Veiller à ce que les ouvriers travaillent dans des conditions de sécurité normales et pour un salaire décent, faire respecter les normes environnementales les plus strictes, c’est un peu le minimum pour les industriels de l’outdoor qui ont compris qu’ils avaient un rôle social à jouer. Parmi eux, l’Italien Salewa, qu’on a vu associé aux plus belles expéditions de Reinhold Messner dans les années 80, mais aussi au développement de standards de fabrication extrêmement exigeants. Dernière initiative en date, son nouveau logo « Salewa Committed», garant de son engagement sur tous les fronts, l’aboutissement d’années de travail sur le terrain, du Bangladesh à la Slovénie.
« Quoi qu’on fasse aujourd’hui en matière de développement durable, nous n’en faisons pas encore assez », explique Marie Luisa Roos, sustainability specialist chez Salewa. Fausse modestie ou discours marketing bien rôdé ? Pas vraiment si l’on en juge par le parcours d’une marque qui depuis sa création en 1935 s’est imposée parmi les industriels de l’outdoor les plus engagés au niveau environnemental et sociétal au point d’apposer aujourd’hui sur 80 % de sa collection automne hiver 2022 un nouveau logo : « Salewa Committed » (engagé), sorte de « reminder » de ses promesses. A savoir, répondre à deux critères de fabrication obligatoires et à un critère supplémentaire. Et non des moindres.
Se repérer dans la jungle des logos
Tous les produits tagués « Salewa Commited » remplissent en effet les conditions de fabrication les plus sévères actuellement en vigueur dans l’outdoor. Au niveau des composants chimiques bien sûr : la matière principale (ou le produit entier) doit avoir été testée par un organisme indépendant, ou avoir été approuvée bluesign, label environnemental s’intéressant à l’entièreté de la chaîne d’approvisionnement textile, et pas seulement au produit fini.
Mais ce n’est pas tout, tout produit « Salewa Commited » doit sortir d’usines inspectées par des tiers indépendants pour vérifier le respect des normes sociales et des conditions de travail. A cela doit s’ajouter au moins un des cinq critères suivants : être PFC-free, contenir au moins 50 % de matières recyclées, être fabriqué avec au moins 50 % de matières revalorisées, prouver que son duvet est certifié RDS (Responsible Down Standards). Ou encore que le produit contienne au moins 50% de matières naturelles/renouvelables.
La marque met donc la barre très haut et entend surtout faciliter la tâche d’un consommateur de plus en plus exigeant, mais qui a de quoi se perdre dans la jungle des labels environnementaux. Repérer d’un seul coup d’œil le logo « Salewa Committed » devrait donc lui offrir de sérieuses garanties mais aussi susciter quelques questions.
Prendre en compte l’intégralité de la filière de production
Comment une marque ne possédant pas d’usines propres et fabriquant dans 20 pays à travers le monde, peut-elle être certaine que ses critères de production sont bien respectés par ses partenaires ? « C’est une excellente question », répond Marie Luisa Roos. « Au cœur de nos préoccupations, mais que nous ne sommes pas les seuls à nous poser, « explique-t-elle. « Aussi avons-nous mis en place une cellule de quatre experts -Martine Riblan, Social Compliance Specialist ; Alexandra Letts, Manager; Sara Riato, Chemical Compliance Expert – en contact permanent avec nos partenaires à l’étrangers. Dans leur mission : établir un cahier des charges de fabrication précis, veiller à ce que les usines l’appliquent, continuer à former nos interlocuteurs et établir ou renforcer la communication avec les ouvriers, souvent peu au fait de leurs droits sociaux. » Un vaste programme qui s’appuie notamment sur la Fair Wear Foundation (FWF), organisation à but non lucratif collaborant avec des marques, des usines, des syndicats, des ONG et parfois des gouvernements pour améliorer les conditions de travail dans les chaînes d’approvisionnement où sont fabriqués des « articles cousus ».
Son champ d’action se concentre sur les processus de coupe et de couture liés à la production d’articles textiles, car elle estime que c’est là que l’on peut avoir le plus grand impact positif. À l’heure actuelle, elle intervient sur 11 pays producteurs de vêtements en Asie, en Europe et en Afrique : le Bangladesh, la Bulgarie, la Chine, l’Inde, l’Indonésie, la Macédoine, le Myanmar, la Roumanie, la Tunisie, la Turquie et le Vietnam. C’est à elle qu’ont recours les marques du textile les plus exigeantes pour les épauler sur le terrain. Membre de la FWF depuis 2013, Salewa a acquis en 2016 le statut de leader, compte tenu de ses résultats auprès de son réseau de producteurs au niveau du respect des conditions de travail, l’un de ses axes majeurs de travail aujourd’hui. Un des plus complexes aussi à mettre en œuvre.
