« Si les marques de l’outdoor aiment vraiment la nature, elles doivent commencer par cesser de la polluer », interpellait Greenpeace en juillet 2016. L’ONG venait de faire des analyses de l’air dans des magasins de sport européens et asiatiques, et son rapport était accablant : les concentrations de PFC volatiles pouvaient y être jusqu’à 60 fois plus élevées que celles rencontrées habituellement dans une pièce close, et jusqu’à 1 000 fois supérieures aux niveaux observés en extérieur. En cause : des articles vendus par ces magasins, saturés de composés chimiques persistants, comme l’avaient déjà révélé d’autres analyses la même année. Or, fidèle à sa politique, Greenpeace était passé à l’action et proposait depuis 2011 une charte, le « Greenpeace Detox Commitment. Les signataires s’engageaient volontairement à éliminer tout polluant de la totalité de leur chaîne d’approvisionnement d’ici 2020 au plus tard. Parmi les très rares marques qui avaient suivi, VAUDE, spécialiste de l’équipement de montagne, adhérente à ce code de bonne conduite dès 2015. Six ans plus tard, quel est son bilan ?
Les discours c’est bien, l’action c’est mieux. On peut faire confiance à Greenpeace pour aller sur le terrain et en tirer de solides arguments pour interpeller les pollueurs. Mais aussi pour proposer des solutions. Ce qui est plus difficile encore. C’est précisément ce qu’a fait l’ONG il y a dix ans, début 2011. A l’époque, tous les exposants d’ISPO, la grand-messe de l’équipement outdoor n’avaient pas encore repeint leurs stands en vert. Et si beaucoup étaient bien conscients que depuis 2002, la production mondiale de textiles d’habillement avait plus que doublé – largement alimentée par les produits liés aux activités outdoor – et que, sans surprise, la quantité de déchets polluant de plus en plus la planète avait décuplé en parallèle, rares au final étaient ceux qui prenaient des mesures drastiques pour freiner cette fuite éperdue. Par manque de conviction, ou de moyens : pas toujours facile en effet de concilier impératifs techniques et coûts. Reste que la pression des consommateurs aidant, il était devenu de plus en plus délicat de ne s’intéresser qu’au profit sans penser aux conséquences. L’enquête de Greenpeace lancée en 2016 arrivait donc à point en jetant un gros coup de projecteur sur l’un des points faibles de la chaine de fabrication des équipements outdoor : les composés perfluorés ou polyfluorés, plus connus sous l’acronyme de PFC.
Des substances chimiques à l’origine de cancers
En janvier cette année-là, l’ONG avait en effet effectué des analyses qui avaient mis en évidence l’omniprésence de ces composés chimiques persistants dans le matériel de sport d’extérieur. Ces produits sont en effet largement utilisés par l’industrie pour la fabrication de membranes assurant l’étanchéité à l’eau et la respirabilité des textiles. Ils sont aussi appliqués sur la face extérieure de produits imperméables afin d’en assurer la fonction déperlante sur la durée – capital sur une veste de pluie, notamment. Or, une fois présents dans l’environnement, ils se dégradent très lentement. « On retrouve des résidus de ces composés jusqu’au sommet des montagnes, dans les endroits le plus reculés de la planète » explique Greenpeace. « Certains PFC ont été associés à divers effets nocifs pour la santé humaine, dont des cancers des testicules ou des reins, ou encore une baisse de l’efficacité des vaccins chez l’enfant. » précise l’ONG.
Poursuivant son enquête, Greenpeace a donc prélevé quelques mois plus tard des échantillons d’air dans des magasins de cinq pays européens (Allemagne, Suisse, Italie, Suède et Norvège) appartenant à des marques leaders dans les équipements de sports de plein air. Des échantillons ont également été prélevés à Taïwan dans des magasins de sport généralistes. Conclusion de son rapport : « dans les magasins européens et asiatiques, les concentrations de PFC volatiles peuvent être jusqu’à 60 fois plus élevées que celles rencontrées habituellement dans une pièce close, et jusqu’à 1 000 fois supérieures aux niveaux observés en extérieur. Les PFC détectés dans l’air sont vraisemblablement issus des articles vendus par ces magasins ». Ces tests ont essentiellement « mis en évidence la présence d’une catégorie volatile de PFC, les FTOH. Certains FTOH peuvent se dégrader en PFOA, une substance toxique et cancérigène considérée comme « extrêmement préoccupante » par l’Union européenne », pointait l’ONG.
Objectif « Zéro rejets »
« Pourtant, des alternatives aux PFC existent ! » ajoutait alors Greenpeace soulignant que quelques rares marques de l’outdoor s’étaient donné les moyens de les éliminer ou étaient en bonne voie d’y parvenir. Parmi elles, VAUDE, Pas vraiment étonnant venant de l’équipementier allemand qui, depuis sa création en 1974, accumule sans bruit les avancées en matière de recherches sur son impact environnemental. Pionnier d’un style de vie éco-responsable, la marque lance ainsi dès le milieu des années 90 les premiers essais pour recycler entièrement les vêtements techniques des sportifs outdoor, au sein du réseau Ecolog-Recycling. En 2001, elle est la première marque de l’industrie outdoor à soutenir et utiliser le label Bluesign, l’un des plus exigeants de l’industrie textile. Huit ans plus tard, en 2009, elle va plus loin encore et crée son propre label de qualité « Green Shape certifiant non pas seulement la matière première textile, mais tous les éléments constituants d’une veste. En toute logique, en 2015, elle signe le Greenpeace Detox Commitment, s’engageant ainsi à éliminer d’ici fin 2020 toutes les substances polluantes de la totalité de sa chaîne d’approvisionnement et à fabriquer toutes ses collections sans avoir recours aux PFC.
