De Kilian Jornet à François D’Haene en passant par Vincent Delebarre, le palmarès de la Diagonale des Fous – l’ultra le plus beau et le plus dur pour la plupart des passionnés de trail- ressemble à un casting cinq étoiles. A quelques semaines du départ de l’édition 2019, Mickaël Mussard, traileur et journaliste réunionnais, y consacre un ouvrage très complet.
« J’étais un peu fatigué le soir mais je repartais toujours le lendemain ». Celui qui s’exprime ici n’est pas un coureur du Grand Raid, après une sieste de 20 minutes dans un poste de ravitaillement. Mais Irvin Pausé, le mythique facteur du cirque de Mafate ; le plus aride, le plus sauvage et le plus inaccessible des trois cirques de La Réunion.
Décédé la semaine passée à l’âge de 91 ans, ce grand monsieur, vouté par les incessants aller-retours entre le littoral et les sentiers escarpées du cirque de Mafate, possède une statue en son nom à Grand Place, après ses quarante années de labeur (de 1951 à 1991).
C’est exactement pour ce type de mises en lumière, ici sur un bonhomme hors-norme, que Mickaël Mussard se démarque des ouvrages publiés à ce jour sur le sujet. Très complet, enrichi d’images d’archives, le « Grand Raid de La Réunion, une histoire de fou » recèle de petites pépites: de la préface de François D’Haene, grand prince de La Diagonale aux quatre victoires, aux exploits des premiers pionniers.
« Diagonale des Fous », trouvaille d’un photographe
De l’histoire de l’île, relativement méconnue (ou oubliée ?) en métropole, aux spécificités géographiques, les chapitres se succèdent avec en toile de fond l’immense étendue de nature à la fois belle et hostile de l’île. On apprend ainsi que l’organisation de l’ultra-trail le plus dur et « le plus beau du monde » dixit Kilian Jornet, n’a pas été un long fleuve tranquille. D’abord appelé « La Marche des Cimes » lors de sa première édition en 1989 auquel 550 coureurs prennent part sur les 112 kilomètres, le désormais « Grand Raid » depuis 1994 s’est également appelé « Grande Traversée en 1990 puis « Course de la Pleine Lune » en 1993. Au fil des années, l’engouement n’a cessé de croitre, passant d’une seule course rassemblant 550 inscrits, à plusieurs distances et plusieurs milliers de « fous » aujourd’hui.
Mais d’ailleurs, savez-vous pourquoi la plus grande distance de cet ultra-trail s’intitule la « Diagonale des Fous » ? Mickaël Mussard a puisé dans les archives et retrouvé le journaliste à l’origine de cette appellation. Bernard Morin, journaliste pour « Jogging International » réalise en 1994 un reportage sur les plus belles courses du monde et son objectif se porte forcement vers l’île de La Réunion. « J’ai réalisé une page complète avec une photo prise d’hélicoptère. Sur cette photo il y avait des coureurs qui traversaient la Plaine des Sables en diagonale à la file indienne. J’ai donc eu l’idée de titrer « La Diagonale des Fous », référence au film sur les échecs », explique le journaliste qui ne s’attendait pas à un tel succès quand l’organisation lui a demandé le droit d’utiliser ce nom pour qualifier la plus dure des épreuves du Grand Raid en 1998.
De la triche, pas de bâtons et des morts
Côté sueur, douleur et larmes de bonheur, le chapitre sur les performances, édition par édition, vaut de l’or. On y trouve des anecdotes inédites sur les vainqueurs, l’organisation et le public. Tantôt c’est un maire, celui de Saint-Pierre, qui souhaite tirer sa part du gâteau, tantôt c’est une réclamation d’un coureur arrivé second, Jean-Philippe Marie-Louise qui accuse son seul adversaire arrivé devant lui, Jacky Murat, de « triche » pour ne pas avoir pointé à tous les postes de contrôle. On se retrouve plongé au cœur d’une véritable institution qui tient un mois durant l’île sous pression.
En 2000, plus de bâtons, interdit ! Car une chute pourrait les transformer en arme redoutable selon l’organisation. En 2001, c’est l’absence de chrono officiel chez les féminines qui gâche un peu la fête mais pas autant que l’année suivante, celle des dix ans du « Grand Raid », pendant laquelle deux traileurs perdent la vie, l’un d’un arrêt cardiaque et l’autre suite à une chute.
Kilian Jornet s’arrête contempler le volcan
Le roi Kilian débarque sur l’Île de La Réunion en 2010. Il a alors un statut de jeune star en devenir, tout juste deux ans après son premier UTMB remporté à 20 ans. Une première réussie et une adhésion immédiate du public pour le jeune Catalan. « Je n’ai jamais vu autant de monde sur une course et surtout aussi passionné », déclare Kilian Jornet à l’arrivée à Saint-Denis tout en avouant s’être arrêté devant le volcan en éruption pour admirer le spectacle.
L’auteur déroule le fil des éditions du « Grand Raid » avec précision. Ainsi 2012, qui devait symboliser la fête des 20 ans, sera marquée par un nouveau mort et un taux d’abandons de 48 %. Certes, jamais un « Grand Raid » n’avait cumulé autant de kilomètres et de dénivelé, 170 km pour 10 845 mètres de dénivelé. Et, comme par hasard on retrouve un habitué et addict du genre sur la plus haute marche : Kilian Jornet, qui mettra tout de même 26h33 pour venir à bout de sa deuxième Diagonale des Fous. Suivra ensuite l’hégémonie de François D’Haene entamée en 2013 et poursuivie en 2014, 2016 et 2018.
Cette « Histoire de Fous » ravira les fans de l’épreuve, amoureux de l’île de La Réunion et futurs finishers. D’ailleurs, outre le succès à peu près certain de son livre, on ne peut que souhaiter à Mickaël une chose : devenir un finisher de « son » Grand Raid.
« Grand Raid de La Réunion, une histoire de fou », Michaël Mussard. 216 pages, 24,90€
Pour en savoir plus sur les courses du Grand raid de la Réunion, c’est ici.
Photo d'en-tête : Sebastian Sammer- Thèmes :
- Diagonale des fous
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