En septembre 2020, l’homme à la chemise rouge le plus gonflé de la planète, l’âme de la série TV « J’irai dormir chez vous », se lançait un nouveau défi de taille : réaliser un film de fiction. Diffusé en salle à l’époque, il est aujourd’hui disponible en ligne jusqu’au 4 août. Une enquête policière au cœur des Carpates, sur les traces d’un Antoine de Maximy acteur, mais plus vrai que nature. Une nouvelle casquette pour cet infatigable journaliste, doublé d’un aventurier hors normes. Une étiquette qu’il ne revendique certainement pas, comme il nous l’expliquait dans une longue interview accordée à la sortie du film, mais qui lui colle à la peau au regard de son parcours.
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Interview : Ce film, « personne n’y croyait ! »
« Ma vie bascule dans deux jours. Comme quand j’ai arrêté « J’irai dormir chez vous », (en 2019, ndlr). Jeudi, je ne sais pas ce que je vais faire », raconte à fond de train, comme d’habitude, Antoine de Maximy », interviewé le 15 septembre. On est à la veille de la sortie de son premier long métrage de fiction : « J’irai mourir dans les Carpates », qu’il a dirigé et dont il est l’acteur principal … … dans le rôle de l’homme à chemise rouge qui, pendant 15 ans, s’est invité à dormir chez l’habitant avec un culot et une bonne humeur inébranlables, bravant tous les dangers.
Le scénario ? Alors qu’Antoine de Maximy est en plein tournage d’un nouvel épisode de « J’irai dormir chez vous », il est victime d’un accident de voiture sur une route montagneuse des Carpates. La voiture est emportée par une rivière et on ne retrouve pas son corps. Dans ses bagages rapatriés à Paris, les cassettes de son tournage. Agnès, la monteuse de la série, décide alors de terminer ce dernier épisode. Au montage, des détails attirent son attention. Elle commence à avoir des doutes …
En cette mi-septembre, Antoine de Maximy est sur la dernière ligne droite de ce projet longuement muri, bouclé pendant le confinement. « A l’annonce, j’ai quitté Paris et filé à La Ciotat, chez une amie. Huit heures de moto. Je voulais me retrouver dans un environnement différent », explique-t-il. Il en profite pour exploiter ses archives et ses souvenirs de documentariste multi-primé – sa vie d’avant la série TV qui le rendra célèbre – et monter trois heures de programmes mis sur YouTube pendant le confinement sous le titre de « J’irai rajeunir chez vous ». Un série qui lui vaut des milliers de likes et des tonnes de commentaires enthousiastes auprès de Français confinés trop heureux de s’évader avec celui qu’ils appellent « Antoine ». A voir absolument ! On y découvre le tout jeune documentariste au sommet des Andes ou dans le cratère d’un volcan en République Démocratique du Congo. Des situations souvent très engagées, vécues au cours de ses reportages scientifiques ou animaliers. Par ailleurs, celui qu’on imaginerait trépignant entre quatre murs, met aussi à profit cette pause involontaire pour boucler un film dont personne ne voulait, mais qui voit enfin le jour aujourd’hui. Sa réponse à lui à la question qu’au fil des épisodes de « J’irai dormir chez vous », on s’est tous forcément posée, vu les situations parfois périlleuses dans lesquelles il s’est trouvé : « qu’est-ce qui arriverait s’il venait à disparaître un jour ? »
En novembre 2005, tu tournes un épisode de « J’irai dormir chez vous » en Roumanie. Qu’est-ce qui relève du vécu dans ton film « J’irai mourir dans les Carpates ? »
Rien. Tout a été inventé. Régulièrement au cours des tournages de la série, j’ai connu des dérapages. Mais pas particulièrement en Roumanie. J’avais l’idée du film depuis 2005. Six ans plus tard, en 2011, j’ai écrit l’histoire, et déjà je la situais dans les Carpates. On tourné là parce que c’était bien, en huit semaines, entre octobre et décembre 2019. Un exploit : le 16 mai 2019 on n’avait pas un centime pour démarrer la production. Je n’avais jamais fait de fiction avant, et personne n’y croyait. Dès que tu sors des cases, tu as beau être connu, ça parait risqué. C’est pour ça que j’ai monté un crowdfunding sur Kisskissbankbank (256 000 euros ont été récoltés, ndlr) . En quelques mois et grâce aux donateurs, on a pu boucler le budget de 1,9 M d’euros. C’est pas la somme qui rassure, c’est le nombre de gens qui ont donné. Certains avec 10€, d’autres avec 10 000€. Ça fait près de 7000 personnes qui croient dans ton projet !
