La rando comme « activité de prévention des maladies », voici un effet secondaire de l’épidémie pour le moins inattendu dans la ville chinoise où, le week-end, les citadins arpentent désormais en masse les sentiers de la péninsule afin de soulager un stress qui va croissant depuis janvier. Un soudain engouement qui provoque au passage de gigantesques embouteillages aux abords des sentiers.
« 8 choses que vous pouvez encore apprécier à Hong Kong en dépit des problèmes de coronavirus » titrait la semaine dernière « Discover Hong Kong », site répertoriant les sorties locales. «Certaines attractions de Hong Kong peuvent être temporairement fermées afin de prévenir et de contrôler la propagation du coronavirus, mais il existe encore de nombreuses expériences fantastiques que vous pouvez explorer si vous prévoyez de visiter la ville. Qu’il s’agisse de goûter à la cuisine locale ou d’explorer les grands espaces, voici quelques idées pour un séjour sain et heureux à Hong Kong », expliquait le guide sur un ton résolument guilleret.
« Faites une randonnée! »
Parmi les suggestions, la visite du célèbre Victoria Peak – le point le plus élevé de l’île, aussi exotique pour un habitant de l’île que l’ascension de la Tour Eiffel pour un Parisien – une balade dans la baie en ferry, en bord de mer ou dans un parc, un tour des restaus locaux, mais aussi « faites une randonnée !». Et le site d’expliquer que « Hong Kong possède des sentiers vraiment fantastiques qui offrent littéralement une bouffée d’air frais. Dragon’s Back, par exemple, est particulièrement populaire et offre des vues fantastiques ainsi qu’un chemin menant à la plage de Big Wave Bay. Nous vous recommandons également le MacLehose Trail, que le National Geographic a reconnu comme l’un des 20 Dream Trails du monde ».
On ne sait si le week-end dernier les ferrys ont coulé sous le nombre de passagers, ni si les restaurants ont affiché complet, mais ce qui est sûr c’est que jamais les sentiers n’ont été aussi fréquentés. En témoignent les innombrables photos et vidéos de sentiers bondés postés sur les réseaux sociaux. De longues files d’attente ont ainsi été repérées sur des sommets célèbres tels que Lion Rock, Devil’s Peak et Tai Mo Shan, tandis que sur les routes avoisinantes, les voitures étaient pare-chocs contre pare-chocs.
« SVP, ne jetez pas les masques faciaux »
Cette soudaine passion pour la nature, bien compréhensible quand on sait que les Hongkongais vivent sous la menace de l’épidémie de coronavirus depuis plus deux mois maintenant, serait salutaire … n’était la quantité de déchets jetés par ces randonneurs d’un jour. Bouteilles en plastique vides, paquets de cigarettes et surtout des centaines de masques faciaux usagés ont été collectés par les bénévoles d’ONG environnementales locales. L’invasion est telle, que dans certaines zones, notamment le long du sentier s’étendant du village de So Kwun Wat au réservoir de Tai Lam Chung – l’un des sites les plus populaires pour la randonnée – les habitants ont placardé des panneaux sur lesquels on pouvait lire « S’il vous plaît, gardez la campagne propre. Ne jetez pas de déchets, ni de masques faciaux ».
Des déchets médicaux que l’on retrouve également aujourd’hui en masse aux abords des plages, s’inquiète Oceans Asia, une ONG environnementale. « La population a vraiment été initiée à l’utilisation de masques chirurgicaux il y a environ six semaines », explique Gary Stokes, son directeur, à Green Queen, site spécialisé dans les questions environnementales. « Nous en voyons maintenant les effets. Or les masques polluant nos côtes peuvent être pris pour de la nourriture par la vie marine qui habite nos eaux, notamment les tortues, les dauphins et les marsouins. Une fois ingérés par les animaux marins, ils peuvent bloquer leur appareil digestif et finir par les tuer. »
Fuir les minuscules appartements
Une source de stress supplémentaire qui s’ajoute aux tensions que vivent les habitants du centre financier asiatique depuis le début de l’épidémie, début janvier. L’île de 7,5 millions d’habitants ne compte à ce jour « que » 101 patients testés positifs pour le virus, dont deux sont décédés, mais les Hongkongais seraient en effet en proie à une anxiété croissante et à un niveau sans précédent de problèmes de santé mentale, selon CNA (Channel news Asia)
L’épidémie de coronavirus est survenue après des mois de violentes manifestations anti-gouvernementales qui ont déjà conduit à une forte augmentation de la dépression et du syndrome de stress post-traumatique (SSPT), expliquent les experts en santé. Par ailleurs, à Hong Kong personne n’a oublié qu’en 2003 le SRAS avait fait quelque 300 victimes dans la ville. Depuis près de deux mois, des dizaines de milliers de personnes sont condamnées à travailler à domicile. Beaucoup sont enfermées dans de minuscules appartements où les enfants, privés d’école suite à la fermeture massive des établissements scolaires, doivent se débattre avec l’enseignement en ligne.
Dès lors, pour les Hongkongais, prisonniers d’une ville surpeuplée tenue sous cloche, passer quelques heures sur un sentier s’impose comme une indispensable bouffée d’air. Plus vitale que jamais.
Photo d'en-tête : viraj-rajankar/ unsplash.