Depuis tout petit, Franck Malléus ne rêve que d’une chose : voler. Guidé par un profond désir de liberté, il délaisse rapidement le parachutisme pour le base jump. S’en suivent des défis entre passionnés, financés par des petits boulots, dont le projet « B’hike & Base », une traversée des Alpes entre vélo et base jump, de la Suisse à Nice, pour rendre visite à sa famille sur la côte. Pas question de performance pour Franck, l’idée était d’effectuer une longue balade entre potes au gré des sommets et des routes, dont il a tiré un documentaire de 45 minutes, tourné par Jérémy Condamine. Il nous livre ici tous les détails de son aventure.
Comment est né ce projet ?
Parce que j’adore ces deux sports : je fais tous mes déplacements à vélo, et souvent, je pédale jusqu’à des petits sauts de base jump à une heure de la maison. Un jour, à la fin de mon travail de saisonnier en Suisse, j’ai décidé de rendre visite à ma famille à Nice à vélo avec le sac de base jump. L’idée ? Faire une traversée d’un mois et demi en faisant vingt sauts, le tout sans objectif de performance – juste du plaisir, rouler, apprécier le paysage, faire des randonnées puis faire des jolis sauts de base jump.
Pourquoi avoir choisi les Alpes ?
À mon sens, les plus beaux spots de sauts sont dans les Alpes. J’en avais encore plein à découvrir. La plupart sont atypiques – on a atterri dans des grottes ou encore sur la plage, à Nice. J’ai trouvé intéressant de mixer le plaisir de faire du base avec des déplacements en vélo – ça nous a permis de découvrir des spots assez particuliers. Ce qui était bien dans cette traversée, c’est que j’ai pas mal d’amis qui habitent dans la région. J’ai pu les rejoindre à droite à gauche. Il a quelques communautés de base jumpers dans le Vercors, le Verdon et le Dévoluy notamment.
Peux-tu nous en dire plus sur cette communauté de base jumpers à laquelle tu appartiens ?
On est toute une bande de copains. On fait de la musique, on se déguise, on saute, on vit dans les camions, bref on ne se prend pas la tête. Dans notre équipe, il y a vraiment une belle mentalité de la montagne et du base jump. Pour ce projet-là, j’étais le seul à vouloir faire l’intégralité de la traversée à vélo mais tout le monde voulait participer. Du coup, on a passé des supers vacances entre copains. On partage des sensations unique ensemble, on est un peu comme des frères. On s’appelle « Hakuna Matafly », on aime bien faire des petites vidéos et passer du temps ensemble. Pour nous, c’est ça la liberté.
Quand et comment as-tu commencé le base jump ?
Voler, c’est un rêve de gosse. Quand j’étais minot, je voulais faire du parachutisme. Quand j’ai eu 20 ans, mes premiers salaires, ceux de mes jobs d’été, sont passés pour des formations de parachutiste – au total, j’ai pu faire 200 sauts. J’ai même pu travailler en tant que vidéaste tandem dans une drop zone, un centre de parachutisme. J’ai vite eu marre de ce qu’il avait autour de ce sport : prendre l’avion pour pouvoir pratiquer, dépenser le kérosène, tout l’encadrement qu’il y a autour. Il fallait sans cesse passer des diplômes, ce que l’on peut comprendre en termes de sécurité. Mais du coup, ça enlève beaucoup de liberté. Un jour j’ai entendu parler du base jump, beaucoup plus proche de mes valeurs au final. C’est vraiment un sport en rapport avec la nature : tu vas au sommet de la montagne, et après tu sautes. Je m’y suis mis il y a 7 ans et depuis, je suis mordu, je fais que ça – du base jump et du parapente dès que je peux. Aujourd’hui, j’ai presque 800 sauts à mon actif.
Comment as-tu choisi les spots de sauts ?
J’avais un choix prédéfini d’une cinquantaine de sauts alors qu’au final, on en a fait 20. Certains sont présents dans des topos de base jump, d’autres se font plus au jour le jour – tu roules, tu vois une falaise, tu vas faire du repérage et puis après tu sautes. On avait un plan général pour toute la traversée, après on s’est adaptés en fonction de la météo donc parfois, quand il y a eu 4-5 jours de pluie, on a dû annuler certaines sorties base jump, contrairement au Vercors, où l’on a pu faire une dizaine de sauts parce qu’il faisait beau.
Lors de la traversée des Alpes, tu es parti avec plus de 45 kg de matériel. Qu’avais-tu emporté avec toi ?
Durant toute la traversée, Jérémy, le réalisateur du film, m’a suivi tout le long en camion aménagé. Il a géré toute la partie vidéo. De mon côté, je suis resté autonome sur tout ce qui est nourriture. J’avais aussi tout mon matériel pour sauter, mon kit de réparation de vélo et mon petit hôtel du soir – ma tente et mon duvet. C’était une petite organisation, chaque jour, planter les sardines, décharger le vélo, prévoir deux ou trois jours de nourriture sur moi. L’avantage de traverser les Alpes, c’est qu’il y avait souvent des petits villages pour se ravitailler. Pour sauter, j’avais un parachute de la marque « Adrenalin Base ». Le matériel de base jump, c’est tout simple, il n’y a pas de système de secours, c’est juste un petit harnais avec une voile. Je sautais avec une combinaison mono-pièce, c’est un peu plus petit qu’une wingsuit mais ça vole déjà très bien. C’était le bon compromis pour moi de faire des sauts où je pouvais voler un peu, à la fois safe et léger à porter sur un vélo.
As-tu d’autres projets en perspective ?
On en a plusieurs. On aimerait partir dans les Dolomites depuis la Suisse : faire une grosse traversée à vélo au printemps prochain, presque 2000 km. Là, on a évolué, on est avec des wingsuits plutôt qu’avec des combinaisons mono-pièces. Du coup, on aimerait bien aller faire des gros sauts. Après, on a aussi un projet dans les Carpates, une traversée à vélo ou à pied, ça fait deux ans qu’on essaie de le faire mais avec le Covid, c’est un peu compliqué. À voir, en fonction d’évolution de la situation sanitaire.
« Bike and BASE », film de 45 minutes réalisé par Jérémy Condamine, sera disponible en accès libre sur Outside du vendredi 3 décembre 20h au dimanche 5 décembre 23h.
Photo d'en-tête : Jeremy Condamine