Télésiège de la station de Morillon, mars 2016.

Enquête : après la série de fermetures, quelles sont les 20 stations de ski les plus vulnérables ?

  • 18 octobre 2024
  • 13 minutes

L’Alpe du Grand Serre, Notre-Dame-de-Pré, Le Grand Puy, Le Tanet… Nombreuses sont les stations de ski à avoir annoncé ne pas rouvrir leurs portes cette saison. De véritables crève-cœurs pour les habitants fondamentalement attachés à ces lieux et très souvent laissés sur le carreau, sans véritable solution de repli. D’autres domaines skiables sont également sur la sellette, malheureusement. La faute à une mauvaise gestion, plus qu’au changement climatique. Un point mis en évidence dans un rapport publié par la Cour des comptes en février 2023, que nous avons patiemment décortiqué. Il en émerge une liste des stations considérées comme les plus vulnérables de l’Hexagone. Un document peu commenté à sa publication. Nous en avons extrait les 20 sites les plus exposés. Certes, rien n’est bien sûr acté, mais ce sont autant de stations qu’il faudra suivre de près. Certaines devront sans doute fermer leurs portes, mais d’autres pourront envisager une transition, à l’image de Métabief, Tignes, Saint-Pierre en Chartreuse ou encore à Saint-Hilaire, dans l’Isère.

« On est vraiment dans le dur du changement climatique », souligne Loïc Giaccone, doctorant à l’Institut de géographie et de durabilité à Sion (Université de Lausanne). « Et je crois que beaucoup ne s’en rendent pas compte. La transition, ce n’est pas dans dix ans ou dans quinze ans. C’est maintenant. Des domaines ferment, des gens se retrouvent sur le carreau. » À l’image de ce qui se passe à l’Alpe du Grand Serre, première station de cette importance dans les Alpes du Nord à ne pas ouvrir ses portes cet hiver, après plus de 85 ans d’activité. « Ce ne sont pas des stations qui ferment. Ce sont des stations qui n’ouvrent pas. Une nuance qui témoigne de la difficulté à refermer la parenthèse », précise Guillaume Desmurs, auteur d’« Une histoire des stations de sports d’hiver » paru chez Glénat. « C’est une sorte de déni. On n’ouvre pas. Et même si clairement ça veut dire que c’est fermé, en n’employant pas franchement le terme, on se laisse la possibilité d’espérer une ouverture prochaine. »

Un arrêt brutal qui, à deux mois de l’ouverture, est mal passé chez les habitants qui le vivent comme une « trahison ». « La réalité financière nous a rattrapés. Je me suis battue, j’ai tout fait pour aller au bout, mais nous sommes une petite intercommunalité de 43 communes. Nous sommes au pied du mur », déplore Coraline Saurat, présidente de la Communauté de communes de la Matheysine (Isère).

200 emplois directs et indirects sont désormais menacés ici. « C’est un véritable écosystème économique qui dépend de la station, au-delà des emplois touristiques », analyse Hugues François, ingénieur au Laboratoire Ecosystèmes et Sociétés En Montagne (LESSEM), au micro de France Bleu. « Typiquement, c’est la supérette qui va avoir le petit complément de revenu qui va lui permettre de tenir toute l’année, et donc qui va encourager une population à rester à l’année ». 

Alpe du Grand Serre, 24 janvier 2027.
Alpe du Grand Serre, 24 janvier 2017. (Martin Wain)

Le résultat de l’absence de projet de territoire

« Il va y avoir d’autres cas », déplore Guillaume Desmurs. « Mais ceux qui trinquent, ce ne sont pas les élus, ce n’est pas DSF [Domaines Skiables de France, ndlr], ce sont les commerçants et les habitants du territoire. On leur a menti. Ils ont naïvement voulu croire ces mensonges. […] Et maintenant, ils ont l’impression que ça leur tombe dessus. Mais non. C’est juste le résultat de 20 ans d’absence de décision, de travail d’accompagnement, de projet de territoire… Ça ne tombe pas du ciel, c’était prévu, écrit, annoncé, expliqué. Il n’y a rien de surprenant ».

« Ce qui se passe à l’Alpe du Grand Serre, c’est le résultat d’un modèle économique qui arrive au bout, ainsi que de l’absence de projet de territoire de la part des élus communaux, départementaux, régionaux. Ils sont responsables de cette situation. Parce que ces stations dépendent, pour vivre, d’argent public. En moyenne, 25 % de leur chiffre d’affaires provient de subventions. Sans cela, elles ne seraient pas rentables. Alors le jour où les collectivités ne peuvent plus payer, ça ferme. Il n’y a rien d’impressionnant, c’est structurel ». C’est ce qu’on pouvait lire dans le rapport de la Cour des comptes [publié en février 2023, ndlr] ».