Distinguer les pays à « risque élevé et faible »
Pour assurer un suivi régulier et rigoureux de ses usines, la marque peut s’appuyer sur une classification des pays producteurs établie par l’ONG qui distingue les pays en « risque élevé et faible » en fonction des preuves de l’apparition, ou d’une estimation de la probabilité, de problèmes sur le lieu de travail en matière de conformité sociale.
Dans la catégorie « risque élevé », on trouve ainsi les pays suivants : Albanie, Bangladesh, Biélorussie, Cambodge, Chine, Inde, Moldavie, Myanmar, Roumanie, Taiwan, Tunisie, Vietnam. 76% des usines de la Salewa sont situées dans ces pays. En toute transparence, elle explique ainsi dans son rapport, que 83% de son volume de production provient de pays à haut risque. Contre 17% provenant de pays dits à faible risque (Allemagne, Autriche, Lituanie, République tchèque, Slovaquie, Slovénie, Suisse mais aussi l’Italie, pays considéré à haut risque par la FWF mais sûr pour Salewa qui y collabore de longue date avec des partenaires fiables.
Quel que soit leur classement, la marque attend de chacun de ses fournisseurs qu’il s’engage sur une dizaine de points clefs :
- Le travail des enfants n’est pas toléré
- Tous les employés doivent être traités avec respect et dignité.
- L’emploi doit être basé sur les compétences et aucune discrimination n’est tolérée
- L’emploi doit être librement choisi
- Le paiement d’un salaire vital doit être garanti
- Les heures de travail doivent être raisonnables ; les heures supplémentaires exceptionnelles,
- Les heures supplémentaires sont exceptionnelles, volontaires et dûment rémunérées.
- Les conditions de travail doivent être décentes et sûres
- La liberté d’association doit être garantie
- La relation de travail doit être formellement établie par un contrat écrit au moyen d’un contrat écrit
« En outre », explique Salewa, « nos fournisseurs doivent mettre en œuvre un programme et un système efficaces pour traiter les questions environnementales dans l’usine, en adoptant une approche de précaution. Ils doivent également garantir que leurs pratiques commerciales sont exemptes de corruption, directe ou indirecte, y compris le transfert planifié, tenté, demandé ou réussi d’un avantage résultant de la corruption ou de l’extorsion. »
Mener des audits en collaboration avec d’autres marques
Un programme on ne peut plus ambitieux qui ne saurait reposer sur les seules épaules de l’équipe dédiée de la marque. Si les chargés du contrôle de la qualité se rendent souvent dans ses usines tout au long de l’année pour observer les conditions de travail et d’informer l’équipe responsable du développement durable lorsque son Code de conduite et le Code des pratiques de travail de la FWF ne sont pas respectés, ils peuvent également s’appuyer sur des audits menées en collaboration avec d’autres marques. Ainsi En 2020, 84 % du volume audité de la marque a été couvert par des audits partagés. Une pratique qui a un double avantage. « Travailler avec d’autres marques nous permet de voir comment les autres résolvent les problèmes qui se présentent dans la plupart des usines, et ainsi de créer des méthodes et des procédures communes », précise la marque. Elle lui permet surtout d’avoir nettement plus de poids face à ses interlocuteurs.
« Certains de nos partenaires sont situés dans des endroits éloignés ou sont beaucoup plus grands que notre entreprise, et par conséquent, nos chances de provoquer un changement dans les usines sont faibles « explique Salewa. « Pourtant, lorsque nous unissons nos forces à celles d’autres marques qui s’approvisionnent dans ces usines, l’effet positif est triple : tout d’abord, nous évitons la duplication des audits, ce qui accroît l’efficacité de trois manières : en réduisant les coûts, en assurant le suivi d’un seul plan d’action corrective, ce qui allège l’organisation et la « paperasserie », en ayant une seule marque au nom de toutes celles qui partagent le même objectif, qui dirige la communication et les progrès avec l’usine. Deuxièmement, en tant que marque unique, nous n’avons souvent pas beaucoup d’influence dans une usine ; mais lorsque nous collaborons avec d’autres, nous sommes susceptibles de représenter une part plus importante de la production, ce qui, au final, renforce notre pouvoir de négociation et les probabilités de résultats positifs. Un fournisseur sera plus enclin à faire des changements et des investissements pour résoudre les problèmes dans les usines s’il s’agit d’un problème pour plusieurs marques. »
Obtenir le versement de salaires décents
En 2020, la marque ainsi commandé des audits à FWF au Bangladesh, en Chine et au Vietnam. Des audits dont elle publie un compte rendu détaillé pour chacun des pays concernés. On apprend ainsi qu’au Bangladesh, deuxième plus grand fabricant de vêtements au monde après la Chine, pays où la production de vêtements représente 80% des exportations, l’audit a pu pointer 41 problèmes, dont 7 ont été résolus dans le mois suivant. « Nous travaillons constamment avec l’usine pour résoudre les autres problèmes, dont l’un des plus urgents est le non-paiement apparent du salaire minimum légal. « Seize travailleurs ont été embauchés et ont effectivement travaillé comme « aides ». Les « stagiaires » ou « apprentis » reçoivent des salaires inférieurs à ceux des « aides », et Fair Wear a considéré que cela constituait un risque de non-paiement du minimum légal auquel ils avaient droit. L’usine a modifié leur statut en fonction du travail qu’ils effectuent effectivement, mais nous demandons toujours au fournisseur de mettre en place une politique visant à faire correspondre le statut des travailleurs aux tâches effectuées et à payer l’écart salarial des derniers mois. », explique la marque.
