Le marathon le plus prestigieux du monde, pour lequel plus d’un runner se damnerait pour décrocher un dossard, va octroyer 70 000 de ses médailles de finisher aux plus rapides à s’inscrire à sa course virtuelle. Sans exiger le moindre chrono ! Une initiative pour le moins inédite, Covid oblige, qui déclenche la colère des puristes.
Chaque année, des milliers de coureurs suent sang et eau pour tomber en dessous des barres de temps fatidiques afin, espèrent-il, d’être sélectionnés et rejoindre les quelques 30 000 runners conviés à l’automne au marathon le plus select du monde : le marathon de Boston, créé en 1897 aux États-Unis.
Toujours plus exigeants en termes de chrono, les organisateurs se refusent à augmenter le nombre de dossards (environ 30 000), malgré les demandes de coureurs, souvent de très bon niveau d’ailleurs, rêvant de courir le marathon des marathons. Une politique aux antipodes de villes telles que Paris qui accueille à bras ouverts un nombre toujours croissant de compétiteurs, sans oublier au passage d’encaisser de juteux bénéfices.
Aucun chrono exigé
Dès lors, quelle que soit votre performance, décrocher ne serait-ce qu’un dossard à Boston est déjà une victoire en soi pour plus d’un coureur. On ne parle pas ici des élites, toujours bienvenus partout, mais de ces milliers de sportifs plus ou moins aguerris qui se sont pris au jeu, et au plaisir, du running.
C’est sans doute à ceux-là que s’adresse aujourd’hui le Marathon de Boston qui les convie pour la première fois à participer à la Grand-Messe de la course à pied. Pas en spectateur cette année, mais dossard au dos. Enfin, dossard virtuel. Car en marge de sa course, bien réelle, que Boston espère pouvoir tenir le lundi 11 octobre 2021 avec des coureurs élites (environ 80 % de qualifiés et 20 % d’invités), la Boston Athletic Association (B.A.A.) organise un marathon virtuel (42,195 km), que vous ou moi pourrons courir, à domicile, afin de « célébrer et honorer sa 125e édition », expliquent les organisateurs.
Aucun chrono ne sera exigé, pas plus à l’inscription qu’à l’arrivée, pour bénéficier du package du coureur. A savoir un numéro de dossard officiel, « la cassette du champion, la ligne de départ et d’arrivée ». Sans parler bien sûr du Graal : la médaille. « Pour la première fois de notre histoire, en 2021, les coureurs de tous niveaux auront la possibilité de gagner la médaille de finisher à la Licorne (l’emblème de l’organisation, ndlr) pour chaque course de la B.A.A. Qu’ils choisissent de marcher ou de courir », explique Tom Grilk, président et directeur général de la B.A.A, dans un communiqué. « En nous appuyant sur le succès de l’expérience virtuelle du marathon de Boston 2020 (alors limitée aux athlètes déjà qualifiés, ndlr)», poursuit-il, nous nous efforcerons une fois de plus d’apporter l’esprit de Boston partout dans le monde avec cette course virtuelle. Peu importe où vous franchissez la ligne d’arrivée, le 125e marathon de Boston sera une célébration pour tous les coureurs ».
Un non-sens !
Pour les puristes, bien sûr, c’est une hérésie. Un non-sens. La sélection donnant toute sa valeur à l’expérience emblématique de Boston. Parmi les plus virulents, rapporte l’agence AP, Josh Sitzer, un coureur de San Francisco. Qualifié à trois reprises pour le marathon de Boston, il voit dans cette distribution de 70 000 médailles un bon moyen d’engranger de l’argent (le tarif du dossard n’est pas encore connu, ndlr), à un moment où partout dans le monde, les organisateurs d’événements sportifs voient leurs ressources fondre comme neige sous le réchauffement climatique.
« Un peu de fierté, quand même », dit-il dans un tweet. Du respect pour vous-même comme pour la course. Ne faites pas Boston si vous ne le méritez pas », écrit-il. Avant de revenir sur ses propos et de conclure : « J’avais tort. Cet événement n’est pas la même chose que le marathon de Boston, et cela ne dévalorise pas l’expérience de ceux qui répondent à des critères de qualification stricts pour avoir une chance de s’aligner à Hopkinton, Massachusetts ».
Erin Strout, du magazine américain « WomensRunning » conclut, elle, que : « s’il y a jamais eu un moment pour mettre de côté notre élitisme et notre cynisme, c’est maintenant (…). Faisons une place à chacun, encourageons-nous mutuellement et saisissons l’opportunité de rendre la course à pied plus grande, meilleure et plus ouverte encore ».
Alors que vous soyez un runner aguerri ou débutant, si le challenge vous tente et fait sens pour vous, c’est ici.