Des athlètes plus courageux que les institutions ? L’histoire l’a déjà montré et elle se répète aujourd’hui. Ce week-end en Russie, tous les skieurs étrangers ont refusé de participer à la Coupe du monde de skicross… alors que la FIS refusait, elle, l’annulation de l’étape de Sunny Valley. Une position jugée inacceptable par de nombreux sportifs au lendemain de l’offensive russe en Ukraine. Partout dans l’outdoor biathlètes, trailers, skieurs et grimpeurs se mobilisent, chacun avec ses moyens. En première ligne, les Ukrainiens. Tous guidés par un désir identique : la paix. Des actes symboliques, certes, mais indispensables.
La plupart des sportifs ukrainiens vont défendre leur pays contre l’armée russe, comme Andrii Tkachuk, trailer qui vient d’y rentrer, mettant ainsi sa carrière entre parenthèses. Après des victoires en 2021 – sur les 24h d’ultrafond sur piste à Barcelone et sur le Skole Ultra Trail notamment -, cet athlète polyvalent a décidé de ranger temporairement ses baskets, la saison 2022 à peine commencée, pour soutenir son pays. Il a donc pris le premier avion depuis les Etats-Unis, direction l’Ukraine. Un choix courageux au péril de sa vie. Espérons qu’il puisse rapidement retrouver les sentiers !
« Sport et politique, c’est la même chose quand des soldats et des civils de mon pays sont tués »
Dmytro Pidruchnyi, membre de l’équipe olympique ukrainienne de biathlon (2022)
D’autres athlètes issus de disciplines en lien avec l’armée vont devoir s’engager, comme les deux stars du biathlon local, la championne olympique du relais 2014, Yulia Dzhyma et son compatriote Dmytro Pidruchnyi, champion du monde de poursuite 2019 qui ont déjà revêtu l’uniforme. « Mon équipe et moi-même restons en Ukraine pour défendre notre pays qui a été envahi par la Russie. On se retire de toutes les compétitions à venir. Ne restez pas à l’écart de ce conflit. Donnez de l’argent, manifestez dans vos villes, forcez vos gouvernements à nous aider. Ne dites pas que le sport et la politique ne sont pas liés, c’est la même chose quand des soldats et des civils de mon pays sont tués pendant que vous lisez ces mots » annonçait ce dernier ce week-end sur les réseaux sociaux. À peine 10 jours après les Jeux Olympiques, un tout autre combat l’attend…
« Bannir tous les athlètes russes et biélorusses du sport international, y compris aux Jeux paralympiques de Pékin 2022 »
Groupe Global Athlète
Suite à l’appel du Comité International Olympique à annuler ou délocaliser les compétitions prévues en Russie, de nombreuses fédérations – ski, escalade, cascade de glace – ont annoncé l’abandon de leurs événements sportifs annoncés cette saison. Des athlètes font d’ailleurs appel à la communauté européenne pour venir en aide aux réfugiés, comme Illya Bakhmet-Smolensky, le jeune grimpeur ukrainien (17 ans). Mais un problème persiste : quid des Jeux Paralympiques qui débutent ce vendredi 4 mars ?
Dans l’espoir de faire bouger les lignes, quatre jours après le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, des sportifs ukrainiens – biathlètes, skieurs, boxeurs, gymnastes entres autres – ont écrit une lettre ouverte à Thomas Bach et Andrew Parsons, respectivement présidents du Comité International Olympique (CIO) et du Comité International Paralympique (CIP). « L’invasion de l’Ukraine par la Russie, soutenue par la Biélorussie, est une violation manifeste des chartes olympique et paralympique, une violation qui doit faire l’objet de sanctions sévères », précisent les signataires (au nombre de 100 à ce jour), via le groupe de pression Global Athlete qui vise à donner une voix aux sportifs. Leur souhait ? « Le bannissement de tous les athlètes [russes et biélorusses] du sport international, y compris ceux des Jeux paralympiques de Pékin 2022 ».
« Votre héritage sera défini par vos actions »
Groupe Global Athlète
Une requête légitime. Rappelons qu’avec cette guerre, la Russie rompt, une nouvelle fois, la trêve olympique, un appel à un cessez-le-feu mondial dans les conflits qui débute sept jours avant le début des Jeux Olympiques et s’achève sept jours après les Jeux Paralympiques. On se souvient que Poutine avait annexé la Crimée depuis l’Ukraine lors d’une opération ayant eu lieu lors les JO de Sotchi en 2014 et lancé un affrontement en Géorgie le jour de la cérémonie d’ouverture de Pékin 2008. Pour cette nouvelle aggression, comment réagit le CIO ? Dès le début du conflit, il a condamné cette guerre lancée par Poutine. Dans un récent communiqué, il a également demandé aux fédérations sportives de « ne pas inviter ou autoriser la participation d’athlètes et d’officiels russes et biélorusses à des compétitions internationales ». En plus de retirer symboliquement l’Ordre olympique à Vladimir Poutine, mais aussi au vice-Premier ministre russe, Dmitry Chernyshenko, et au chef de cabinet adjoint du bureau exécutif présidentiel, Dmitry Kozak, le Comité International Olympique a salué les nombreux appels lancés par les athlètes, les responsables sportifs et les membres de la communauté olympique mondiale.
Certes… Mais à J-4 du début des Jeux Paralympiques, le CIO ne propose guère de sanction concrète, à l’instar de la FIFA qui, ce week-end ne trouvait rien de mieux comme « sanction » que d’autoriser les sportifs russes à participer aux compétitions, mais sous l’appellation de « Fédération russe de football ». Une position jugée “inacceptable” qui a poussé les footballeurs polonais, suédois et tchèques à renoncer à leurs matchs qualificatifs. Il aura fallu beaucoup de pression pour qu’aujourd’hui, en fin de journée, elle se décide à exclure la Russie de la Coupe du monde organisée au Qatar.
En sera-t-il de même pour les Paralympiques ? Aujourd’hui, lundi 28 février, Thomas Bach, le président du CIO, a annoncé à nouveau son soutien envers l’Ukraine et a incité à « donner une chance à la paix ». Pourtant, il n’a pas répondu à la pression opérée par les sportifs ukrainiens dont le message est clair : « Votre inaction enverra un message à chaque athlète et au monde que vous avez choisi les intérêts de la Russie et de la Biélorussie, plutôt que les intérêts des athlètes. Votre héritage sera défini par vos actions ». La mobilisation des athlètes sera-t-elle en mesure de renverser la situation ? Certains feront-ils le choix de renoncer aux olympiades ?
Photo d'en-tête : Egor Lyfar