Tu vois, quand j’ai lancé « J’irai dormir chez vous », en 2003, personne n’y croyait non plus. J’avais fait une trentaine de docs, j’étais reconnu, apprécié, mais on me disait non. On me disait que ça ne ressemblait à rien une émission où le gars ne sait pas ce qu’il va faire à l’avance et où il ne regarde pas dans le viseur. On l’a montée quand même et pendant un an on n’a presque pas été payés. C’est la chaine « Voyage » qui nous a suivis au début, avant que « France 5 » prenne le relais.
L’émission a ouvert des portes à d’autres. Surtout à « Nu et culotté » qui a pu utiliser une caméra fixée et profiter des chaînes qui ont osé mettre de l’argent sur une production, même si le contenu n’est pas défini à 100%. Le concept aurait pu être vendu à l’étranger, mais seule l’Italie l’a acheté et diffusé sur la RAI 5 à raison de trois épisodes par jour pendant cinq jours ! Certains l’ont piratée, mais ça n’a duré que quelques épisodes, ce n’était pas terrible. Tant mieux, ça aurait pu faire du mal à l’émission, ils auraient pu se mettre à bidonner.
Au début des années 80, tu as travaillé comme grand reporter pour CBS news. Beyrouth, la guerre Iran/Irak, des expériences qui t’ont sans doute été utiles lors des tournages de ta série, où l’on te voit, comme pendant la course poursuite du film, continuer de commenter et filmer en direct.
C’est surtout au niveau psychologique que ça m’a aidé, car la technique, elle, a beaucoup évolué depuis. Ce que j’ai appris pendant ces années-là, c’est à sentir la nature humaine. Dans ces situations extrêmes, les sentiments et les réactions sont exacerbées. Ça te permet de voir vite les emmerdes.
Quand, l’année dernière tu te lances dans le tournage de « J’irai mourir dans les Carpates, tu comptes déjà trois longs métrages à ton actif. « J’irai dormir à Hollywood » (2008 ), « J’irai dormir à Bolllywood (2011 ), et « J’irai dormir chez l’homme qui brûle » (2019 ). Ça aide, non ?
Non, parce que ça n’a rien à voir. « J’irais dormir … », c’est un travail de chasseur. Il faut voir, débusquer et choper les situations intéressantes. Faire un film, c’est différent. Tu l’imagines, tu l’écris, le mets en scène, le filmes et le montes. C’est l’erreur de plein de réalisateurs de docs de croire qu’on peut passer facilement à la fiction. Moi, j’ai fait un stage de direction d’acteurs, j’ai été sur le back stage de « Elle s’appelait Sarah » (film de Gilles Paquet-Brenner sorti en 2010, ndlr), tous les jours du tournage. Ça fait 15 ans que je travaille sur ce film. Et tu sais quoi, ce qui m’intéressait, c’était de faire une enquête dans les villages et de creuser, de montrer ce qu’on ne voit pas dans les images. D’où le focus sur la monteuse, au cœur de l’histoire. Elle, c’est le maître du temps, elle peut remonter dans le tournage. Et voir les indices dissimulés dans les scènes.
Si je suis un amateur de polar ? Je ne lis jamais rien, mais j’aime bien ce qui est différent et original, j’aime bien l’idée de monter une intrigue, parce que tu as moins de chance de te rater. Il ne faut pas oublier que je suis un débutant ! Avec une intrigue, ton film est plus solide. Le spectateur se dit : » comment il va s’en sortir ? » Tu mets toutes les chances de ton côté. Et tu vois, y’a des spectateurs, sur les avant-premières, qui sont revenus voir le film … juste pour déceler les indices cachés dans les images !
A te voir faire aussi bien l’acteur et jouer naturellement ton propre rôle dans le film, n’y a-t-il pas un risque que le spectateur, celui qui te connait pour « J’irai dormir chez vous », se demande si, au final, tout était vraiment vrai dans la série ?
C’est marrant que tu dises ça, c’est plutôt le contraire qui se produit ! Les gens, lors des avant-premières se demandent si les scènes du film sont réelles !
