Au cours d’un déplacement à Chamonix « placé sous le signe de l’écologie », le Président français a pu rencontrer ce jeudi des scientifiques et les élus locaux, et constater par lui-même l’impact du réchauffement climatique sur les glaciers. Quelques annonces ont été faites, notamment en matière de biodiversité. Mais sont-elles vraiment en adéquation avec les graves problèmes environnementaux auxquels nous sommes confrontés ? On est sérieusement en droit d’en douter.
À quelques semaines du premier tour des municipales, Emmanuel Macron vire au vert et se prend de passion pour l’écologie, sujet porteur s’il en est, qui devrait être l’un des axes forts de sa deuxième partie de son quinquennat, si l’on en croit ses déclarations. On peut regretter que l’urgence en la matière ne lui ait sauté aux yeux dès la première partie de son mandat, mais soit ! Au-delà des intentions et des mots, qu’en adviendra-t-il concrètement ? Pour l’heure, Emmanuel Macron joue du symbole, à défaut de faire toujours payer les pollueurs, il s’est donc rendu ce jeudi 13 février à la Mer de Glace, accompagné de glaciologues et d’experts qui lui ont exposé la situation dramatique dans laquelle nos glaciers se trouvent aujourd’hui. « Je n’imaginais pas une fonte aussi rapide, c’est impressionnant. On se rend compte comment les non-décisions ont fait en arriver là », a-t-il déclaré. Sans s’étendre toutefois sur l’identité des responsables, oubliant sans doute qu’il est lui-même au gouvernement depuis 2014.
Après cette visite, Emmanuel Macron a donné une première allocution à Chamonix, où il était plus question de grands constats que de mesures concrètes. Il a enfin terminé la journée à Saint Gervais, où il a rencontré les élus locaux et notamment le maire de la commune, Jean-Marc Peillex, connu pour son engagement contre les dérives qui touchent le plus haut sommet des Alpes.
Renforcer la réglementation pour l’ascension du Mont Blanc, suffisant ?
Si l’ascension du Mont Blanc est toujours plus populaire chaque année, et que la masse d’alpinistes en herbe pose des problèmes de surfréquentation (le refuge du Goûter est saturé notamment), les incivilités et autres projets insensés ne cessent d’augmenter. L’été 2019 a été particulièrement frappant : jacuzzi transporté au sommet, rameur laissé à l’abri de détresse Vallot (4 362 m) par un Britannique – le projet était le monter jusqu’en haut, le père russe voulant faire l’ascension avec son fils de 10 ans alors même que la météo était exécrable…
Dans ce contexte, renforcer la réglementation peut sembler cohérent, et même nécessaire. Mais cela ne doit pas faire dévier le regard vers d’autres problèmes, peut-être plus profonds encore. Parmi ceux-là, la pollution de l’air dans la vallée du Mont Blanc, due entre autres à la forte circulation de poids lourds. Interrogé par le Dauphiné Libéré sur cette question, le Président français a préconisé une action à l’échelle européenne, et déclaré : « Je ne peux pas interdire aux camions de passer ». Certes. Encore que l’écotaxe abandonnée en 2017 aurait pu apporter un début de réponse, sans parler de renforcer le transport ferroviaire de marchandises, à l’instar de nos voisins suisses. Dès lors la réponse présidentielle semble un peu courte.
La création de l’Office français de la biodiversité, une « police de la nature »
Enfin, Emmanuel Macron a lancé officiellement l’Office français de la biodiversité (OFB), une sorte de bras armé devant permettre de faire respecter toutes les règles environnementales en vigueur. L’OFB est en réalité une fusion de deux organismes qui existaient déjà : l’Agence française pour la biodiversité, dont le rôle était d’étudier les espèces et de s’occuper des aires protégées, et l’Office national de la chasse.
Lutte contre le braconnage ou contre la pollution de l’eau, les 1 900 agents de l’OFB vont voir leurs prérogatives renforcées, mais s’agissant des moyens par contre, le chemin est encore long, et c’est un euphémisme. En effet, ce nouvel organe aura des moyens moins importants que si l’on additionnait les deux budgets des deux entités condamnées à fusionner. Dans le même temps, si cette initiative doit permettre de mieux protéger notre environnement, le gouvernement est en train de progressivement privatiser l’ONF (Office National des Forêts), en ouvrant de plus en plus la voie à l’embauche d’agents de droit privé (contractuels) au détriment des fonctionnaires dont les effectifs ne cessent de diminuer, passant de 15 000 personnes en 1985 à 9 000 aujourd’hui. .
Il n’en fallait pas moins pour que ses adversaires politiques d’une part, mais aussi des ONG, Greenpeace France et Oxfam France en tête, l’accusent de « greenwashing » et de surfer sur la vague verte. Compte-tenu du bilan du gouvernement Macron en matière d’environnement et de l’absence de mesures fortes à ce jour, on est en droit de partager leur sentiment, d’autant que hier encore les annonces présidentielles n’étaient pas plus convaincantes.
De nouveaux parcs, mais quels moyens ?
Le Président a en effet annoncé mercredi 12 février, lors du quatrième conseil de défense écologique, sa volonté d’augmenter les aires protégées de 20% du territoire actuellement à 30% d’ici 2020. Cela conduira notamment à la création de quatre nouveaux parcs naturels régionaux : au Mont Ventoux, dans la Baie de Somme, mais aussi en Occitanie avec le parc de Corbières-Fenouillèdes et en Région Bourgogne Franche-Comté avec le parc de Doubs-Horloger.
Alors que le onzième parc national a vu le jour en novembre dernier entre la Bourgogne et la Champagne, Emmanuel Macron veut étendre encore un peu plus ces zones protégées. A priori, on ne pourrait que s’en réjouir. Mais derrière ces mesures, se pose la question des moyens mis en oeuvre pour mener à bien cette politique. Et ils sont pour l’heure en nette baisse, ce qui a provoqué la colère du personnel des parcs nationaux français. Le Syndicat national de l’environnement (SNE-FSU) a d’ailleurs noté une baisse de 21% des effectifs dans le Parc des Écrins en une dizaine d’années.
« Make our planet great again », soit, mais encore faut-il s’en donner les moyens, et on doute qu’ajouter de nouvelles zones protégées sans fournir le personnel et le matériel nécessaires pour s’en occuper soit très judicieux. Or, surprise !, des débats en matière de financement longtemps tabous resurgissent aujourd’hui Étudiée dans un rapport d’experts en 2018, reprise par Nicolas Hulot lorsqu’il était encore en poste, l’idée de faire payer l’accès aux parcs nationaux revient sur la scène. Un virage clair vers le modèle américain, qui est loin de faire l’unanimité on s’en doute. Frédéric Goulet, agent au parc national des Écrins et responsable SNE-FSU, cité par Le Monde explique ainsi : « Si on veut amener les gens à s’intéresser aux parcs, à comprendre les enjeux [de biodiversité], ce n’est pas en faisant payer l’entrée qu’on y arrivera« . Un pas en avant, trois pas en arrière ? Les mois à venir permettront d’en juger.