Sans argent ni contrainte de temps, Félix Billey, 28 ans, part à la rencontre des gens dans son drôle d’engin, mi-vélo mi-canoë, auquel il a accroché une micro caravane en bambou. Un attelage improbable qu’il a bricolé lui-même et avec lequel il sillonne l’Est de la France avec pour seule compagnie, une poule. A bord, ni ordinateur, ni livres, mais une guitare et quelques maigres vivres glanés au fil de ses errances. Car pour ce jeune ingénieur poète et philosophe seul compte l’instant présent. Matthieu Fournier, réalisateur et présentateur de « Passe-moi les jumelles », émission phare de la RTS, a croisé son chemin, il en a tiré un documentaire de 52 minutes qui chamboule notre regard sur le monde.
« Félix et Chépa « : un ovni sur la planète aventure qui nous a tour à tour déconcerté, amusé et … fait pas mal réfléchir. Nous vous en reparlerons très vite », écrivions-nous il y a quelques semaines en découvrant la programmation du Festival du fim documentaire de Dijon, « Les Ecrans de l’Aventure ». Séduit comme nous, le jury ne s’y est pas trompé et lui a décerné son « Prix spécial ». Présenté, hors sélection officielle au Festival de La Rochelle, le wee-end dernier, où il a reçu un énorme succès, ce documentaire de 52 minutes est maintenant disponible en ligne. Et c’est une chance car il serait dommage de passer à côté de l’histoire de Félix Billey, 28 ans, ingénieur dans le bois diplômé de l’ENSTIB (école nationale supérieure des technologies et industries du bois) qui a décidé en février 2020 de quitter Besançon et de se lancer sur les routes à bord d’un drôle de vélo-bateau en bambou fait maison. Une aventure qui doit beaucoup au hasard : la perte des clefs de sa maison. Dans l’impossibilité de rentrer chez ses parents, chez qui il vit encore, il se retrouve à la porte. Il se souvient alors que tout près, chez son frère, se trouve son vélo, chez sa grand-mère il récupère la mini caravane et se trouve dans la foulée un canoë en bois. De quoi bricoler un vélo-maison-canoë, équipé de l’essentiel, une couchette et une micro cuisine. Le visa pour la liberté et l’indépendance.
« Je me sentais un peu parasite chez mes parents » explique-t-il volontiers. « Je ne payais pas de loyer, je ne travaillais pas…L’idée avec ce vélo canoë n’est pas d’aller loin. Je considère cela comme mon appartement. Je suis jeune, je n’ai pas besoin de chauffage, de confort, de place.. Cela ne m’intéresse pas de travailler pour me payer cela. C’est du temps que je perds. Je préfère vivre ce que je vis …et j’ai du temps, j’en fais ce que j’en veux » confie-t-il.
Parti sans itinéraire prévu, avec quelques euros en poche, très vite il vivra sans rien, sans carte de crédit ni argent, glanant au fil de ses rencontres un pot de confiture, du pain, ou mieux encore une invitation à partager un repas. Il ne travaille pas, donne un coup de main à l’occasion, mais n’accepte en retour qu’une aide en nature. Philosophe mais pas ermite, au contraire, il se satisfait de la compagnie de sa poule « Chépa » – baptisée ainsi, faute d’inspiration – mais carbure aux rencontres qui ne manquent pas le long de sa route. Car l’homme et son improbable véhicule intriguent.
Intrigué, Matthieu Fournier, réalisateur et présentateur de « Passe-moi le jumelles », émission phare de la RTS, l’est aussi lorsqu’il entend parler de ce jeune étonnant qui circule pas très loin de chez lui, en Suisse. Un quotidien de la presse locale en a fait un petit portrait, mais c’est un spectateur de la chaîne qui l’alerte sur ce curieux personnage. Curieux de toute nouvelle expérience, Félix accepte d’être suivi par la télévision. « Mais à une seule condition », explique le réalisateur, « de continuer de faire comme bon lui chante et donc, si besoin, de rester aussi longtemps que ça lui plait dans un endroit ». Impossible dès lors de planifier un tournage classique avec une grosse équipe. Matthieu tournera donc seul et suivra Félix pendant un mois et demi. Le temps de rentrer dans son intimité et de s’imprégner de sa philosophie, car Félix est tout sauf un illuminé.
« Dans ce que je vis, je sais qu’il y a quelque chose de naïf », dit-il dans le film ». Et puis on voit pas tout. Mais finalement, c’est comme si des fois on a le choix de regarder où on veut, en fait. On peut regarder où ça fait mal et on peut regarder où ça fait du bien. Là, quelque part, je me donne le temps de regarder ce qui me semble beau. Je vis quelque chose naïvement, mais je ne pense que je suis naïf non plus. Je sais qu’il y a de la misère. Je rencontre des gens qui vivent des trucs durs, très durs. C’est très présent dans ce que je vis. Je vais chez des gens qui sont usés par la vie. Tu discutes avec eux et tu te dis, il y a des existences qui sont très douloureuses. Mais finalement, là, je profite de la légèreté de ce que je vis aujourd’hui, peut-être pour être prêt pour encaisser les moments difficiles qu’il y aura de toutes façons. Ca s’arrêtera quand ? La réponse, c’est, je ne sais pas. Ca peut s’arrêter aujourd’hui, demain, la semaine prochaine, dans un mois, dans un an, dans dix ans. C’est même important que je ne le sache pas. L’essence de ce que je fais là, c’est le fait de ne pas savoir quand ça s’arrête ».
En février 2023, ça fera trois ans qu’il est sur la route. En attendant de célébrer ( ou pas, qui sait ? ) cet anniversaire, Felix a été aperçu ces derniers temps du côté de Chambéry, ou il a fait « une pause de quelques mois dans une coloc d’ingénieurs repentis », raconte Matthieu Fournier, resté en contact avec lui. Il s’attelle maintenant à l’étanchéification de sa caravane, afin de pouvoir la mettre à l’eau…
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