En 1988 sort « Le grand bleu ». Succès immédiat et planétaire du film de Luc Besson dont le personnage principal est Jacques Mayol, interprété à l’écran par Jean-Marc Barr. L’apnéiste français ne se retrouvera guère dans cette version romancée de sa vie, mais cette année-là, le grand-public va découvrir celui qui est entré dans l’histoire en franchissant le premier la barre des 100 mètres. Ne retenir de cet athlète doté d’une physiologie hors normes que ses performances et sa rivalité avec l’Italien Enzo Maiorca serait pourtant dommage. Car derrière le recordman se cache un homme flamboyant mais complexe qu’a su saisir ce documentaire réalisé par Lefteris Charitos et raconté par Jean-Marc Barr. Disponible en ligne jusqu’au 30 novembre, ce film de 57 minutes truffé d’images d’archives et de témoignages de ses proches et ses disciples est passionnant.
Né en 1927 en Chine, Jacques Mayol est issu d’un milieu aisé. Il grandit à Shanghai, dans la concession française, où son père est architecte. L’été, la famille se rend à Karatsu, au Japon c’est là qu’il apprend à plonger à l’âge de 6 ans. Là aussi qu’il découvre les « amas », ces plongeuses apnéistes japonaises qui pêchent des coquillages, et rencontre son premier dauphin, l’année de ses 10 ans. À la fin des années 1930, sa famille quitter la Chine pour s’installer à Marseille. Un déchirement, mais la mer est toujours là, heureusement, et le jeune Jacques continue de plonger avec des masques taillés dans des chambres à air de camion et une arbalète artisanale pour pêcher un peu de poisson.
Très vite ses parents comprennent qu’il n’est pas fait pour les études, et le laissent partir pour cinq ans de baroud aux quatre coins de planète. Avec l’océan, cette passion pour la route ne le quittera jamais. Il faut y ajouter aussi celle que toute sa vie durant il aura pour les femmes. Jacques enchaîne en effet les conquêtes avant de décider de se stabiliser et d’épouser une Danoise, Vibeke Boje Wadsholt. Ensemble ils s’installent à Miami où ils auront deux enfants, Dottie et Jean-Jacques/Pedro) et où surtout il est engagé en 1955 comme plongeur pour nettoyer les aquariums d’un parc aquatique local, le Seaquarium. Il y fait une rencontre décisive : une femelle dauphin nommée Clown, mère de Flipper, la vedette du célèbre feuilleton télévisé des années 1960. D’elle, il apprendra beaucoup en l’observant. De quoi améliorer ses compétences en apnée, univers qui le fascine et auquel il va tout sacrifier. Gagné à nouveau par le goût pour l’aventure, Jacques Maillot divorce, abandonne ses enfants et ne survit que par toute une série de petits boulots.
Tour à tour chauffeur de maître ou pêcheur de langoustes, il ne trouve la paix que dans l’eau. Là l’Italien Enzo Maiorca règne alors en maître de l’apnée, il lui faudra attendre plusieurs années, en 1966, pour le surpasser et descendre en dessous de la barre des 60 mètres, puis en 1976, de celle des 100 mètres, à l’âge de 49 ans. Jacques Mayol est une star mondiale mais un homme effondré. L’année précédente, en 1975, sa compagne allemande Gerda Covell, son alter ego, meurt agressée par un drogué en Floride. Il ne s’en remettra jamais et tentera de combler son absence par la pratique du zen, allant jusqu’à s’isoler dans un temple japonais. Certes il continuera d’enchaîner les records en descendant à moins de 105 m, à 56 ans, en 1983. Mais quelque chose s’est brisé en lui. Rien ne chassera la mélancolie qui l’étreint. Pas la gloire, survenue à la sortie du film de Luc Besson, pas plus que son installation sur l’île d’Elbe, face à la mer, où il vit, rongé par la solitude. C’est là qu’en 2001 il se donnera la mort, laissant derrière lui une cohorte d’amis, bouleversés à l’évocation de cet homme hors normes mais aussi des héritiers, les champions d’apnée William Trubridge, Mehgan Heaney-Grier ou Umberto Pelizzari qui tous racontent combien ils lui doivent.
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