« Qui était ce type assez fou pour grimper sans corde ni partenaire ? », s’interroge le réalisateur Nils Martin. Grimpeur lui aussi, la trentaine, il découvre Patrick Edlinger via Jean-François Lignan, aka « Poil », son prof d’escalade, ami d’enfance de celui qu’on a longtemps considéré comme le meilleur grimpeur du monde, décédé en 2012. Son témoignage, mais aussi ceux d’Antoine Le Menestrel, Catherine Destivelle, Nadine Rousselot, Gaëtan Aubry ou Jean-Lou Granville nourrissent ce portrait de 50 minutes étayé de nombreuses images d’archives. A découvrir jusqu’au 11 février.
Il serait dommage de s’arrêter à la première minute du documentaire de Nils Martin. Car après une introduction un peu lourde, le réalisateur entre dans le vif du sujet et nous plonge dans l’étourdissant parcours d’un grimpeur qui aura marqué des générations entières : Patrick Edlinger – ange blond, torse nu et bandana rouge – devenu star à 22 ans, au lendemain de la diffusion en 1982 de « La vie au bout des doigts «, de Jean-Paul Jansen. Un documentaire qui conduisit aux pieds des falaises des centaines d’aspirants à l’ivresse de la grimpe, bien des années encore après la mort en 2012 de celui qu’on surnommera « Capitaine Maximum. »
La trentaine, Nils Martin fait partie de ceux qui le découvrent par les yeux des autres. « Je pensais que l’escalade c’était juste un sport, jusqu’au jour où on m’a raconté l’histoire d’Edlinger » dit-il dans le documentaire qu’il lui a consacré. Cette histoire, devenue légende, le réalisateur la tient de Jean-François Lignan, alias « Poil », son prof d’escalade, camarade de grimpe de « Le Blond ». « On était libres et on ne se posait pas la question du lendemain. Le lendemain on allait grimper, et on était heureux », se souvient-il. « Il était super bon dans l’équilibre, le placement des pieds, dans la souplesse, lorsqu’il était jeune. Puis il a développé une force musculaire », raconte pour sa part Robert Exertier, ami d’enfance d’Edlinger.
Au fil des témoignages, le réalisateur remonte le temps, et nous conduit sur les traces du grimpeur qui a marqué l’histoire du solo intégral. Débuts du prodige, ses 400 coups avec Patrick Berhault, son entrainement dément, son style inimitable, ses ouvertures magistrales, son arrivée dans le circuit de la compétition, sans parler bien sûr de sa propulsion soudaine sur la scène médiatique qui lui vaudra la gloire et quelques apparitions aux cinémas, notamment aux côtés de Niels Arestrup et Claude Brasseur dans « Les loups entre eux », de José Giovanni. « Le cinéma est, dans la ligne de vie que je me suis fixée, un détour agréable pour rencontrer un milieu différent », confiait alors un Edlinger qui en mettant en scène son image devint le premier grimpeur à vivre de sa passion.
De quoi susciter la fascination du grand public découvrant ses solos dans les pages de Paris Match mais aussi quelques rancoeurs chez des grimpeurs talentueux restés dans l’ombre d’un Edlinger omniprésent. : « C’était pas toujours facile », se souvient Antoine Le Menestrel. « Patrick empruntait des voies très difficiles. Même si nous faisions les mêmes choses, nous passions inaperçus », « On était tout un groupe et, quand il y a une star, on devient transparent. C’était un trou noir, il absorbait tout. J’ai été choqué que les médias ne relayent pas ce que nous faisions aussi. »
Mais avec la mort en montagne en 2004 de Patrick Berhault, son compagnon de tous les extrêmes, rien ne sera vraiment plus pareil pour Edlinger, raconte sa compagne Matia, grimpeuse elle aussi. La maladie et surtout un banal accident, une chute dans son escalier, le feront disparaitre de la scène à 52 ans, en 2012. Plus de dix ans plus tard, reste l’image d’un précurseur, épris de liberté, aspirant à une vie minimaliste qui en inspire encore plus d’un aujourd’hui. Et puis, bien sûr, des images de « Arrowhead », « Verdon forever », « Opéra vertical », « La cordée de rêve », sans parler de l’incontournable « La vie au bout des doigts » qu’on revoit toujours avec plaisir, émotion, voire sidération. Notamment, à la minute 24 : 35 de ce documentaire de 52 minutes, disponible en libre accès sur France 3 jusqu’au 11 février.
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