Un pasteur runneur, une slackline anti Trump et un surfeur givré … cette année la sélection française du Banff, festival de films made in Canada, joue à fond la carte de l’éclectisme. Mais au-delà des exploits et des belles images – désormais au menu de la plupart des festivals d’aventure dignes de ce nom – la tournée française n’hésite pas à parler politique et sujets de société. Une belle cuvée 2020 donc, 6 films à découvrir du 9 mars au 3 avril, dans 22 villes françaises.
« The running pastor » : Il prie, il écoute et il court
Le pasteur Sverri vit dans les Îles Féroé, un paradis sublime et rude dont il connait chaque sentier. Accompagné de son chien, quel que soit le temps, pluie, neige ou brouillard, il enchaine les dénivelés, longe les falaises sur des dizaines de kilomètres « pour supporter la charge morale de mon office » explique-t-il. Mais aussi pour « sentir que la nature peut te prendre, ça me rappelle ce que je suis », confie-t-il. « Je ne suis pas si fort, elle peut m’anéantir en un instant ». Les images sont superbes, et sa parole profonde. A voir absolument.
(2019, USA, 9 minutes) Réalisation : Tim Kemple, Camp4 Collective.
« The imaginary line » : contre le mur de la honte
En février 2019 le gouvernement Trump met son programme électoral à exécution: endiguer, voire stopper net l’immigration mexicaine. La chasse aux migrants s’intensifie et alors que le Président bataille pour décrocher les fonds nécessaires à la construction d’un mur séparant les Etats-Unis du Mexique, des highliners lancent, eux, un projet fou : installer une slackline entre les deux pays en s’appuyant sur deux petites équipes de slackers réparties de part et d’autre d’un profond canyon. Descente du Rio Grande en canoe, repérages en kayak et installation de la slack de l’union. Moments émouvants et symboliques.
(2019, USA, 11 minutes) Réalisation : Kylor Melton Film.
« Charge » : de la glisse …
« Quatre des meilleurs freeriders accompagnés du champion du monde de pilotage de drone sont déposés à Chatter Creek, en Colombie-Britannique. Leur mission : s’éclater le plus possible dans la profonde poudreuse des montagnes canadiennes », explique le Banff Festival. Soit. Mais encore ? Au final, cinq minutes de glisse et une overdose de drone. Mais aucune émotion. Dommage. A-t-on encore besoin de films de ce type?
(2019, Canada, 5 minutes) Réalisation : Mike Douglas, Mike Gamble, Anthony Bonello, Switchback Entertainment.
« Home » : De la sueur et des larmes
Cette fille est sacrément gonflée : entre 2011 et 2015, la britannique Sarah Outen a réalisé, seule, un tour du monde en vélo, en kayak et à la rame. Au total : 32 000km à la seule force de ses muscles. Et surtout de son mental. Sarah a beau avoir ramé dans l’équipe d’Oxford, elle se rend vite compte qu’elle a placé la barre très haut en comptant boucler son périple en deux ans. Il lui en faudra plus du double. Quatre ans et demie de souffrance et de plaisir. Sans parler des doutes. Réalisé par une femme, son amie Jen Rendall, le film a l’infinie délicatesse de montrer les failles de cette petite femme, véritable force de la nature. Sarah n’est pas aussi glamour que Mike Horn, elle n’atteint pas tous ses objectifs, mais elle nous touche. Et ça, c’est très fort.
(2019, Canada, 47 minutes) Réalisation : Jen Randall, Light Shed Pictures.
« Surfer Dan » : ce type est dingue
“Désolé si je suis un peu foireux et ringard”, s’excuse en souriant Dan, surfeur vivant dans la ville de Marquette, dans l’Etat américain du Michigan. Ce type là, on l’excuse tout de suite, tant il est vivant et vraiment pas foireux. Mais un peu cinglé, oui. Son terrain de jeu, c’est le Lac Supérieur: 82 000 km2. Une vraie mer intérieure, chahutée de vagues glacées au coeur d’un hiver sans fin. Plongeant dans une eau constellée de mini icebergs, Dan se lance dès que possible dans le surf, sa raison de vivre, celle qui l’a sorti de l’alcool. “J’ai hérité d’un brin de folie de ma famille”, explique-t-il. Chez lui, les hommes sont des “iron workers”, ces ouvriers qui ont construit les ponts et les gratte ciels de l’Amérique. Des fous, des pros, flirtant avec la mort sur d’étroites poutrelles métalliques.
A leur image, Dan prend tous les risques et il aime ça. “Des morceaux de glace tombent sur ma tête, l’eau glacée rentre dans ma combi, c’est la course pour attraper la vague avant qu’elle se fige. C’est une quête sans fin, une aventure”, raconte le surfeur.
“Si je vois que quelqu’un galère, je l’emmene surfer. Et il va mieux. J’aimerais que tout le monde surfe”, conclue-t-il. A le voir, on est bien d’accord.
(2018, USA, 8 minutes) Réalisation : Tim Kemple, Camp4 Collective.
« The Ladakh project » : Mais qui est Noria Norman?
Elue meilleure kayakiste extrême en 2019, la Française Nouria Newman s’est lancée sur les eaux tumultueuses de l’Himalaya Indien, casque Redbull sur la tête. Sept jours, trois rivières, des rapides à n’en plus finir. Une performance incontestable, mais on cherche encore l’émotion. Ce film de 13 minutes ne nous a pas laissé la chance de nous connecter avec cette athlète exceptionnelle.
(2019, Austria, 13 minutes) Réalisation : David Arnaud, Corinna Halloran, Red Bull Media House.
« Hunza » : du ride de très haut niveau mais pas que
Sam Favret, Léo Slemmet et Julien Herry … quand on aligne un casting 5 étoiles : forcément on s’intéresse. Avec quand même la crainte de se retrouver plongé dans un énième film de riders pour riders ridant toujours plus vite, plus fou, plus haut. Et de nous angoisser un peu plus encore en voyant la longueur annoncée : 33 mn. Allons-nous tenir le choc ? Et bien oui. Le réalisateur Alexis Blaise réussit l’exploit d’offrir la découverte de nouvelles lignes de freeride en très haute altitude et de nous emmener loin des sentiers battus dans la Vallée des Hunza, aux confins du Pakistan, sans tomber dans le ton conférence « Connaissance du monde ». Ce n’était pas gagné.
(2018, France, 33 minutes) Réalisation : Alexis Blaise and Sam Favret, Invade Media.
Pour connaître toutes les dates de la tournée française du Banff Festival, c’est ici.
Photo d'en-tête : Merrell