Suite à la publication de l’étude sur les risques de contamination au Covid-19 dans le sillage d’un coureur, les questions ont fusé dans la communauté des runners, en France comme outre-Atlantique, où la pandémie fait également rage. Interrogés sur l’opportunité de s’équiper d’un masque pour courir, les experts américains apportent des éléments de réponses.
Les adeptes de la course à pied n’ont pas attendu les recommandations pour le moins floues- et tardives – du gouvernement français pour se demander si en cette période d’épidémie, ils ne devraient pas se protéger, et surtout protéger les autres, en portant un masque – standard ou fait maison – le temps de leur sortie sur les sentiers ou trottoirs. Mais est-ce vraiment une bonne idée ?
À première vue, le raisonnement « mieux vaut porter un masque, même artisanal que rien », fait sens ici, puisque la plupart des coureurs, notamment urbains, seront forcément amenés à croiser d’autres personnes. Dès lors, pourquoi ne pas pécher par excès de prudence ? Mais est-il judicieux de couvrir nos voies respiratoires avec des filtres, faits maison ou pas, pendant les périodes d’effort physique ? Le port d’un masque pendant l’exercice physique ne fait-il que remplacer un risque pour la santé par un autre, en rendant la respiration plus difficile ?
Un masque humide devient inutile
« C’est une vraie question « , répond le Dr Sarah Doernberg, professeur associé à l’Université de Californie à San Francisco, spécialiste des maladies infectieuses. « Se couvrir le nez et la bouche pendant l’effort peut entraîner d’autres problèmes médicaux – sans compter que votre masque va se mouiller. Dès lors, il ne sera plus efficace ». Bien qu’elle avoue n’avoir pas tous les éléments sur ce point, la scientifique craint également que le fait de se promener avec un chiffon humide sur le visage exacerbe le problème de la contagiosité. Ce qui va dans le sens du Dr Louis-Philippe Boulet, professeur de cardiologie et de pneumologie à l’université Laval de Québec, qui a récemment déclaré au New York Times que « respirer à travers un chiffon humide a tendance à être plus fatigant » et que les masques humides « perdent également leur efficacité antimicrobienne ».
Sarah Doernberg ajoute que, bien que nous ignorions encore beaucoup de choses sur la possibilité de transmettre le COVID-19 par un contact occasionnel fugace – croiser quelqu’un dans la rue par exemple- la majorité des infections semblent se produire lors « d’interactions plus soutenues et de contacts étroits » – c’est-à-dire en passant plusieurs minutes à proximité d’une personne infectée. Elle ajoute toutefois que les coureurs doivent s’efforcer de faire de l’exercice à distance. La situation idéale, dit-elle, est de « courir dans un endroit où vous n’avez même pas besoin de penser à porter un masque, parce que vous êtes seul ». Facile à dire en dehors des grandes villes, plus complexes pour la plupart d’entre nous.
Fuir les sentiers bondés
Le Dr Linsey Marr, qui étudie la transmission des maladies par voie aérienne à l’Université Virginia Tech, affirme pour sa part que les coureurs doivent maintenir autant de distance que possible avec les autres – c’est un fait analysé dans une première étude publiée récemment, voir notre article du 12 avril, ndlr– mais ces travaux doivent être complétés et nous n’avons pas encore suffisamment de preuves pour exiger qu’ils portent également un masque, selon elle.
« Il me semble difficile pour un athlète de courir avec un masque, mais si vous êtes dans un endroit peu fréquenté et que vous vous écartez des personnes que vous pourriez rencontrer, je ne pense pas qu’il soit nécessaire de le faire », explique Linsey Marr.
Mais que faire si votre seule option de course possible se résume à slalomer entre coureurs et piétons ? Si vous faites partie de ces chanceux qui arrivent à courir avec un masque sans que cela ne se transforme en un calvaire humide et insupportable, alors pourquoi pas. Mais mieux vaut sans doute faire preuve de créativité dans votre parcours, quitte, pour l’instant, à délaisser votre sentier préféré autour du lac ou du canal pour des chemins peut-être moins poétiques mais aussi moins fréquentés. Car, comme le rappelle le Dr Doernberg : « Le message général que j’essaie d’envoyer est que le plus important est d’être physiquement éloigné et de se laver les mains. Se couvrir le visage est destinée aux situations où ce n’est pas possible. Et surtout, cela ne vous autorise pas à vous mettre en situation à risque et à vous dédouaner des gestes barrières. »
Article publié le 16 avril 2020, mis à jour le 11 mai 2020.
Photo d'en-tête : Tikkho Maciel