Epuisement, maux de tête, vomissements… à partir de 2 500 mètres, un alpiniste sur deux est affecté par l’altitude. Des symptômes pouvant déboucher, à des hauteurs extrêmes, à un oedème pulmonaire ou cérébral qui entraîne rapidement la mort. Dans les Alpes, la cabane Reine-Marguerite, le refuge le plus élevé d’Europe, est devenu depuis les années 1980 le centre de recherche de référence sur ces troubles. Là, à un peu plus de 4 500 mètres, une équipe pluridisciplinaire vient en aide aux grimpeurs mal en point, teste de nouvelles options thérapeutiques et cherche à mieux comprendre les mécanismes de ce syndrome. David Pichler et Nicolai Niessen ont consacré un documentaire de 55 minutes à leurs recherches, étayées par les témoignages passionnants de Oswald Oelz, médecin qui fit partie en 1978 de l’expédition de Reinhold Messner et Peter Haberer, la première à vaincre l’Everest sans apport d’oxygène, et de l’Autrichienne Gerlinde Kaltenbrunner, première femme à avoir conquis les quatorze sommets de plus de 8 000 mètres de la planète.
En haute montagne, la baisse de la pression atmosphérique et le manque d’oxygène mettent l’organisme à rude épreuve. Si l’acclimatation et le repos font généralement disparaître les symptômes, le mal des montagnes peut engendrer, à des hauteurs extrêmes, un oedème pulmonaire ou cérébral dont l’issue peut rapidement être la mort. Pour les spécialistes de la médecine d’altitude, qui étudient les causes de cette affection redoutable et leurs remèdes, les alpinistes partis à l’assaut des sommets sont les parfaits cobayes. Sous la caméra de David Pichler et Nicolai Niessen on suit donc jour après jour les tests menés à la cabane Reine-Marguerite, refuge italien situé dans les Alpes à 4554 m d’altitude au sommet de la pointe Gnifetti.
Là, les cobayes se soumettent aux évaluations de chercheurs. Certains ne seront pas ou peu sensibles à l’altitude, quand d’autres seront atteints d’un mal des montagnes sévère. Pour les soigner, de l’oxygène, mais aussi de la Dexamethasone, de la Nifedipine ou du Diamox, médicaments aujourd’hui bien connus des alpinistes, permettant de soulager les patients et de permettre leur descente au plus vite. Des expériences très poussées qui visent à déterminer notamment quel serait le support le plus efficace pour ces substances, ( inhalation ou comprimés ?) et à vérifier l’hypothèse selon laquelle le cerveau ne serait peut-être pas le principal organe à l’origine du Mal des montagnes et si les poumons ne joueraient pas un rôle plus important qu’on ne le croit.
Grâce à ces études, s’inscrivant dans la lignée des premiers essais cliniques menés dans la cabane en 1985, on sait maintenant comment soigner un oedème pulmonaire ou cérébral pris à temps, même s’il reste encore beaucoup d’inconnus sur ces pathologies, mais une chose est sure, affirment aujourd’hui les experts, études à l’appui, les gènes n’ont rien à voir avec notre capacité à nous adapter plus ou moins bien à l’altitude. Un Reinhold Messner ou un Peter Haberer, les premiers à vaincre l’Everest sans apport d’oxygène, ne sont pas des surhommes. Mais là où ils font la différence avec le commun des mortels, explique Oswald Oelz, médecin qui fit partie de leur fameuse expédition de 1978 de l’expédition, c’est dans leur économie de mouvement, et donc dans leur excellente technique minimisant leur consommation en énergie et en oxygène. Mais cette capacité ne serait rien sans leur expérience, leur instinct, leur intelligence qui leur permettent de comprendre quand faire demi-tour s’impose. « Messner lui-même a souvent fait demi-tour », insiste le scientifique. Tout comme l’Autrichienne Gerlinde Kaltenbrunner. Première femme à avoir conquis les quatorze sommets de plus de 8 000 mètres de la planète, elle rappelle humblement qu’elle y doit ses succès mais aussi sa survie.
Photo d'en-tête : Arte