Un film de plus sur les « vanlifers » ? Quand « Enquête exclusive » s’attaque à l’un des sujets les plus tendances du moment, on pourrait craindre le pire. Et bien non. En suivant le quotidien de cinq adeptes de la vie en van, M6 cerne plutôt bien le sens de leur choix. Car pour ces nouveaux nomades, il s’agit bien de choix, et non d’une situation subie comme le vivent aujourd’hui des milliers d’Américains jetés sur les routes par la crise. Un documentaire de 52 minutes à voir en replay.
2019 : le Covid-19 n’a pas encore bouleversé la planète, balayant au passage des millions d’emplois, mais la crise financière est passée par là. Et elle n’a pas été tendre pour tous ceux qui, submergés par leurs dettes, n’ont plus eu d’autres recours que de vendre leur maison et, réflexe bien américain, de prendre la route, en van. Quand « Nomadland » le film multiprimé de Chloé Zhao, basé sur l’enquête de Jessica Bruder, se penchait sur le sort pas toujours glamour de ces nouveaux nomades, M6 s’est intéressé à une autre frange de la population de vanlifers. Tous ceux, qui, par choix, ont quitté le confort de leur maison, leur job et leur situation sociale pour partir à la découverte des plus beaux coins des États-Unis, au volant d’un van ou d’une camionnette. Leur but : sortir du schéma classique « métro-boulot-dodo », retrouver une forme de liberté.
De là à les ranger dans la case « hippies », le titre du documentaire sonne bien, mais pas vraiment juste. Car aucune des cinq catégories de « vanlifers » soigneusement choisies par le réalisateur ne rejette la société américaine et encore moins le capitalisme. « Ça ressemble à des vacances, mais c’est un travail à part entière. On ne rejette pas la société capitaliste », expliquent Emily et Corey, un couple d’influenceurs suivis par près de 200 000 personnes, dégageant 2000€ par mois grâce à des partenariats. Bien conscients que les poses sexy de yoga d’Emily dans des décors naturels sublimes sont aussi et surtout du « travail », leur discours est sans ambiguïté : « On n’essaye pas d’échapper au travail.” Et s’il est vrai qu’en van, les dépenses sont minimes, il faut bien gagner un minimum d’argent pour vivre.
Très réalistes aussi, Lamar et Ashley, un autre couple, nettement moins Instagram, qui élèvent leur petite fille sur la route, entre petits boulots dans les supermarchés et les stations essences et moments de rêve sur la plage. Eux aussi ont quitté une certaine stabilité pour construire une vie de famille dans leur van, mais gardent en ligne de mire un futur où leur maison roulante sera garée dans le jardin de leur maison « en dur ». Mais ce n’est pas pour tout de suite, ils veulent encore profiter de la liberté que leur procure ce mode de vie, même si tout n’est pas rose comprend-on lorsque, chassés d’un parking, ils sont contraints de passer la nuit à l’hôtel.
Aux antipodes, de grands privilégiés avec de gros moyens. Katie, 32 ans et derrière elle un job de comptable abandonné sans état d’âme. Trop formaté pour cette fille unique issue d’une famille très aisée. Famille qui ne comprend pas son choix quand, seule, elle décide de partir sur la route, en construisant elle-même son van. Courageux, même si Katie sait sans doute qu’elle saute dans l’inconnu, mais avec un solide filet : ses parents. Poussant encore le curseur, on monte en gamme avec Alan et Liz, deux jeunes retraités, 60 ans passés. Ces ex-chefs d’entreprise aventuriers sont en pleine forme, et forts de la fortune amassée … dans le commerce des vans, ils se lancent à l’assaut du Yosemite. Leur van ? Le nec plus ultra avec cave à vin à la bonne température et grands crus français.
La vanlife dorée sur tranche, bien loin de cet influenceur organisant chaque année un grand festival de vanlifers dans l’Oregon. Sans doute l’un des plus authentiques, l’un des plus « hippie » aussi, bien conscient que cette communauté mouvante est aussi contrastée que la société américaine elle-même. Un vieux combi VW pouvant côtoyer ici un van valant plusieurs millions de dollars. Reste que le mouvement vanlife, initié dans les années 50 et à nouveau en pleine expansion depuis 2015 environ, ne cesse de prendre de l’ampleur. Par choix ou par nécessité, ce sont des milliers de personnes qui se lancent dans la vanlife. Et pas seulement aux États-Unis. En France, les ventes de camping-cars et autres fourgons aménagés ont progressé de 25 % ces deux dernières années et ce type de véhicule s’impose aujourd’hui comme le plus vaste marché d’Europe.
Photo d'en-tête : Drew Bernard- Thèmes :
- États-Unis
- Vanlife