Val Thorens
(Val Thorens)

Privées, publiques… une gestion des stations françaises complexes

Destination majeure pour le tourisme hivernal, avec 53,9 millions de journées-skieur (saison 2021-2022), la France se classe ainsi au deuxième rang mondial après les États-Unis (61 millions) et avant l’Autriche (43,6 millions). À noter qu’elle est l’un des pays offrant le plus grand nombre de domaines skiables majeurs (200), dont la fréquentation est supérieure à un million de journées-skieur par saison. Elle possède en outre le premier parc mondial de remontées mécaniques.

Et si à l’étranger la gestion privée des stations de ski est largement répandue, la loi du 9 janvier 1985, dite « loi montagne », a qualifié le service des remontées mécaniques de « service public industriel et commercial ». Une véritable spécificité française ! « Ce service est géré selon deux modalités principales : en régie, c’est-à-dire directement par la collectivité territoriale, ou confié à une société privée par un contrat de délégation de service public », détaille le rapport de la Cour des comptes. « Dans tous les cas, la collectivité publique conserve le contrôle du service. Celui-ci doit être en principe financé par l’usager. Il est dès lors interdit aux collectivités de prendre en charge dans leur budget propre des dépenses au titre de ces services. La loi réserve ainsi un rôle central à la commune dans la gestion des domaines skiables : même si cette compétence peut être transférée, ce service est, dans les faits, demeuré essentiellement communal ».

« Pour autant, la gouvernance des stations en France est complexe, car elle fait intervenir un grand nombre d’acteurs économiques dans le cadre d’un modèle dit « éclaté » », poursuit la Cour des comptes dans son document. « Aux côtés des élus locaux, en charge du pouvoir de police et des documents d’urbanisme (PLU, SCoT), des offices de tourisme et des opérateurs de remontées mécaniques, interviennent de nombreux acteurs privés (loueurs d’équipements, hébergeurs, commerçants, artisans ».

Téléphérique de La Grave
Téléphérique de La Grave. (Mael Balland)

Des domaines skiables sous perfusion de subventions publiques

Le modèle français est atypique par rapport à la concurrence internationale. Que ce soit aux États-Unis, en Autriche ou encore au Japon, on considère généralement le ski non pas comme un service public, mais comme une activité de loisirs relevant du secteur privé. Tandis qu’en France, les élus, en charge de la gestion des stations, sont aujourd’hui contraints de chercher un équilibre entre la rentabilité économique du domaine skiable et la recherche de l’intérêt général.

Résultat, les collectivités territoriales, en charge de la gestion des stations, sont aujourd’hui confrontées à des difficultés multiples qui viennent fragiliser le modèle économique actuel : la pratique du ski est en baisse depuis plusieurs années ; le changement climatique menace les stations de montagne en raison de la réduction de l’enneigement ; le parc immobilier est vieillissant et de moins en moins adapté.
D’autant plus que les domaines skiables de l’Hexagone sont aujourd’hui sous perfusion de subventions publiques. « Les financements publics perçus par les opérateurs des remontées mécaniques dont le chiffre d’affaires annuel est inférieur à 15 M€ sont estimés à 124 M€ par an », détaille la Cour des comptes. « Ce montant doit être rapproché du chiffre d’affaires total de l’ordre de 529 M€ généré par ces opérateurs, soit un niveau de dépendance à la dépense publique d’environ 23 %. Pour les stations réalisant moins de 10 M€ de chiffre d’affaires, le montant est de 87 M€, représentant 28 % du chiffre d’affaires des stations concernées ».

Les Gets, mars 2015.
Les Gets, mars 2015. (Depositphotos)

L’inéluctable érosion de la fréquentation des stations

On l’a vu ce mois-ci, notamment, les stations de ski sont fragilisées. « Les facteurs de vulnérabilité sont pluriels et multiples : les questions d’enneigement, d’obsolescence des remontées mécaniques, l’attrait du domaine skiable, son accessibilité, connecté avec les grands bassins de population… Il y a tout un tas de facteurs cumulatifs », explique Pierre-Alexandre Métral, doctorant en géographie à l’Université Grenoble-Alpes, auteur des « Trajectoires de reconversion post-touristiques des stations de ski fermées françaises ».

