Problème de mémoire ? Et si vous vous mettiez à bouger, suggèrent des chercheurs de la University of California qui viennent de mettre en évidence le surprenant rapport entre exercice physique, foie et rajeunissement du cerveau.
On savait déjà que l’activité physique protégeait le cerveau contre certains déclins associés au vieillissement. Dans le cadre d’études antérieures sur les rongeurs, on a ainsi observé que les animaux qui se déplaçaient sur des roues ou des tapis roulants produisaient davantage de nouveaux neurones que les sédentaires et avaient une bien meilleure mémoire ainsi que de meilleures capacités d’apprentissage. De même, les personnes âgées qui, dans le cadre d’expériences scientifiques se sont mises à faire de la marche, ont vu augmenter le volume de tissus dans les parties du cerveau associées à la mémoire. Un impact qui n’est pas réservé aux seniors. Chez les jeunes aussi, il a été démontré qu’activité physique et réussite aux tests cognitifs allaient de pair. Restait à savoir comment, au niveau cellulaire, l’exercice remodelait le cerveau .
La plupart des chercheurs s’accordent à dire que pendant et après l’exercice, des substances se libèrent à l’intérieur du cerveau, et plus largement dans le corps. En interagissant, ces substances déclencheraient des réactions biochimiques qui modifieraient le fonctionnement du cerveau. Oui, mais de quelles substances s’agit-il, d’où viennent-elles et comment se rencontrent-elles ? C’est justement à ces questions que les chercheurs américains à l’origine d’une nouvelle étude parue ce mois-ci dans « Science » ont décidé de répondre.
Création de nouveaux neurones
Pour eux tout a commencé avec l’étude du système sanguin des souris. Dans le cadre de recherches antérieures menées dans leurs laboratoires, les scientifiques avaient transfusé du sang de jeunes souris vers des souris plus âgées et constaté des améliorations au niveau cérébral chez les receveurs. Un impact dû à l’âge des donneurs et non à leur activité physique. Soupçonnant que l’exercice physique déclencherait dans le sang des changements supplémentaires pouvant être transférables, quel que soit l’âge de l’animal, les scientifiques ont alors décidé d’étendre l’expérience.
Qu’ont-ils fait ? Dans un premier temps, ils ont fait courir des souris jeunes et d’autres nettement plus âgées pendant six semaines. Puis ils ont transfusé le sang des deux groupes à des animaux âgés et sédentaires. Ils ont alors constaté que ces souris âgées obtenaient de meilleurs résultats aux tests cognitifs, quel que soit l’âge des donneurs. De même ils ont observé la création de nouveaux neurones dans les centres de mémoire de leur cerveau. C’est l’activité des donneurs qui avait compté, et non leur âge, en ont-ils conclu.
Une mystérieuse protéine
Intrigués, les scientifiques ont entrepris de déterminer ce qui différait dans le sang des coureurs. Ils ont alors identifié diverses protéines dans le sang des animaux courants, qui n’étaient pas présentes en aussi grande quantité dans le sang de souris inactives. Poussant leurs recherches plus loin, ils se sont concentrés sur l’étude d’une protéine connue sous le nom de GPLD1. Peu étudiée, cette protéine est produite principalement dans le foie, un organe dont on pense généralement qu’il n’a pas beaucoup d’interaction avec le cerveau. Mais les niveaux relevés après l’exercice étaient tels, qu’ils justifiaient des recherches plus approfondies.
Grâce au génie génétique, les chercheurs ont alors amplifié la libération de GPLD1 dans le foie de vieilles souris inactives. Or, à leur grande surprise, ils ont constaté que ces animaux se comportaient presque comme de jeunes souris lors de tests d’apprentissage et de mémoire. Sans compter que leur cerveau comptait plus de nouveaux neurones que chez les autres souris âgées. Sans faire d’effort, ces sujets âgés avaient donc joui des bienfaits de l’exercice.
Un cerveau rajeuni
Expérience concluante donc sur des rongeurs. Mais pouvait-on en attendre autant chez l’homme ? Pour le vérifier, les scientifiques ont analysé le sang prélevé sur des personnes âgées. Or, il s’avère que le panel – des hommes et des femmes âgés qui marchaient habituellement pour faire de l’exercice – présentaient, eux aussi, des niveaux de GPLD1 plus élevés dans leur sang que ceux qui étaient inactifs.
L’étude, explique le professeur Saul Villeda met donc en évidence que l’exercice physique incite le foie à pomper des quantités supplémentaires de GPLD1, et que l’augmentation chimique des niveaux de cette protéine chez les animaux âgés en mauvaise forme rajeunit leur cerveau et leur mémoire, sans que l’on sache encore vraiment comment. Ce qui ouvre toutefois quantité de perspectives.
Vers une « pilule de l’exercice » ?
D’autres expériences montrent que la GPLD1, prise isolément, contribue à déclencher cette réaction moléculaire en chaîne. Aussi, estime le Dr Villeda il est au moins concevable que des injections de cette substance puissent offrir les avantages cérébraux de l’exercice aux personnes trop fragiles ou handicapées pour pratiquer une activité physique régulière.
Reste que si cette étude confirme les effets positifs de l’exercice sur la bonne santé cérébrale, et révèle ici le rôle clef du foie, les scientifiques restent prudents. Cette expérience a, pour l’instant, été menée principalement sur des souris, par ailleurs, on ne connait rien encore des effets potentiellement indésirables d’une supplémentation en GPLD1. Aussi, face à tous ceux qui imagineraient que les bienfaits de l’exercice pour le cerveau pourraient un jour être disponibles sous forme de capsule ou de seringue, il rappelle que la GMLD1 pourrait éventuellement aider les personnes qui ont du mal à bouger mais qu’elle serait loin d’apporter tous les bénéfices de l’exercice. Aussi, qu’il s’agisse de brûler des graisses, de développer du muscle ou d’améliorer vos capacités cardiovasculaires, vous n’échapperez pas au sport. Et au fond, c’est plutôt une bonne nouvelle !
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