Disparition d’Earl Prunty, le freesoloiste qui désescaladait la tête la première

Aussi connu localement pour sa gentillesse que pour sa pratique marginale (descendre les voies en solo intégral, tête la première, puis les remonter), Earl Prunty a fait une chute mortelle sur les parois humides de Nooksack Falls, dans l’État de Washington le 17 mars dernier. Ce jour-là, le grimpeur américain de 68 ans désescaladait les falaises volcaniques qui bordent cette cascade de 27 mètres. Un téléphone, posé pour filmer la paroi, enregistrait encore au moment de l’accident. Selon le rapport du shérif, « la vidéo, longue de plus de trois heures, montre clairement Earl en train de chuter depuis la partie haute de la paroi sud ». Mais Earl Prunty ne grimpait pas comme les autres. Figure bien connue des grimpeurs de l’Etat de Washington, il était apprécié pour sa gentillesse et réputé pour sa pratique non conventionnelle de l’escalade : désescalader les voies en solo intégral, tête en bas, puis les remonter. « Pour être honnête, quand il m’a annoncé qu’il faisait ça [désescalader la tête la première, ndlr], j’ai cru que c’étaient des conneries », confie sa fille Natalie Greisen au magazine Climbing. « Il aimait raconter des histoires. Parfois un peu grosses ». Sauf qu’un jour, son mari l’a vu à l’œuvre. Et il descendait bien tête la première, les mains en avant. Natalie lui a alors demandé qu’est-ce qui lui passait par la tête. « Il m’a dit que ça lui permettait de mieux voir les prises et d’anticiper les mouvements. Et que la force de ses bras et de ses mains le lui permettait ». Tailleur de pierre pendant un demi-siècle, Earl avait un rapport viscéral à la roche. « Ses mains étaient énormes, fendues, calleuses. C’étaient des mains de tailleur de pierre, solides », se souvient-elle. Earl grimpait souvent sans corde, sur des dalles détrempées ou verglacées, autour de chez lui. Il lui arrivait de grimper encordé, mais ce n’était clairement pas sa pratique…