La Cour des comptes a notamment noté une lente érosion de la fréquentation des stations de ski, passant de 58,6 millions de journées-skieur par saison à 53,9 millions en dix ans. Un phénomène qui s’explique par plusieurs hypothèses : la dégradation des conditions d’enneigement (due à l’augmentation des températures, +2°C dans les Alpes du Nord, remontée de la limite pluie-neige), le renouvellement incomplet de la clientèle vieillissante par de plus jeunes touristes. Enfin, et plus récemment, le rapport international sur le tourisme de neige et de montagne (publié en 2023 par une société de conseil spécialisée helvétique) voyait dans l’enchaînement des crises géopolitiques, sanitaires, énergétiques des facteurs défavorables à l’industrie du ski. Le secteur professionnel met également en avant un phénomène de « ski-bashing », qui reste toutefois difficile à objectiver. Tous ces paramètres viennent compromettre la viabilité économique d’un grand nombre de stations.

« Le changement climatique, c’est 1/5 de l’équation », explique Loïc Giaccone, doctorant à l’Institut de géographie et de durabilité à Sion (Université de Lausanne). « En France, si tu enlèves le changement climatique de l’équation, il y aurait encore 150 stations fantômes [qui ont fermé, ndlr]. À une poignée près. Parce que derrière l’activité économique, il y a un marché, avec de l’offre, de la demande. Les stations sont donc en concurrence entre elles. Celles qui prennent les mauvaises décisions d’investissements coulent. S’ajoute à cela la pression du changement climatique. Et les plus fragiles, les plus à risque, partent en premier. On en est là pour l’instant. Les questions d’altitude et d’orientation viendront plus tard, quand le signal climatique s’accentuera dans les prochaines années/décennies… En attendant, celles que l’on voit partir en premier, ce sont celles qui étaient sur une corde raide ».

« Statistiquement, [les stations les plus vulnérables, ndlr] sont les stations de basse et de moyenne montagne », détaille le rapport de la Cour des comptes. « Les stations les plus préservées ne seront menacées par le réchauffement climatique que dans la seconde moitié du XXIᵉ siècle. […] Les publications scientifiques concernant les perspectives d’enneigement à moyen et long terme des stations de ski françaises renvoient, comme évoqué supra, un message très négatif, marquant des situations critiques nombreuses ».

La Féclaz, le 6 février 2024
La Féclaz, le 6 février 2024. (Guilhem Vellut)

Les 20 stations les plus vulnérables aujourd’hui

Afin d’appréhender au mieux la fragilité de ce secteur, la Cour des comptes a développé un outil d’évaluation du risque pesant sur les stations de ski, dévoilé en annexe d’un copieux rapport de plus de 140 page. Celui-ci permet d’identifier, pour les 163 stations de montagne pour lesquelles les données étaient disponibles, un score de vulnérabilité spécifique à chaque station. Ce score a été obtenu en mettant en relation trois types de données : le risque climatique, le poids socio-économique de la station et la capacité financière de l’autorité organisatrice des remontées mécaniques.

Au total, la mise en relation de ces trois composantes permet de déterminer le score de vulnérabilité propre à une station donnée, les trois composantes de ce score étant équipondérées. À noter que huit des 10 stations présentant le score de vulnérabilité le plus élevé sont situées dans les Alpes du Sud, et plus particulièrement dans le département des Hautes-Alpes. Seules deux stations sont situées dans les Pyrénées et dans les Alpes du Nord. « Cette situation s’explique pour l’essentiel par la combinaison d’un risque climatique important, de territoires peuplés et bien équipés sur le plan des domaines skiables (fort risque socio-économique), et d’autorités organisatrices qui disposent d’une surface financière réduite (faible capacité à s’adapter) », détaille le rapport.

« Selon ce classement, des stations comme Val-d’Allos, Val-d’Arly, Saint-Nizier ou le Grand-Revard apparaissent comme les plus menacées » détaille Le Monde. « Les télésièges et téléskis verront leur période d’activité tellement raccourcie qu’ils ne pourront plus fonctionner sans grever lourdement les finances publiques. À l’inverse, Tignes, Val-Thorens, Chamonix-Mont-Blanc, Val-d’Isère, les Deux-Alpes, Les Orres ou encore les Ménuires sont présentées comme les stations les moins vulnérables sur tous les plans. Bien que touchées par le changement climatique – qui se manifeste par un raccourcissement des saisons, la fonte de leurs glaciers, une utilisation plus contrainte des canons à neige, et une météo plus incertaine –, elles peuvent espérer maintenir leur activité ski au-delà de 2050. Elles risquent, en revanche, de devoir gérer un afflux de skieurs qui ne pourront plus se rendre dans les stations moins enneigées ».