Plus complexe encore, la Chine, bien évidemment, où les salaires sont encore trop bas, les heures supplémentaires dépassent les exigences légales, l’assurance sociale fait défaut sans parler de la liberté d’association qui reste très limitée par la loi. « C’est l’un des besoins les plus pressants dans ce pays », précise Salewa, « mais malgré les restrictions légales, nous nous efforçons d’aider les travailleurs à faire entendre leur voix. Ces dernières années, nous avons aidé l’usine à créer des mécanismes de réclamation et les résultats de nos efforts ont été soulignés lors de l’audit.»
En Chine, réduire le nombre de partenaires pour gagner en influence
Un premier (petit) pas qui ne peut avoir vraiment d’effet que si la marque s’impose comme un interlocuteur de poids. Ce qui est encore loin d’être le cas, reconnait-elle.
« En 2020 », apprend-on dans son rapport, « la Chine est restée notre plus grand pays d’approvisionnement non pas en termes de volume, mais en termes de nombre d’usines avec lesquelles nous avons travaillé. Notre chaîne d’approvisionnement est fragmentée, notre production est répartie entre de nombreuses usines, dont certaines sont très petites : 17,2 % du volume sont répartis entre 21 usines (…). Cela représente un défi pour la qualité de notre communication avec le fournisseur et, par conséquent, pour nos efforts de contrôle et de remédiation. » Aussi Salewa travaille-elle à consolider son réseau de fournisseurs. De 73 usines en Chine en 2015, elle est passée à 21 en 2020. Une bonne avancée, mais qui ne résoud pas encore le contrôle des sous-traitants, avec lesquels la marque n’a pas de relation directe et où elle produit de très petits volumes. Là, « un audit officiel ou complet en matière de santé et de sécurité reste complexe à mettre en œuvre.
Fidéliser ses fournisseurs
Les chantiers sont nombreux, on le voit, mais Salewa peut s’appuyer sur ses bons résultats sur les deux dernières années marquées par la pandémie de Covid pour avancer sur ses prochains objectifs. En 2020 elle est en effet parvenue à assurer la sécurité physique et financière du personnel des usines, malgré les longues périodes de confinement et le quasi arrêt total de l’activité mondiale, un challenge. Désormais, forte d’un réseau de fournisseurs bien établi – 75% de son volume total de production provient d’usines avec lesquelles elle travaille depuis plus de 5 ans – elle poursuit son étude de la délicate question du « salaire décent». En 2019, sa division Apparel Costing a en effet développé un outil visant à s’assurer que les prix négociés pour ses produits permettaient à l’usine de payer aux travailleurs un salaire digne de ce nom.
Autre chantier majeur, s’assurer que les travailleurs ont une voix et des moyens pour faire respecter leurs droits. Point auquel répond la procédure de plainte de la FWF, permettant aux travailleurs ou leurs représentants de déposer une plainte officielle contre leur employeur via la ligne d’assistance téléphonique de la FWF ; la FWF transmet ensuite la plainte à la marque, qui doit en informer immédiatement l’usine et tenter de résoudre le problème dans les meilleurs délais. Une fois que les faits sont vérifiés et que l’usine s’engage à prendre les mesures correctives.
Autant d’actions concrètes, à forts impacts sociaux et environnementaux, dont le consommateur n’a pas forcément conscience, mais que rappelle le nouveau logo « Salewa Committed ». Logo amené à évoluer vers plus d’exigence encore. Car la marque a la ferme intention dans un futur proche de s’imposer plus de contraintes et de critères secondaires. De quoi faire réfléchir à l’heure de s’équiper.
La collection Salewa Committed
Pour en savoir plus sur la collection Salewa Committed, visitez www.salewa.com
Photo d'en-tête : Salewa- Thèmes :
- Environnement
- Équipement
- Salewa