Quel est son bilan depuis ? « VAUDE n’utilise plus de PFC dans ses membranes depuis 2011 et la collection textile en est exempte depuis 2018 », explique la marque. Cette exigence s’applique aussi à l’ensemble des chaussures et sacs à dos depuis 2020. Des efforts salués par Greenpeace : «Vaude prouve ainsi concrètement que la transparence et la régulation des chaînes de livraison globales sont possibles », souligne Viola Wohlgemuth, chargée de la campagne Consommation et Chimie chez Greenpeace.
Tester et retester les alternatives sans PFC
Une réelle avancée, mais qui n’a pas été facile. « Le plus grand défi consistait à doter les tissus extérieurs des vêtements de protection contre les intempéries d’une finition déperlante durable sans PFC », explique la marque. « Or, sous la pression publique exercée par la campagne de Greenpeace, l’industrie et les fournisseurs de produits chimiques se sont mis aussi à bouger » poursuit-elle. De nouveaux développements prometteurs ont alors débarqué sur le marché, ce qui s’est traduit par la nécessité de tester, tester et retester », souligne Bettina Roth, directrice Gestion de qualité . « Car des tissus peuvent réagir différemment selon leur texture ou couleur. Plusieurs centaines de tests de matériaux avec des alternatives sans PFC ont donc été nécessaires afin de garantir la fiabilité des processus. »
Reste qu’en apposant volontairement sa signature sur la charte Greenpeace Detox Commitment, VAUDE s’était également engagée à communiquer sur ses progrès de manière transparente. En décembre dernier, elle précisait donc clairement que « devant l’impossibilité d’atteindre la propriété déperlante souhaitée avec les variantes exemptes de PFC » elle avait dû réintégrer la finition aux PFC pour deux vestes et pantalons imperméables dans la collection hiver 2020 actuelle. » Problème résolu depuis, tous les articles textiles de la marque seront à nouveau dotés de la finition sans PFC tant dans la collection été 2021 qu’à l’hiver 2021/22.
Mais la recherche ne s’arrête pas là. Outre les PFC, au cœur du problème, il s’agissait d’éviter l’utilisation et la dissémination d’une dizaine d’autres groupes de substances critiques dans l’environnement. « Les PFC ne sont que l’un des onze groupes de substances sur lesquels nous nous penchons », explique la marque. « Sept sont d’ores et déjà entièrement éliminés. Reste à plancher sur les quatre restants ». Point sur lequel travaillent activement ses équipes, en parallèle du contrôle de l’ensemble du processus de fabrication. Car, précise la marque, « Il ne s’agit pas seulement d’obtenir un produit final exempt de polluants au bout du compte, mais de prendre en considération toutes les étapes de la production, de la fabrication du fil au tissage, à la teinture et au laminage, jusqu’à l’apprêt du tissu extérieur sur le produit fini ». 100 % des fournisseurs principaux de VAUDE se sont donc engagés à respecter ses spécifications, ce qui se traduit par des contrôles réguliers des eaux usées et des boues d’épuration.
Dès lors si votre veste de montagne ne contient plus de PFC, on ne peut que s’en réjouir, sans pour autant crier trop vite victoire. Trouver des alternatives aux matériaux polluants reste long et complexe. Mais avons-nous vraiment le choix ? Non, répondent Greenpeace et toutes les marques qui ont déjà compris qu’il en va de notre salut, et de celui de la planète.
Au-delà de la chasse aux PFC, mille et une façons de promouvoir la consommation durable
En signant la charte « Detox-Commitment », VAUDE n’a pas seulement renoncé aux substances chimiques nocives, mais s’est également engagée à mettre au point des « modèles d’affaires innovants pour promouvoir une consommation plus durable », principalement selon quatre grands axes.
• La création de la boutique eBay Upcycling Store. Cette bourse de matériaux pour les créatifs propose aux enchères, pour une bonne cause, des résidus et restes provenant de la manufacture de la marque. La plateforme est ouverte à d’autres entreprises de la filière textile, encouragées elles aussi à y offrir leurs restes de matériaux précieux au lieu de les mettre au rebut.
• Le service de location iRentit. Sur cette plateforme de l’économie solidaire créée en 2017, l’équipement peut être emprunté et ainsi utilisé par plusieurs personnes.
• Différentes options pour favoriser la réparation. Ce paramètre est intégré dans le processus de conception de la marque par le biais d’un système d’évaluation. À ceci s’ajoutent l’atelier de réparation dans ses locaux et la coopération avec la plateforme en ligne iFixit ainsi que des Repair Cafés.
• La «VAUDE Academy pour une économie durable». Fondée en mai 2020, elle permet à la marque de diffuser ses expériences et son expertise auprès des entreprises, organisations et organismes de formation intéressés.
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