En 2005, Ludovic Dulou perd sa compagne, emportée par un cancer. Une blessure profonde, qu’il apprend à surmonter grâce à sa passion pour les sports nautiques extrêmes. Surf de gros, hydrofoil et SUP deviennent son quotidien – il deviendra notamment quintuple champion du monde de paddleboard. De son histoire est né un film, fruit de cinq ans de tournage. Un récit de 50 minutes un peu grandiloquent par moments qui aurait gagné en concision, mais qui ne laissera personne indifférent.
« Je l’ai accompagnée jusqu’au bout. J’ai tout vu. Je l’ai vue, la mort ». C’est avec ces mots lourds de sens que Ludovic Dulou commence son histoire. Le décès de sa compagne en 2005, victime d’un cancer, le plonge dans une longue traversée solitaire. Sa passion pour l’eau, le surf, le paddleboard, le foil et le SUP apparait comme son seul exutoire – et parvient à le sauver.
Dans « L’albatros », Ludovic Dulou retrace son cheminement pour devenir « waterman ». Un récit entrecroisé de témoignages de ses proches, qui parviennent à poser des mots sur son parcours difficile, quand lui – par pudeur, ou humilité – se concentre sur ses passions. « Je me suis battu, avec mes outils, à ma manière. Ce n’était certainement pas parfait. Je me suis écroulé, je n’avais plus rien. Il n’y a que ça qui a pu me faire exister et sortir de quelque chose qui aurait pu me faire descendre aux enfers », confie-t-il.
Seize ans après le drame, le voilà pourtant quintuple champion du monde de paddleboard – une discipline qui se pratique au large en mer, allongé sur une planche qui avance à la force des bras en ramant. Oxbow l’a suivi pendant cinq ans pour réaliser « L’albatros », un film de 50 minutes, qui illustre sa renaissance.
« Ramer, ça m’a sauvé »
« L’albatros », c’est aussi le récit du quotidien de Ludovic Dulou, que l’on découvre par exemple en train d’arpenter le célèbre sentier de la Rhune dans la lumière dorée du matin, qu’il affectionne particulièrement. « Je me suis toujours dit qu’un grand luxe pour un sportif, c’était de faire la Rune le matin, et d’aller dans l’océan l’après-midi. Pour moi, ça c’est une journée complète. »
Le Pays basque, terre de montagne et d’océan, a un écho particulier en lui. Un terrain de jeu qui lui permet de randonner le matin pour « garder les jambes entraînées pour le SUP et le surf ». Dans son film, Ludovic Dulou partage ses conseils d’athlète de haut niveau, notamment lorsqu’il s’agit de différencier les entraînements purement techniques, et l’endurance : « Quand je parcours la Rhune, je dis que je surfe la terre, car je scanne le sol. Ça va m’amener un peu plus de réflexes dans l’eau, un assouplissement de la cheville, avoir plus l’oeil sur la lecture d’un plan d’eau. »
Pour ce waterman, l’effort physique se complète d’une réflexion particulière. « Certains disent que la douleur psychologique est plus forte que la douleur physique. J’avais une énorme douleur psychologique, et le fait de ramer, de repousser mes limites, de réexister – car je n’étais plus rien – ça m’a sauvé », décrit-il.
Un homme mi-poisson, mi-oiseau
La fusion entre Ludovic Dulou et la rame est époustouflante. En le regardant à bord de son bateau, son ami Xabi Martiarena résume sa dévotion : « Il ne parle plus à personne, il change de planète. C’est le moment où on ne sait pas s’il devient poisson, ou oiseau, mais il n’est plus humain, ça c’est sûr. Quand on le voit ramer, on voit qu’il est tout à fait concentré, mais il garde un sourire au coin des lèvres comme un enfant. On savoure autant que lui, alors qu’on le regarde juste. C’est de l’eau qui coule dans ses veines. »
Une scène qui sert aussi de leçon sportive, puisque l’on voit concrètement la force du mental en action : « Au bout de 2h30 de rame, là j’en ai marre. J’aimerais bien remonter sur le bateau et prendre une bière. Mais je vais repartir pour une demi heure de rame. Peut-être même plus qu’une demi heure », s’exclame le paddleboardeur. Une ténacité admirée par ses confrères étrangers, comme Jamie Mitchell, waterman également et dix fois vainqueur du « Molokai 2 Oahu » – la plus grande course de paddleboard du monde.
Thibault Despagne, un ami d’enfance raconte que malgré le drame qu’il a vécu, « il a trouvé la force d’assumer les problèmes auxquels il était confronté grâce à l’entrainement. C’était inhumain, il sortait en pleine mer alors qu’il y avait 4 m de houle, il faisait des trucs de fous, même nous, ses copains, on le prenait pour un malade. Il compensait cette souffrance par des efforts, en se fixant des objectifs, ça l’a endurci. »
A Hawaï, au coeur de la Molokai Race
Enfin, Ludovic Dulou nous embarque à Hawaï, dans les coulisses du championnat du monde de padddleboard, la mythique Molokai Race, et nous laisse pénétrer dans l’esprit d’un sportif en pleine compétition. « L’élite, c’est les trois premiers. Mon rêve, c’est de gagner cette course. C’est fou, parce qu’on part de très, très loin. Mon rêve c’est de la gagner, et mon ambition c’est d’être dans l’élite. »
« C’est comme une régate. On part à 400 m du bord de l’océan, sur une ligne entre deux bouées. Le départ est un moment extraordinaire dans une carrière de sportif. Il y a 150 personnes qui partent d’un coup, ensemble. Si tu veux obtenir le meilleur du meilleur, le grâal, tu dois partir vite. Mais c’est à double tranchant. Le secret, c’est d’aller vite, sans que le rythme cardiaque monte trop haut, et de garder la concentration nécessaire pour faire de son mieux pendant les deux dernières heures, et aller jusqu’au bout », partage-t-il en parallèle des images tournées en direct de la compétition.
Après des années d’entraînement, le waterman assimile désormais la vie de sportif à celle d’un artiste : « j’aime créer, j’aime me sentir libre. J’essaye de donner toujours le meilleur de moi-même, sans me comparer aux autres. (…) Je suis fier d’avoir pu donner des choses que je ne soupçonnais pas en moi », conclut-il.
Au final, un portrait riche, mais parfois un peu trop grandiloquent, la voix off comme la bande son ajoutant inutilement au pathos. Enfin, si le format de cinquante minutes séduit de plus en plus les réalisateurs de documentaires – c’est celui qui a le plus de chances d’être sélectionné par les festivals, voire les salles de cinéma – nul doute que « L’albatros » aurait gagné en concision, certains « chapitres », notamment celui consacré à son amour pour le vin, n’apportant pas grande chose à un récit au demeurant très bien filmé. A voir donc pour découvrir un univers, celui des watermen, un destin et saisir au passage des séquences de glisse superbes.
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