Quelques jours avant la diffusion en ligne du documentaire qui lui est consacré sur Rakuten TV – film diffusé en ligne à partir d’aujourd’hui – l’athlète espagnol s’est longuement confié au quotidien sportif espagnol « Marca ». Il aborde des sujets dont il a peu parlés jusqu’ici. Eclairant.
Après avoir visionné sur Rakuten TV le marathon médiatique enduré par l’ultra traileur, on l’aurait volontiers imaginé définitivement allergique à la presse. Et bien non. Le champion d’endurance semble avoir autant de souffle face aux micros des journalistes que sur les sentiers. Or donc, qu’apprend-on de cette interview , accordée à « Marca » ?
Si les éternelles questions sur son rapport à la paternité n’étonneront pas les fans qui dévorent chacun de ses mots et si sans surprise il dit être favorable à une réglementation bien pensée des chaussures de course (voir la polémique sur la Vaporfly de Nike) on y découvre un Kilian singulièrement mûr. Sûr de ses choix sur le plan professionnel mais aussi personnel.
Son rapport avec les médias
L’athlète rappelle qu’il préfère de loin courir en montagne qu’arpenter les studios de TV – on s’en doutait un peu ! – mais il semble accepter volontiers les contraintes de sa notoriété : « La caméra est mon amie, nous nous connaissons depuis si longtemps (…) que j’ai une relation très naturelle avec elle », explique-t-il à au média espagnol.
Son implication en matière d’environnement
C’est sans doute le sujet le plus important pour Kilian Jornet qui l’aborde maintes fois dans le long entretien à « Marca ». Notamment lorsqu’on l’interroge sur l’impact de ses mois off, consécutifs aux blessures subies en 2018– deux opérations de l’épaule et une fracture du péroné. On apprend ainsi qu’il souhaite poursuivre sa carrière internationale, jalonnée par de nombreux voyages en avion, mais de manière « plus durable », moins impactante pour l’environnement.
Une prise de conscience aigüe, exacerbée par la naissance en 2019 de sa fille Maj, qui lui fait notamment reconsidérer le nombre et la nature des courses qu’il choisit désormais chaque année. « Je veux vraiment voir si ça vaut la peine de traverser la planète en avion pour faire une course qui ne va rien m’apporter. Je préfère courir moins de courses pour voyager moins », dit-il.
Sa priorité en 2020 ?
Clairement, c’est l’Himalaya. Pas à l’automne, une expérience qu’il avait pourtant adorée l’année dernière, mais plutôt au printemps, pour des raisons d’agenda. Une saison un peu trop fréquentée à son goût, mais « il sait où aller pour être tranquille ». On n’en saura donc pas plus sur sa destination finale, la question des permis d’accès aux sommets restant au demeurant en suspens.
En deuxième position de son programme : Pikes Peak, une course de 42 km et 2382 m de D+ sur un terrain ultra technique à haute altitude; organisée dans le Colorado, elle fait partie du Golden Trail Series. Pas pour battre le record de Matt Carpenter en 1993, mais tout simplement parce que c’est une course « très motivante » qu’il connait bien, Enfin, il faudra attendre l’été pour savoir si le traileur confirme son intention d’inscrire à son programme une autre course … de route. On pense bien sûr au marathon. « Valence ? » lui suggère le media espagnol. À voir, répond prudemment Kilian rappelant que « la course sur route n’est pas mon fort, je ne peux donc pas choisir n’importe laquelle ». Reste que le traileur explique clairement que « cette année, je veux faire les choses différemment (de 2019, année où il s’était concentré sur deux épreuves majeures seulement, ndlr) et courir sur route, en fin de saison. Je ne l’ai jamais fait, pas plus à l’entrainement qu’en compétition. Or seul le changement me permet de me remettre en question. C’est ça qui est intéressant dans le sport. » Mais inutile de se faire des illusions, le traileur n’a aucunement l’intention de se mesurer à Kipchoge sur la distance reine, « il est à un niveau lunaire », préférant de loin le rencontrer « pour discuter le coup ».
Sa position sur le dopage
Interrogé sur un sujet inévitable à l’heure où le trail espagnol est ébranlé par un vaste trafic d’EPO, Kilian Jornet est catégorique : « Les sanctions contre les sportifs doivent être exemplaires, mais je crois que les barèmes ne sont pas les mêmes pour tous », précise-t-il, évoquant la condamnation massive de la Russie en 2017, et le traitement au cas par cas concernant les athlètes kényans ou nord-américains. Enfin « bien des fois, on frappe le sportif mais le système qui l’entoure reste intouché, ce qui rend l’éradication du dopage difficile », conclut-il.
… Et son rapport au sommeil
Plus étonnante, la question du sommeil. Dans le documentaire qui lui est consacré, on découvre, un peu sidéré quand même, que Kilian Jornet, préférant concentrer toutes ses conférences de presse et autres interviews en un temps minimal, n’avait dormi que 39 heures en onze jours de voyage (encore un record de plus !). « Pas grave », a-t-il l’air de dire lorsqu’il explique dans le film « dormir et se reposer, on aura bien le temps de le faire quand on sera morts ». Soit, mais encore. « Dormir est nécessaire, mais ça n’a pas d’autre utilité que de permettre de récupérer de l’énergie pour le lendemain. Je préfère faire des choses que rester inactif ». Ça, on l’avait déjà compris !
Pour les hispanophones qui voudraient lire l’interview intégrale de « Marca », c’est ici. L’enregistrement audio, y est également disponible gratuitement (un conseil, pour aller à l’essentiel, filez directement sur la minute 3:25)
Photo d'en-tête : Rakuten TV