A peine rentré de sa traversée de l’Arctique en pleine nuit avec l’aventurier norvégien Borge Ousland, l’infatigable Mike Horn rejoue sur scène le quotidien des explorateurs polaires. A la fois hilarant, captivant et touchant, le plus suisse des Sud-Africains assure un service après-vente de haute-volée. Outside a assisté à sa grande première au théâtre de Beausobre de Morges, en Suisse. Courez-y !
Déviation : « Manifestation », indique un panneau face au théâtre. En Suisse, cela ne signifie pas forcément une révolte contre la politique sociale du gouvernement. Ici, « manifestation » semble indiquer la présence d’un mec hors du commun qui donne une conférence à laquelle beaucoup se ruent. A peine entrées dans le hall du théâtre de Beausobre de Morges – dans le canton de Vaud, au bord du lac Léman – Jessica et Annika, les deux filles de Mike Horn, assurent la vente des livres et produits dérivés de leur iconique paternel. Elles, que leur aventurier de père a emmenées au pôle Nord à la place de Disneyland, signent des autographes avec le sourire. On pénètre dans la salle du théâtre, il est 13h59. Une minute plus tard, réglées comme une montre helvétique, Jessica et Annika entrent en scène pour introduire l’acteur principal du one man show, Mike Horn, qui entame un cycle de conférences (payantes) à Morges et à Genève.
« Comment tu fais pour pisser sur la banquise avec cinq couches de moufles ? », lance, en français, l’explorateur sous les rires du public. L’aventurier a le sens de la formule et son accent sud-africain renforce la sympathie que le public lui renvoie. Avec lui sur scène, Mike a apporté sa luge, sa tente, sa doudoune, ses bâtons, ses moufles, sa gamelle et sa gouaille. « On boit douze litres d’eau par jour, six le matin et six le soir, entre temps le thermos nous accompagne mais reste à peu près chaud pendant deux heures seulement », explique-t-il, rajoutant que la perte d’eau par transpiration avoisine les 1,5 litre par jour. « On doit donc forcément en évacuer par l’urine », sourit-il. L’épisode des moufles à enfiler et à retirer est un régal de comique de scène avec les mimiques qui l’accompagnent. « Imagine-toi quand t’as une envie pressante, c’est l’enfer ! Cette première couche sert à la chaleur, celle-là contre l’humidité, celle-ci comme coupe-vent, celle-là c’est la Gore-Tex – d’ailleurs, ne croyez pas que c’est parce que vous la payez 800 balles qu’elles sont efficaces, non, c’est de la connerie, ça marche pas en condition extrême – et cette dernière couche est celle étanche et coupe-vent en même temps », détaille l’explorateur.
« Tiens ! Attrape mes chaussettes ! »
D’autres explications suivent pour l’ensemble de son équipement qu’il passe en revue, n’hésitant pas à jeter au public certaines pièces : « Tiens, ce sont mais chaussettes. Fais passer ! » ou encore « Attrape ma doudoune, elle pue peut-être un peu, désolé », ose-t-il devant son assemblée, sous le charme. L’épaisseur de son matelas est bluffante de finesse, on frissonne rien que d’imaginer que ces seuls centimètres d’épaisseur le séparaient de la glace. « Croyez-moi, tu te les gèles vraiment dans la tente ! », précise-t-il au cas où nous en douterions.
Beaucoup de petites pépites à découvrir tout au long des deux heures de scène, notamment l’anecdote du gant « spécial ours ». Obligatoire lorsqu’on dort dans la tente ou que l’on mange, au cas où l’un de ces plantigrades viendraient renifler d’un peu trop près les odeurs des deux aventuriers, ce gant ressemble à une moufle hybride où seuls deux doigts restent libres : le pouce et l’index pour tirer la gâchette des fusées éclairantes faisant fuir les ours.
On ne voit pas le temps passer, Mike enchaine les anecdotes comme un acteur comique professionnel, des toilettes dans la tente en compagnie de son ami Borge Ousland – « Tiens on dirait que je suis constipé sur cette photo » – à l’urine qu’il faut évacuer dans son sac de couchage – « en visant bien » – et qui se transforme en bouillotte naturelle, tout y passe.
« C’est un peu chiant, non ? »
Même les pires moments de sa vie se transforment en réjouissantes anecdotes comme ce passage dans une prison russe, survenu lors de l’expédition Arktos autour du cercle polaire arctique (2002-2004), où son imagination fut mise à l’épreuve pour concevoir une nouvelle casserole d’expédition. « Au pôle Nord, vous n’avez pas d’iPhone, ni Waze, ni Google Map, on utilise simplement ces rubans attachés à nos bâtons pour se diriger en fonction de l’orientation du vent », explique-t-il. Le public applaudit.
« C’est un peu chiant, non ? », lance le show man. Hilarité générale. Et d’enchaîner en demandant un volontaire parmi les enfants : « pas toi, t’es trop grand !». Celui qu’il invite sur scène joue le rôle d’une broche à glace pour expliquer la difficulté de monter une tente en pleine zone ventée. En moins de trois minutes, c’est bouclé, mais Mike souligne avec sérieux que le moindre faux pas dans cette manœuvre conduit à l’envol de la tente et à la mort des deux explorateurs. Coup de froid dans la salle. « Alors que t’as juste envie de boire un coup à l’intérieur ! », blague-t-il, visiblement aussi à l’aise sur scène que sur la banquise.
Même s’il semble parfois ne pas trouver le bon mot français pour qualifier un sentiment, le discours de Mike Horn fait toujours mouche. Ponctuant son intervention du célèbre adage « si tes rêves ne te font pas assez peur, c’est qu’ils ne sont pas assez grands », l’aventurier « tient » son public, toutes générations confondues. « Là-bas, c’est marche ou crève ! T’as pas le choix, comme lors notre dernière semaine, très difficile (en décembre 2019, ndlr), les rations venant à manquer », se souvient-il.
La vidéo de la chute de Mike dévoilée
En prélude d’une explication sur l’utilité des jumelles thermiques permettant de déterminer l’épaisseur de la glace, Mike Horn dévoile une vidéo de Borge Ousland, son partenaire lors de sa dernière expédition dans l’Arctique, le filmant en train de tomber dans l’eau glacée après la rupture de la glace. Effrayante ! « J’ai dit à Borge de ne surtout pas s’approcher de moi, de me laisser partir, mieux vaut un mort que deux », avoue le Suisse d’adoption dans un silence pesant.
Puis, Mike poursuit son one man show sur un ton plus positif. « On n’a pas eu de soleil 80% du temps puisque la terre est ronde et que l’on se trouvait au pôle Nord où les rayons ne viennent pas nous réchauffer », explique-t-il en moquant ceux qui pensent encore que la terre est plate « Moi je sais ! Un jour, je suis parti de chez moi par la porte d’entrée, j’ai marché, marché, marché tout droit pendant deux ans et je suis revenu par la porte de derrière ! ». La preuve par les faits, bravo ! Jeu, set et match, Monsieur Horn.