Mais sur les tournages de « J’irai dormir . » j’ai toujours été cash. Si je rate mon entrée dans un bar par exemple, et ça m’est arrivé, parfois deux ou trois fois de suite où j’avais vraiment merdé, je le dis en direct. Et je ressors, tout simplement. Je dis : « Salut !», et les mecs te répondent, ils ont oublié que tu étais déjà entré dans la pièce quelques minutes avant ! En fait, tu peux tout faire quand tu dis la vérité !
Dans le film, tu dialogues en direct avec ta monteuse, c’est vrai ?
Oui, j’ai l’habitude de parler avec la monteuse, mais pas de raconter mes états d’âme. Je donne des indications techniques, mais je dis aussi quand j’en ai plein le cul ! Ça me permet d’évacuer, de le dire à quelqu’un, sans parler dans le vide. Le seul truc qui n’est pas dans le film, c’est quand je m’adresse au spectateur. On a fait des essais, mais ça ralentissait l’histoire. Reste que si la plupart des gens connaissent la série, ceux qui ne l’ont jamais vue comprennent aussi très bien le film.
Tu as tourné plus de 110 épisodes de « J’irai dormir chez vous » en près de 15 ans, et parcouru quelque 80 pays, tout n’a pas été simple, comme à Sainte-Lucie aux Caraïbes où une fusillade éclate non loin du café où tu te trouves, ou à Inujjuaq au Québec où on te casse ta caméra, mais au final l’accueil est chaleureux et on a beaucoup de moments émouvants. Tu n’es pas étonné que les gens se livrent autant ?
Il y a des moments forts où tu as tout, de l’émotion, du mystique, de l’agression et de la rigolade. Comme dans l’épisode au Malawi, où j’ai suivi Jeannette, atteinte de la polio. Et il a dû m’arriver, oui, de garder pour moi quelques scènes pour protéger les gens. Mais il faut savoir que quand un mec t’ouvre sa porte, alors que d’habitude il ne le fait pas, c’est que ce jour-là il est dans un état d’esprit différent. Il a envie de parler, de se changer les idées. Comme ça, tu as des gens qui te disent plein de choses. D’autant que tu vas repartir. Mais aujourd’hui avec la mondialisation c’est un peu différent, il sait que son voisin peut voir ces images en ligne. Et ça, ça change les choses. Mais dans tous les cas, ça reste une question de moment. Tiens, regarde, moi, j’ai l’habitude d’organiser des BBQ improvisés. J’invite 500 personnes. Mais … deux heures avant ! Au final, entre 20 et 40 viennent et ça marche, parce que c’est le jour où ils avaient envie de sortir. Ils viennent parce que c’est le bon moment, pas parce que c’est dans leur agenda. C’est pareil pour « J’irai dormir … » ! Il faut que ce soit le bon moment.
Imagines-tu la série repartir un jour ?
Je ne sais pas. Tout est différent maintenant, on ne peut plus rien dire ! Et autrefois par exemple, on ne faisait pas signer de décharge pour le droit à l’image. En fait, y’a plein de gens qui s’en cognent et puis t’as plein de situations où t’as pas vraiment le temps de demander une autorisation ! Donc, je ne sais pas, d’autant que le Covid a tout changé. Mais j’aimerais bien aller dans l’Antarctique, ou en Corée du Nord, ou dans certains coins de France.
Et si rien ne marche, j’ai déjà plein de projets, je ne compte pas mon temps de travail, j’adore ce que je fais. Je pense à un one man show inspiré notamment de « J’irai dormir chez vous ». Ou à un bouquin, c’est pas cher à monter. Pas un pamphlet sur l’écologie, mais un livre sur le monde de l’évolution. Je n’ai pas fait d’études, alors je considère que je peux dire ce que je veux ! J’ai fait des dizaines de docs sur des expéditions scientifiques et sans diplôme j’arrivais à comprendre et même à en pointer les incohérences !
A voir ton parcours, tu as tout de l’aventurier, un titre que tu revendiques ?
Pas du tout ! « Aventurier », c’est un terme qui est donné par les autres ! Je ne revendique rien. J’ai fait des docs, je suis vraiment content de la vie que j’ai menée. Avant même ‘J’irai dormir .. », j’ai pensé dix fois que je pouvais mourir, là, et que j’en avais bien profité. Je n’ai aucune attache, à aucun point de vue, car je veux profiter de la vie. C’est un choix. Je crois dans la vie, mais le monde n’est pas bien barré .
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