Parmi les stations les moins vulnérables figurent aussi des noms moins attendus, comme le Col-de-Porte ou Saint-Paul, deux domaines pourtant situés à des altitudes moyennes. Mais, au vu de leur nombre limité de remontées mécaniques et de leur moindre dépendance au tourisme, ces communes peuvent continuer à faire tourner leurs télésièges sans toutefois mettre en péril leurs finances publiques.

MassifDépartementStation de skiIndice climatiqueIndice socio-économiqueIndice « finances publiques »Score de vulnérabilité
Alpes06Roubion les Buisses8,333,67130,56
Pyrénées65Peyragudes64,33124,56
Alpes05Aiguilles63,67122
Alpes05Abriès-Ristolas54,33121,67
Alpes05Arvieux54,33121,67
Alpes05Ceillac54,33121,67
Alpes05Chaillol (Pinateau)54,33121,67
Alpes05Saint-Léger les Mélèzes54,33121,67
Alpes73Toussuire (la) – Saint-Pancrace (Les Bottieres)35,67120,78
Alpes05Molines Saint-Véran (Beauregard)3,675118,33
Alpes05Laye5,673117
Pyrénées66Font-Romeu – Bolquère – Pyrénées 20006,677,33316,3
Alpes38Col d’Ornon6,672,33115,56
Alpes73Notre Dame du pré6,332,33114,78
Alpes73Col du Granier – Desert d’Entremont103,67312,22
Alpes73Rosiere (la)2,335111,67
Alpes73Val d’Arly57311,67
Pyrénées66Formiguères6,675311,11
Alpes73Savoie Grand Revard6,675311,11
Alpes38Gresse en Vercors74,33310,11
Source : annexes sur rapport de la Cour des Comptes (liste que nous avons réorganisée, de l’ordre alphabétique à un classement décroissant par score de vulnérabilité). Retrouvez la liste complète des stations ici (à partir de la page 133)
Tignes
Tignes, janvier 2021. (Tim Arnold)

De Métabief à Tignes, la reprise en main

« Cela demande beaucoup de courage politique de renoncer au ski. Le ski, ça fait partie de l’ADN des territoires. C’est un modèle économique qui les fait vivre, qui les enrichit », souligne Pierre-Alexandre Métral, doctorant en géographie à l’Université Grenoble-Alpes. « Il est donc très difficile de s’en séparer. Tout l’enjeu est de préparer la transition pour amortir un choc qui ne serait que plus brutal si la fermeture du domaine skiable était annoncée sans plan de transition ».

Une démarche entamée par Métabief (Haut-Doubs), il y a quatre ans. Fin 2020, ses dirigeants en avaient conclu que le ski alpin, c’était bien fini pour eux. À l’horizon 2030 sans doute. Un deuil difficile, on l’imagine. La station jurassienne, devenue par la suite un véritable modèle national de résilience des domaines skiables de moyenne montagne face au changement climatique, a toutefois fait le choix de définitivement condamner cette automne Piquemette, sa partie la plus « sportive ». Soit 30% de son domaine. « La transition climatique, c’est accepter, renoncer et entrevoir l’avenir avec enthousiasme, sans nostalgie » avait déclaré Philippe Alpy, président du SMMO (Syndicat mixte du Mont d’Or) qui gère le domaine. Une annonce qui passe mal chez les commerçants.

« C’est un choix difficile, mais responsable », assurait Philippe Alpy qui affirmait entendre les critiques et inquiétudes. « On a déjà mis en place beaucoup de choses, porté de nombreux investissements. Mais on savait qu’on avait des fragilités financières, pas de fonds de roulement suffisamment puissant. […] Le surcoût de l’énergie, +400 %, et le manque de neige de la saison 2023 ont généré un engagement du Département bien au-delà de ce qui est statutairement prévu. Une rallonge de 2,8 M€ a été votée en juin pour combler le déficit [de 14 millions d’euros, ndlr] ». Quoiqu’il en soit, il a déjà promis « de ne pas laisser tomber Piquemiette ». Cette fermeture qui serait donc un moyen de prolonger la vie de Métabief. De quelques années du moins. 

