Jusqu’où iront les incohérences gouvernementales dans la gestion de l’épidémie de Covid-19 ? Devant la colère des stations de ski privées de remontées mécaniques pour Noël, le gouvernement n’a rien trouvé de mieux pour dissuader les Français d’aller skier à l’étranger que d’annoncer des contrôles aléatoires aux frontières, des tests et une quarantaine de 7 jours pour ceux qui passeraient les frontières. Aberrant, et sans doute totalement inefficace. Sur tous les plans, sanitaire et économique.
Dans l’escalade de l’absurde, il fallait s’attendre au pire. Voilà qui est fait. Après les déclarations d’Emmanuel Macron, hier 1er décembre, on pouvait sérieusement douter de la cohérence des mesures concernant l’épineuse question de la réouverture des stations de ski françaises. Les stations sont « des lieux de brassage » où « il fait nuit à partir de 17 heures » et où « on se retrouve dans des lieux loués à plusieurs », a en effet déclaré le Président. « On sait que c’est comme cela qu’on s’infecte et donc on cherche plutôt à l’éviter » pour « ne pas sacrifier tous les efforts qu’on fait ». Certes, mais sauf annonce contraire, les stations vont bien rouvrir le 15 décembre ce qui leur permettra d’accueillir, on l’espère, les amateurs de ski de fond ou de rando. Ils ne prendront pas les remontées mécaniques, interdites, mais ne seront-ils pas tous logés, eux aussi, en chalets ou en appartements ?
Dès lors, où est la logique ?
Du jamais vu, même au plus fort de la pandémie
« S’il y a des pays qui maintiennent des stations ouvertes, il y aura des contrôles pour dissuader les Français », a expliqué Emmanuel Macron dans la foulée de son analyse. Les précisions ne sont pas faites attendre. Interviewé ce matin sur le plateau de BFMTV-RMC, le Premier ministre a annoncé la mise en place de mesures restrictives pour empêcher les Français de skier. Après l’interdiction le 26 novembre de rouvrir les remontées mécaniques sur les pistes de l’Hexagone au moins jusqu’au 20 janvier, le gouvernement voudrait maintenant instaurer des « contrôles aléatoires aux frontières », des tests et imposer une quarantaine de 7 jours aux Français qui tenteraient de skier à l’étranger.
Du jamais vu, même au plus fort de l’épidémie cette année.
La raison : Jean Castex vise à « empêcher les Français d’aller se contaminer » ailleurs : « On prévient les flux, les interactions, les contacts, pour ne pas avoir une troisième vague en janvier. On prévient le risque (…) J’essaye de limiter les flux et les rassemblements importants ». Concrètement, si vous passez les frontières pour skier, « vous serez placés, testés et vous serez placés en isolement pendant sept jours », a-t-il ajouté.
Sans préciser si les mêmes restrictions et contrôles s’appliqueraient par exemple aux Français qui auraient dans l’idée d’aller réveillonner, hors frontières, dans un pays où bars et restaurants – hauts lieux de contamination – sont encore ouverts.
Sans préciser non plus si nos voisins helvètes ou espagnols, en visite en France, seront soumis au même régime au passage de la frontière. Ce qui serait cohérent quand on connait le taux actuel de circulation du virus en Suisse comme en Espagne, pays très touchés par l’épidémie.
Donc deux poids deux mesures ? Quelle est la logique ?
Des Français pas bienvenus en Autriche
Les annonces ce matin de Jean Castex suivent les directives données par Emmanuel Macron hier soir, qui avançait l’argument d’éliminer une « situation de déséquilibre avec des stations en France ». Ce sont donc la Suisse, l’Autriche et l’Espagne qui sont concernés – tandis que l’Italie, à l’image de la France, penche plutôt en faveur de la non réouverture de ses pistes. Des pays visés par Angela Merkel, qui voudrait généraliser l’interdiction de l’accès aux pistes de ski en Europe.
Si la Suisse s’est rapidement et fermement opposé à la fermeture de ses stations, l’Autriche -sans doute plus vulnérable aux arguments de Bruxelles, a failli obtempérer. La décision était attendue aujourd’hui, et pour Merkel, c’était loin d’être gagné. « Elisabeth Köstinger, ministre autrichienne du tourisme, ayant déclaré récemment dans une interview à la radio bavaroise que son pays n’avait pas l’intention de respecter des restrictions ». Or l’AFP vient d’annoncer en début d’après-midi, ce mercredi 2 décembre, qu’ « En Autriche, il sera possible de skier dès le 24 décembre, mais les hôtels restent fermés jusqu’au 7 janvier ». Ce qui confirme les informations publiées hier par le Guardian : « Selon les premiers rapports (…) dans certaines stations, les remontées mécaniques devraient rester ouvertes … mais les touristes seront priés de ne pas s’y rendre ».
Pas sûr donc que les quelques centaines de Français assez fortunés pour songer à aller skier en Autriche y soient, de toute façon, les bienvenus. Mais il semble que ni Emmanuel Macron ni Jean Castex ne soient au courant.
Article publié le 2 décembre à 13h30, mis à jour à 14h10, suite à l’annonce officielle de l’Autriche de la réouverture de ses stations de ski.
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