C’est à 21h26, aujourd’hui, samedi 26 juin, que le Corse de 34 ans, a franchi la ligne d’arrivée à Conca. A l’issue de 30 heures 26 minutes et 15 secondes de course sur le mythique sentier corse. Il détrône ainsi François D’Haene dont le record restait intact depuis 2016. Un incroyable exploit !
Parti hier, vendredi 25 juin à 15h00 de Calenzana, au nord-ouest de la Corse, Lambert Santelli s’était fixé comme objectif d’arriver à Conca, au sud-est aujourd’hui, à 21h30. Et surtout de passer en dessous de la barre des 31h06 que, cinq ans plus tôt, François D’Haene avait fixée pour cette traversée de l’île. A savoir 180 kilomètres et 13 800 mètres de dénivelé positif, pimentés par des passages très techniques avec de nombreux pierriers, l’un des sentiers de grande randonnée parmi les plus difficiles de France. Mission accomplie ce soir avec un superbe chrono : 30 heures 26 minutes et 15 secondes. Nouveau record à battre.
40 minutes de moins que François D’Haene
Or tous ceux, et ils étaient très nombreux, sur l’Île de beauté comme sur le continent, qui ont suivi son parcours au fil des heures, n’ont pu que constater, sidérés, que le Corse de 34 ans parvenait à gérer les temps de passage qu’il s’était fixés. Mieux, il grignotait les minutes et enfilait les kilomètres. Au point que c’est à 21h26, aujourd’hui, qu’il est arrivé sous les applaudissements nourris d’un public, qui tout au long de cette fabuleuse course l’aura soutenu sans faille. Un public convaincu que les records des plus grands étaient faits pour tomber et si possible par du sang neuf.
Dans l’île tous se souvenaient encore avec émotion qu’en 2014, c’est un autre Corse, Guillaume Peretti, qui pulvérisait le record détenu depuis 2009 par Kilian Jornet, en affichant 32 heures au chrono, contre 32 heures, 54 minutes et 2 centièmes pour le Catalan. Kilian n’avait alors que 21 ans et n’était pas encore l’ultra traileur que l’on connait aujourd’hui, mais la performance était déjà énorme.
Si l’on ajoute enfin que la victoire de Lambert Santelli intervient presqu’un an après la tentative malheureuse de Xavier Thévenard – triple vainqueur de l’UTMB, qui en juillet 2020 n’avait pu boucler le sentier qu’en 32 heures et 33 minutes en juillet dernier – elle n’en a que plus de valeur. Parmi ses pacers ce jour-là, un certain … Lambert Santelli. Le jeune Corse connait donc le sentier comme sa poche, mais nul doute que l’expérience vécue auprès du Jurassien aura nourri sa stratégie sur cette course qu’il aura parfaitement maîtrisée du début jusqu’à la fin.
Rien d’étonnant peut-être pour ceux qui auront suivi la carrière d’un athlète comptant déjà un beau palmarès à son actif, alors qu’il ne court que depuis dix ans. Originaire de Bastia, ce restaurateur installé à Lavatoggio s’est mis à la course à pied en 2011 dans l’objectif de perdre du poids, encouragé par un frère champion de boxe. Mais en 2012, il découvre que le trail est aussi un sport que l’on peut pratiquer en compétition. Il se prend au jeu, et enchaîne les courses à domicile, comme le Challenge Muntagne Corse, ou encore la Restonica Trail. Très vite, les podiums s’enchaînent : deux victoires à l’Ultra Trail di Corsica, une au Trail de La Sainte Beaume, un top 5 à la Transgrancanaria, au Marathon du Mont Blanc ou encore à la Madeira Island Ultra Trail. La dernière victoire du licencié du RC Furiani remontait à 2019, lors du trail de Bourbon à la Réunion. Rien de majeur depuis, la crise sanitaire ayant eu raison des compétitions et de son entraînement habituel. Lambert Santelli confiait d’ailleurs s’être principalement entraîné à vélo cet hiver, en réalisant un Tour de Corse – 650 kilomètres et 7500 mètres de dénivelé en 3 jours – puis en explorant au mieux le GR20 ce printemps, lors de sorties de 10 à 15 heures par jour. Une approche très personnelle. Et très efficace !
Ce n’est pas la victoire d’un homme, c’est la victoire de tout un collectif
Lambert Santelli
De Xavier Thévenard à Kilian Jornet, 14 ans de défis sur le GR20
- 2020 : Xavier Thévenard. Sa performance, 32 heures et 33 minutes, est impressionnante, mais elle ne lui permet pas de prendre la tête du classement sur le GR20. Confronté à un terrain très technique et à une chaleur intense, l’enfant du Jura a du mal à récupérer d’une nuit éprouvante, après avoir pourtant pris de l’avance pendant les premières heures de sa course. Interviewé quelques jours avant son départ par Outside, il avait partagé son état plein « d’incertitudes », lié au fait qu’il « n’avait jamais couru plus de 24 heures ».
- 2016, François D’Haene. Le champion impose un nouveau chrono 31 heures, et 06 minutes. Lui qui visitait régulièrement l’Île de Beauté en vacances depuis 10 ans n’est pourtant pas originaire de Corse, mais vient de Chambéry, où il a vécu pendant 20 ans. Avant de se lancer à l’assaut du GR20, François D’Haene collectionnait déjà les médailles d’or depuis plusieurs années : Grand Raid, Ultra-Trail Mont Fuji, 80km du Mont-Blanc, Ice Trail Tarentainse, Ultra-Trail du Mont-Blanc… Loin d’être un débutant à l’époque, il a néanmoins réussi à détrôner tous ses concurrents pendant cinq ans et restait donc le recordman actuel … jusqu’à l’arrivée dans la course de Lambert Santelli, ce 26 juin 2021, à 21h26 à l’issue de 30h26* de course, le nouveau chrono à battre.
- 2014 : Guillaume Peretti. Le 7 juillet 2014, il traverse le GR20 en tout juste 32 heures de course et devance donc Kilian Jornet de 54 minute : une fierté immense car cette fois, le recordman est un fils de l’île. Le « coureur de Cervione » avait avoué avoir terminé son parcours en pleurant sur les 4 ou 5 dernière heures avant l’arrivée, et garde un souvenir douloureux de cette course – qui, par ailleurs, était sa première tentative.
- 2009 : Kilian Jornet. C’est le premier athlète à établir un record aussi performant sur le GR20. « L’ultraterreste » parcourt les 180 kilomètres du parcours en 32 heures, 54 minutes et 2 centièmes – soit 4 heures de moins que l’ancien record, détenu par Pierrot Santucci en 2006. Kilian n’avait alors que 21 ans et était encore étudiant. Sa plus longue pause sur le parcours ? Un arrêt de 20 minutes, pour se restaurer et se reposer, avant d’entamer la partie nocturne – la plus éprouvante. « C’est un parcours très technique qui demande une concentration permanente », avait-il déclaré à l’arrivée aux journalistes de Corse Matin. « C’est ce que j’ai fait de plus difficile jusqu’à maintenant », devait-il avouer alors.