C’est l’un des sommets de trek les plus hauts du monde, le Stok Kangri (6 154 m), dans le nord de l’Inde, va être fermé à partir de 2020 pour trois ans. La décision entérinée la semaine dernière à la suite d’une réunion de l’Association des tours opérateurs du Ladakh (ALTOA), a pour objectif de stopper l’afflux de touristes, cause de nombreux accidents et lourd de conséquences sur le plan environnemental.
C’est une solution radicale qui a été prise ces derniers jours dans la région du Ladakh, dans le nord de l’Inde. L’interdiction pure et simple de l’accès au Stok Kangri, encore soumise à la validation du gouvernement indien, peut paraître excessive, d’autant qu’elle s’appliquera pour trois ans à partir de 2020. Mais peut-on faire autrement pour lutter contre la sur-fréquentation d’un lieu relativement accessible ?
Multiplication des accidents, impact sur l’environnement de la région
Ce sommet de plus de 6 000 m se situe au coeur du Parc National du Hemis, connu pour accueillir la plus grande densité de léopards des neiges. Mais il doit avant tout sa popularité à son accessibilité, le chemin menant à son sommet étant à la limite entre le trek et l’alpinisme. S’il faut prendre des crampons pour être sûr de ne pas être bloqué, l’ascension ne présente aucune difficulté majeure, ce qui pousse beaucoup d’amateurs de montagne à y venir chaque année. Les agences locales ayant bien compris l’attractivité du lieu, l’offre s’est considérablement développée ces dernières années.
Déjà en juillet dernier, un avertissement de l’Association des tours opérateurs du Ladakh ne laissait augurer rien de bon : “le comité villageois de Stok Nambardar s’inquiète de la pollution de sa source d’eau potable ainsi que des pénuries d’eau d’irrigation dues au tourisme de masse et au réchauffement climatique. »
Tourisme de masse en Himalaya et enjeu économique
Il y a plus d’un an, Vaibhav Kala, fondateur d’Aquaterra Adventures, une des meilleures agences de trek du monde selon National Geographic, écrivait un édito sur The Outdoor Journal pour alerter sur la situation. Le titre : “Trekking de masse en Inde : une maladie dont nous souffrirons tous”. Même s’il vit du tourisme de l’outdoor, Vaibhav Kala expliquait dans son article la nécessité d’adopter une vision à long terme, et de protéger un environnement menacé par la surpopulation touristique. Si l’appât du gain, à court terme, peut être attractif, qu’en sera-t-il lorsque la région croulera sous les déchets et que l’eau ne pourra plus être consommée car trop polluée ?
Vaibhav Kala a réagi en ces termes à la décision de fermer pour trois ans l’accès au Stok Kangri : cette mesure serait selon lui “nécessaire à court terme… pour que tout le monde prenne conscience des enjeux. Cependant, à moins qu’une réglementation appropriée ne soit adoptée, la situation va maintenant s’étendre au Kang Yatze (autre sommet himalayen culminant à 6 195 m et lui aussi très accessible, ndlr)« , met-il en garde.
Akshay Kumar, ancien président de l’ALTOA soutient également cette décision à court terme, compte tenu de la situation. Mais il plaide pour le futur en faveur d’autres solutions : “des prix d’accès plus élevés qui permettraient d’éviter le phénomène de masse et ne laisseraient opérer que les agences les plus sérieuses d’un point de vue de l’environnement et de la sécurité”.
Interdire l’accès, seule solution ?
Le Ladakh n’est pas la seule zone faisant face à cette problématique dans la plus haute chaîne de montagnes du monde. L’Everest, plus haut sommet de la planète, s’est retrouvée en première ligne de ces dérives cette année. On se souvient de cette photo surréaliste de Nims Dai pendant l’ascension montrant une file indienne d’alpinistes. Jamais autant de permis n’avaient été accordés qu’en cette année 2019, 381 au total.
Augmenter les tarifs des permis est précisément la solution choisie par la Chine pour limiter l’accès à l’Everest depuis son territoire. Alan Arnette, alpiniste américain et contributeur pour Outside, révélait il y a quelques semaines sur sa page Facebook une nouvelle hausse des prix, passant de 11 400 $ l’année dernière à 15 800 $ au printemps 2020, soit près de 40% d’augmentation… suffisant pour réguler l’afflux de prétendants au plus haut sommet de la planète ? Pas sûr.
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