c’est d’écouter son corps.
Après, au quotidien, je n’ai pas complètement transformé mon alimentation car je ne cherche pas les records non plus. J’ai juste dû arrêter le Nutella et les sucreries – ça, j’en mangeais vraiment trop ! – la charcuterie, les alcools forts… Je suis quelqu’un de bon vivant, donc le plus dur au début, c’était de renoncer aux apéros !
Et le sommeil ?
De base, je n’ai pas de soucis de sommeil. C’était un point fort naturel, qui m’a aidé à ne pas me blesser pendant ma préparation. Et puis au début, j’étais tellement K.O après les séances que je m’écroulais de fatigue, ou je faisais des siestes. C’est ce qui m’a permis de rester en forme tout du long. Vincent Viet m’avait conseillé de garder un rythme de 8 heures de sommeil par nuit, ce que j’ai fait sans trop de soucis.
Mais comment s’entrainer en trail quand on est parisien ?
C’est dur de trouver du dénivelé : j’ai beaucoup côtoyé Montmartre, je commence à connaitre les marches de Montmartre par coeur, et les Buttes Chaumont aussi ! Les week-ends, j’essayais de partir à Saint-Cloud, sur la trace de l’Écotrail, pour retrouver un esprit un peu plus « nature » et m’habituer à courir sur des sentiers, et non du goudron. Et bien sûr, le circuit des 25 bosses à Fontainebleau, pour un sentier plus technique.
Qu’as-tu appris de toi-même pendant cette préparation ?
D’abord, j’étais hyper bien entouré par mes amis traileurs qui m’ont donné plein de conseils, donc j’estime avoir été privilégié. Je pense que le trail m’a permis de vraiment mieux me connaître. Mine de rien, il faut savoir se gérer en situation de difficulté sans avoir d’issue de secours. Ça peut paraître bête, mais quand t’es Parisien, tu sais qu’en cas de problème, tu peux prendre un bus, un métro ou un Uber et rentrer vite chez toi. En montagne, il n’y a pas d’autre moyen qu’être confronté à soi-même, alors s’il se passe quelque chose, bon courage ! J’ai pu découvrir mes limites, apprendre à gérer un effort de haute intensité en montagne… on a beau nous donner autant de conseils qu’on veut, on n’apprend pas mieux que par soi-même.
Quel impact ont eu les confinements sur ta préparation ?
À cause du couvre-feu, je me levais beaucoup plus tôt pour aller courir avant de travailler, alors que je ne suis pas quelqu’un de très matinal. Puis, avec l’autorisation des 30 kilomètres, j’ai quand même pu me déplacer un minimum en Île-de-France. Mais sans les confinements, j’aurais été mieux préparé quand même. Le déconfinement a été une libération, car qu’on a eu le droit de se déplacer. Je suis parti m’entraîner à Chamonix, Annecy, Clermont-Ferrand, à Lyon… Pour la première fois, j’ai pu me confronter aux dénivelés.
Tu sais déjà quelle météo est prévue ?
Pour le moment ça pue. Ils annoncent de la pluie, j’espère que ça va changer, sinon ça va être un très long dimanche. Il peut faire rapidement froid, et ça peut devenir problématique. Je suis entraîné au froid, mais pas à la pluie, et j’ai une mauvaise expérience d’une préparation dans ces conditions, où j’ai fini par tomber malade. Pour les descentes, s’il pleut, ça craint aussi. Je ne ferai pas le fou, ce n’est pas un terrain que je maitrise encore très bien, alors je serai assez prudent.
Est-ce que tu as travaillé ton sens de l’orientation ?
Oui complètement ! J’ai gagné en orientation, avant de m’intéresser au trail, j’étais incapable de lire une boussole. Maintenant, si je suis perdu, je saurais me débrouiller avec une carte. D’ailleurs, c’est un traileur que j’ai rencontré à Lyon qui m’a appris à me repérer. Mais bon, maintenant, les montres connectées aident beaucoup.
D’ailleurs, tu travailles avec l’une de ces montres ?
Oui, j’ai une Polar Grit X – qui me sponsorise. Je rentre ma trace dedans, et je me sers des indicateurs de cadence et de rythme cardiaque. Mais finalement, je la regarde uniquement pour trouver mon chemin en cas de doute.
Qu’est-ce que tu t’es fixé comme objectif pour cette course ?
Aucun objectif de temps. Pour mon premier marathon du Mont-Blanc, je veux juste franchir la ligne d’arrivée. Mais si je fais un temps ridicule, je le retenterai avec un objectif de temps !
As-tu déjà d’autres objectifs en tête ?
Oui, mais des trails plus abordables après le marathon du mont blanc. Je vais d’abord me reposer, et reprendre le trail en septembre en Bretagne pour faire la course Belle Ile en Trail.
Penses-tu viser l’UTMB un jour, en ayant accumulé les points ITRA ?
Oulah ! Déjà je vais voir comment se passe cette course. Il y a 4 ans, je n’aurais jamais pensé faire un marathon de ma vie, alors aujourd’hui l’UTMB ça ne me traverse pas encore la tête. Mais on ne sait jamais avec moi, car je suis imprévisible. Je ne pensais jamais faire de trail, et me voilà au Mont-Blanc maintenant, alors peut-être un jour !
Photo d'en-tête : Alanis Duc