Tous les refuges vont-il rouvrir en même temps ? Quelles seront les conditions d’accès ? Le bivouac sera-t-il autorisé ? Autant de questions qui s’imposent à la veille de la rouverture annoncée pour le 2 juin. Réponses d’Eric Charamel, Président de la Compagnie des guides de laVanoise et membre du groupe de travail travaillant depuis plus d’un mois sur ce dossier, sous l’autorité de la secrétaire d’état Emmanuelle Wargon et de Louis Laugier, préfet de Savoie.
Quand, précisément, les refuges vont-ils rouvrir ?
« Le principe de la rouverture des refuges, partout en France, est acquis pour la date du 2 juin. Ce qui ne veut pas dire que tous vont rouvrir à cette date, loin de là. Cette reprise d’activité étant conditionnée par l’application d’un protocole sanitaire écrit très strict, tout dépendra des sites. Or, Il faut bien comprendre que chaque refuge est unique. Certains s’y prêtent, moyennant des ajustements, notamment au niveau des possibilités d’accueil. D’autres, modestes ou très sommaires, ne pourront pas s’y plier.
Il appartient donc en premier lieu au gardien de prendre cette décision, en concertation avec le propriétaire du refuge – privé, FFCAM, mairie ou parc. La commune accorde l’autorisation finale et la préfecture donne le dernier mot, si besoin.
Impossible dans ces conditions de dire quel sera le premier refuge à ouvrir. En revanche on sait que Les Cosmiques, sur l’Aiguille du Midi, géré par la Compagnie des Guides, fera figure de test et fera partie des premiers, sans doute durant la première semaine de juin. »
Quid des refuges du massif du Mont-Blanc ?
« Le Goûter devrait ouvrir le 10 juin, Tête Rousse, le 11 juin et le refuge du Nid d’Aigle, le 12 juin. »
Quelles seront les conditions d’accès ?
« Avant tout, à compter du 2 juin, pour dormir en refuge il faudra s’y inscrire au préalable, via le site de la FFCAM ou celui du refuge concerné, notamment pour les parcs nationaux.
Au moment de l’inscription, il faudra signer une charte. L’idée est que les randonneurs ou alpinistes prennent conscience qu’en refuge l’espace est réduit et les conditions d’hygiène particulières. Un refuge n’étant pas un hôtel, les règles de distanciation sont à respecter de manière stricte. «
A noter enfin que les gardiens devront tenir un registre de présence afin de pouvoir tracer les pratiquants et de localiser d’éventuels clusters, foyers de contamination.
En pratique, qu’est-ce que ça change pour l’alpiniste ou le randonneur ?
Pas mal de choses en fait. « Tout le monde ne mangera pas en même temps, des services seront organisées pour petits déjeuners, déjeuners et dîners pour respecter les contraintes de distanciation sociale, à savoir un mètre entre deux personnes. », explique Eric Charamel. On devra apporter son sac de couchage ou son drap, ainsi que ses crocs – pas d’oreiller non plus, il faudra en apporter un gonflable – enfin les matelas seront recouverts de housse pour assurer leur entretien.
« Les randonneurs à la journée pourront, dans la mesure des capacités des refuges, déjeuner sur place, sans réservation, mais sans doute à l’extérieur, dans des espaces aménagés afin qu’ils ne pénètrent pas dans le bâtiment. Ce qui oblige à certains aménagements, notamment au niveau des toilettes sèches, possibles, ou pas, selon les sites ».
Enfin, plus encore que dans le passé, tous les pratiquants devront redescendre leurs déchets, notamment ceux potentiellement contaminants (masques, gants etc).
Quant au port du masque à l’intérieur du refuge, la règle ne semble pas encore très claire, ni très stricte.
La capacité globale des refuges en est-elle affectée ?
« Il est encore difficile de le dire précisément. Tant les situations sont différentes suivant les refuges. Certains vont fonctionner à 80% de leurs capacités. D’autres à 20% ou 35%. Certains enfin ne rouvriront pas du tout, les aménagements étant trop contraignants pour eux ou pas rentables. «
Le bivouac près des refuges sera-t-il possible partout ?
« Oui. Pour compenser le manque de places dans les refuges, réduit du fait de réorganisation de l’espace, il sera possible de bivouaquer à proximité de tous les refuges en France, mais là aussi, sur réservation et en signant la charte mentionnée précédemment. Car, en cas de mauvais temps, le refuge a vocation à recueillir tous les bivouaqueurs. Or il ne s’agit pas de se retrouver en surnombre à l’extérieur.
Autrement dit, la possibilité du bivouac n’augmente pas la capacité habituelle du refuge, disons qu’elle compense, dans une certaine mesure, la réduction de la capacité d’accueil à l’intérieur. »
Interrogé sur le cas précis des Pyrénées, Patrick Lagleyze Président de la Compagnie des guides des Pyrénées, ajoute que sur son massif, de grandes tentes dortoirs seront ajoutées à proximité de certains refuges, dont le relief se prête à ces installations.
Précisons enfin que le bivouac est également autorisé à compter du 2 juin dans les Parcs nationaux, dans le respect du règlement.
Quid du bivouac sur le Mont-Blanc ?
Là aussi, les refuges font exception. Pas plus que l’année dernière, le bivouac n’y sera pas autorisé. Seul le camp de base de Tête Rousse, géré par le gardien sera accessible dans ces conditions.
Doit-on craindre un rush sur les réservations ?
Ce n’est pas à exclure. Après deux mois de confinement, les Français ont soif d’espace et de nature. Beaucoup se découvrent ou vont se découvrir une passion pour la randonnée. « On l’a vu pour le premier pont du déconfinement », raconte Patrick Lagleyze, Président de la Compagnie des guides des Pyrénées, « les Toulousains se sont rués sur les montagnes ».
Si les guides sont loin d’être débordés pour l’instant – la limite des 100 km en vigueur jusqu’au 2 juin et la fermeture des frontières réduisant considérablement les options – nul doute que la montagne va attirer beaucoup de monde cet été, d’autant qu’il s’annonce plutôt chaud. Autrement dit, si vous prévoyez la traversée des Alpes ou le GR20 cet été, pensez à vous vous organiser et à réserver à l’avance.
Qu’en est-il des refuges non gardés ?
« C’est le point qui reste à régler. Actuellement en cours de discussion, on devrait en savoir plus dans les jours à venir.
Les refuges non gardés sont très nombreux en France, notamment dans les Pyrénées, les Vosges, l’Est de la France ou encore en Corse. Le protocole Covid-19 ne pouvant pas y être assuré, sans doute seront-ils concentrés sur leur utilisation de base, à savoir servir de zones de replis en cas d’urgence ou de mauvais temps.
La possibilité de les confier cette année à des volontaires, compétents, pouvant faire respecter les règles de base est également évoqué, mais rien n’est arrêté sur ce point. Ces sites n’offriraient alors que l’accueil de base, sans restauration. »
Pour réserver un refuge via la Fédération française des Clubs alpins et de montagne (FFCAM), c’est ici.