D’autres stations s’interrogent également sur leur transition. C’est le cas de Tignes (Savoie), une station qui fait pourtant partie des moins vulnérables d’après l’étude publiée par la Cour des comptes. « Les élus se sont dit que ce n’était plus possible de continuer comme ça, que le glacier allait disparaître, qu’il n’y avait plus de vie à l’année », explique Guillaume Desmurs, auteur d’« Une histoire des stations de sports d’hiver ». « Ils se sont alors mis au travail, ont organisé des consultations avec les habitants, et ont fini par reprendre la main sur la gestion du domaine skiable [rompant ainsi avec la Compagnie des Alpes, ndlr] pour garder l’argent chez eux et pouvoir financer le projet de territoire. Ils ont de l’avance ».

L’exploitation du domaine skiable passera sous pavillon public le 1er juin 2026. La reprise en main de l’activité des remontées mécaniques et du service des pistes se fera désormais à travers la création d’une société publique locale (SPL) qui gérera le tout et dont l’activité sera supervisée par les élus. Pour ce projet, la station savoyarde s’est alliée à la collectivité et à la petite station voisine de Sainte-Foy-Tarentaise (une obligation légale dans le cas d’une SPL), et espère un ralliement de Val d’Isère en 2032. Pour le maire, Serge Revial, ce projet « de grande envergure va changer la philosophie de la station. C’est un projet de territoire, autonome, pour la population. La SPL nous permet de choisir notre propre destin et de faire face aux incertitudes de l’avenir ».

Plan des pistes du Planolet, la station de Saint-Pierre en Chartreuse.
Plan des pistes du Planolet, la station de Saint-Pierre en Chartreuse. (Le Planolet)

L’exemple des stations autogérées

« Les stations ferment parce qu’on les considère comme des entreprises », souligne Loïc Giaccone. « Avec une idée de rentabilité. Elles ne doivent pas représenter un puits sans fond chaque année. Mais si on change d’état d’esprit, qu’on se tourne vers du bénévolat, par exemple, on enlève une grosse part de la réflexion sur la rentabilité économique. À partir de là, il n’y a plus qu’à avoir besoin d’un peu d’appui, de temps en temps, pour rénover les infrastructures, notamment. […] Ce qui permettrait d’avoir une fin différente, peut-être un peu plus gérée, plus autogérée ».

« Alors, si tu as un collectif de bénévoles motivés, que tu maintiens en état ton téléski, et que tu ouvres les week-ends et les mercredis pour les enfants, rien ne t’empêche de faire perdurer un truc qui aurait sinon coulé. Et c’est ce qui se passe en Chartreuse [l’association « Nouvelles traces en Chartreuse » a été choisie pour exploiter la station du Planolet Saint-Pierre de Chartreuse, ndlr]. […] Il y a encore peut-être des chances de faire des choses pendant quelques années. Tout comme le ski de fond, qui risque d’être plus résilient que le ski alpin puisqu’il a beaucoup moins besoin d’investissements et d’infrastructures. Si ta dameuse démarre, le jour où il y a de la neige, tu dames ta piste, et puis c’est parti ».

« Les petites stations, il ne faut pas les enterrer tout de suite », poursuit-il. « Ce n’est pas ‘on/off’. Leur ouverture dépend avant tout des décisions politiques et économiques au niveau local, de l’appui des pouvoirs publics et des volontés citoyennes. […] De plus en plus de gens se disent : le modèle du ski, en tant que tel, ça ne peut pas marcher parce que ce n’est pas rentable. Parce que ça endette la collectivité. On a par contre un téléski qui fonctionne. Et ce n’est pas la fin des hivers enneigés, c’est juste leur fréquence qui diminue en raison du changement climatique ».

Autre exemple de station auto-gérée : Saint-Hilaire, un domaine situé sur le Plateau-des-Petites-Roches (Isère), où œuvre l’association AG’HIL, un collectif de 170 habitants mobilisés depuis avril 2023 pour rouvrir bénévolement la station de ski. Voilà environ un an et demi qu’ils se donnent les moyens de cette ambition, franchissant tous les obstacles administratifs et remplissant toutes les conditions. Ils sont aujourd’hui en capacité de proposer un nouveau modèle d’exploitation : une gestion associative basée sur le bénévolat. Tous sont cependant conscients de la réalité du réchauffement climatique et de la nécessité de reconvertir ce site en activité « quatre saisons ». « Notre modèle est très météo-dépendant, mais on fonde quelques espoirs cet hiver. Les dernières chroniques météos expliquent qu’El Niño s’achève » espère Perrine Broust. « Notre objectif c’est d’ouvrir. On y croit ». 

Photo d'en-tête : Geoffrey Arduini
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