Qu’apporteriez-vous sur une île déserte ? C’est la question à laquelle a tenté de répondre l’ingénieur Corentin de Chatelperron en embarquant seul pendant 120 jours à bord d’une plateforme flottante ancrée au large de la Thaïlande en 2018. La réponse : 30 low-technologies lui permettant de répondre à ses besoins vitaux. Une expérience à découvrir dans son dernier film, un documentaire de 52 minutes diffusé sur arte.tv du 21 octobre au 26 décembre.
Parti de Concarneau à bord du « Nomade des mers », l’ingénieur Corentin de Chatelperron – prix « « Toison d’or de l’aventurier de l’année 2021 » de La Guilde – fait depuis 2016, le tour du monde des « low tech », ces technologies ingénieuses, porteuses d’autonomie et de développement. Entre lampe solaire faite à partir de bouteilles en plastiques, « mouches soldats » capables de recycler des déchets organiques, et ordinateur à 10$ avec des composants de récupération, ce Geo Trouvetou écolo multiplie les trouvailles. On avait déjà suivi ses aventures passionnantes dans une série d’émissions diffusées sur Arte ce printemps. Voilà qu’avec le collaboration de la chaine, il vient de réaliser un nouveau documentaire : « Quatre mois sur ma biosphère ».
Prix des Jeunes de la ville de Dijon au Ecrans de l’aventure, Prix Special ADEME aux Deauville Green Awards, Prix de l’Aventure Humaine au Festival Lumexplore, ce film de 52 minutes, relatant une expérience menée en 2018, est né d’une réflexion de Corentin de Chatelperron : « C’est en lisant un article décrivant Space X, le programme d’Elon Musk pour coloniser Mars que la première idée de la biosphère a émergé », explique-t-il. « J’étais estomaqué que l’on mette autant d’énergie et de moyens – on parle de milliards de dollars, de milliers de cerveaux parmi les plus qualifiés du monde – pour chercher à habiter sur une planète si nulle. Pourquoi aller sur Mars, planète désertique, gelée, irrespirable et lointaine quand on a une planète si belle et tant de problèmes à résoudre ? Comment peut-on penser à la gestion d’une autre planète quand la nôtre est si mal gérée ? Depuis des années nous essayons de convaincre avec mon association Low-tech Lab que nous pouvons vivre mieux avec moins, et j’avais l’intuition qu’avec toutes les innovations low-tech que nous avions répertoriées, il y avait un potentiel pour créer un écosystème vertueux. »
Que recherchait l’ingénieur dans cette nouvelle expérience ? « Ce que je voulais, c’était créer un contexte qui me mette sous contrainte, qui m’oblige à exploiter toutes les ressources des low-tech, à ne vivre qu’avec les ressources qu’elles me procurent. Chaque low-tech est la pièce d’un puzzle. Prises individuellement, elles ne répondent qu’à une petite partie de l’équation. Ensemble, elles forment un écosystème. »
Après 4 mois de vie sur la plate-forme, qu’en a-t-il retiré ?
« Expérience technique rigoureuse à la base, la vie sur la biosphère s’est transformée au fil des quatre mois en une expérience personnelle forte et une source de réflexion intense, d’une part sur la complémentarité des low-tech qui, combinées entre elles, révèlent un potentiel énorme, d’autre part sur la place de l’homme dans l’écosystème. Ma petite planète rectangulaire de 70m2 a été le siège d’une histoire qui fait écho par de nombreux aspects aux questions actuelles de notre société. Les invasions de parasites, la mort de Poule Rousse, le triste sort des grillons, l’emballement de l’écosystème, ma relation avec Canard et toutes ces questions autour de la place de l’humain dans l’écosystème naturel. La course contre la montre des premières semaines pour atteindre les objectifs fixés par Matrice (le logiciel d’analyse de la Biosphère, ndlr) laisse place à un besoin de ralentir, à la recherche de l’instant présent et les réflexions autour de nos modes de vie et de notre développement personnel. » Une aventure extraordinaire racontée dans un documentaire, mais aussi dans un livre à paraître le 27 octobre aux éditions Artaud.
La première biosphère low-tech a permis à Corentin d’être autonome sur une surface de 12m2 avec moins de 1€ d’intrants quotidiens (maïs, huile, arachides), mais il ne compte pas s’arrêter là. L’aventurier s’apprête en effet à lancer avec le Low-tech Lab une deuxième version de cette expérimentation Biosphère, la Biosphère LT2, qui se déroulera en 2022.
Concrètement, comment va se dérouler cette deuxième expérience ?
« Depuis 2018, la poursuite du tour du monde de Nomade des Mers (son voiler, ndlr) et la découverte de nouvelles low-tech permettent d’imaginer une version plus performante de cette base vie », explique Corentin. « Au cours des 25 escales, nous avons documenté plus de 50 low-tech et 25 ont été implantées à bord du bateau. L’écosystème biosphérien sera basé sur ces 25 low-tech déjà éprouvées par la vie à bord. À la manière d’un concept car, la Biosphère LT2 sera un démonstrateur expérimental d’un futur low-tech. Pour se projeter, on a besoin de voir et de toucher l’avenir. C’est ce que nous voulons proposer. »
Mais la grosse différence avec la première expérience biosphère low-tech, insiste-t-il « c’est que nous souhaitons travailler sur la désirabilité et le design des low-tech pour créer l’imaginaire d’un futur low-tech souhaitable. Année après année, les innovations low-tech intéressent de plus en plus de monde, autant dans des pays riches que pauvres. Cependant, elles renvoient trop souvent une image qui évoque le bricolage, voire un retour en arrière. Le projet de Biosphère LT2 a la vocation de contrer cette image dévalorisante et permettre d’imaginer un futur low-tech désirable et des modes de vie sains et durables. La Biosphère LT2 doit stimuler une réflexion sur notre manière d’habiter la Terre, notre rapport au vivant et la direction que doit prendre notre progrès. »
« La Biosphère Low-tech 2 sera testée pendant 4 mois à l’hiver 2022 dans un lieu isolé et aride, en climat chaud, en bordure de mer. Pourquoi ? Les milieux arides s’étendent chaque année. Actuellement les surfaces terrestres dites arides couvrent 41% de la planète et concernent un habitant sur 3. Ces conditions climatiques difficiles concernent de plus en plus de monde et sont donc intéressantes pour un démonstrateur. Nous serons deux cobayes, Caroline Pultz et moi-même. Caroline a fait des études de design et son regard pour rendre la low-tech désirable est essentiel dans notre objectif de construction d’un imaginaire. Chaque low-tech de la Biophère LT2 sera confectionnée dans le cadre d’ateliers collaboratifs qui réuniront des experts de cette low-tech, des makers et des designers. Nous débuterons ces ateliers dès la fin de l’année 2021 et ils s’étendront jusqu’à septembre 2022, période à laquelle nous prendrons la mer pour aller installer Biosphère LT2 dans son territoire d’expérimentation. »
Le livre : « Ma Biosphère «, Editions Arthaud, sortie en librairie le 27 octobre 2021 – 19,90 €
Le film : « 4 mois sur ma biosphère, documentaire de Corentin de Chatelperron et Laurent Sardi. Coproduction : ARTE France, Mediatika, Zoulou Cie, en association avec Low-tech Lab (2020, 52mn). Diffusé sur arte.tv jeudi 28 octobre 2021 à 16h, ce film de 42 minutes sera disponible sur arte.tv du 21 octobre au 26 décembre 2021
Photo d'en-tête : Laurent Sardi- Thèmes :
- Environnement
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