« Pour attraper un chasseur, il faut un autre chasseur. Seul un chasseur peut prédire ce qu’un autre chasseur va faire », explique Tumursukh Jal, le héros du dernier film d’Hamid Sardar. L’histoire va donner raison au rusé mongol. Directeur de la zone protégée de la Taïga rouge en Mongolie, il s’est donné pour mission de veiller à la préservation des espaces naturels et des animaux sauvages, des lynx aux ours en passant par la panthère des neiges. En 10 ans seulement, il est parvenu à régénérer un territoire de 2 millions d’hectares à la frontière sibérienne, autrefois pollué par l’industrie et pillé par les braconniers et les chercheurs d’or. Un combat mené sur fond de paysages fabuleux, qui ne manque ni de subtilité ni d’humour. Un film multiprimé par les festivals cette année, à découvrir gratuitement en ligne, dès aujourd’hui.
C’est un documentaire magnifique que nous offre une fois de plus le cinéaste Hamid Sardar. Celui qui nous avait déjà fasciné avec le « Cavalier mongol », a réussi à mettre la main sur un autre personnage savoureux : Tumursukh Jal, un garde forestier chargé de protéger la taïga rouge de Mongolie, une vaste zone forestière riche de sa biodiversité déployée sur près de 2 millions d’hectares à la frontière sibérienne, devenue zone protégée en 2014. Il a fallu trois ans pour que les oiseaux y reviennent et plus d’années encore pour qu’il fasse renaître un paradis et parvienne à empêcher les pratiques illégales des orpailleurs et des braconniers. Ces derniers, il les connait bien, pour avoir fait partie des leurs il n’y a pas si longtemps, tout comme la poignée de rangers qui le soutiennent. « J’ai réussi à transformer douze braconniers en gardes forestiers et maintenant ce sont mes meilleurs rangers », raconte-t-il « Certains étaient pourtant des voyous, des criminels.» De quoi s’attirer les reproches d’une partie de sa communauté.
« Et nous, on fait quoi face aux ours ? »
Car l’une des grandes forces de ce documentaire de 88 minutes disponible sur ARTE jusqu’au 20 mai 2024, tient précisément à l’approche tout en nuances adoptée par Hamid Sardar. Celui qui a étudié les langues Orientales aux Etats-Unis et appris le film anthropologique, a longtemps vécu en Mongolie, où il a travaillé comme directeur de recherches dans un institut ethnographique américain. Travaillant toujours avec une équipe ultra légère – sans ingénieur son ni chef opérateur – il a le don de se faire oublier. Sa méthode ? Repérer un personnage charismatique mais souvent imprévisible. L’apprivoiser. Tout miser sur lui pendant de longues semaines de tournage. Et le « laisser vivre » – pour reprendre l’expression du réalisateur qu’en 2019 nous avions interviewé à l’occasion de la sortie du « Cavalier mongol ». De quoi nous plonger cette fois dans le quotidien de Tumursukh Jal confronté à mille dilemmes : comment faire comprendre à sa communauté qu’aller ramasser des plantes médicinales dans la zone protégée est désormais interdit ? Que répondre quand l’un des siens le prend à partie ? «Que faisons-nous si un ours nous attaque ?» demande un nomade. Car les animaux s’en prennent aux troupeaux mais aussi parfois aux hommes. Inlassablement, le garde va expliquer que ces plantigrades ont été chassés de leur territoire par les humains ou ont migré depuis la Russie, fuyant les feux de forêt, suite au réchauffement climatique. Et que, si on s’y prend bien, on peut les repousser sans les tuer.
Un scène de chasse digne d’un western
Un combat qu’il va mener à l’ancienne, sans pistolet hypodermique pour endormir l’ours. Seule arme : une corde au bout d’un bâton qui va permettre de faire entrer la bête dans la cage avant de la relâcher dans une vallée plus sauvage où elle risquera moins d’attaquer les populations nomades. Mais avant, il faudra l’approcher, ce qui donne lieu à une scène de chasse à cheval digne d’un western. On retrouve l’approche « cinématique » qu’affectionne le réalisateur . « Je n’aime pas trop le reportage. J’essaie toujours d’imaginer, de travailler la fantaisie. Je pense que le cinéma est plus adapté à mon approche. Si je devais définir ce style, je dirais qu’il s’agit de cinéma du réel », explique-t-il. « Je laisse la liberté aux gens avec lesquels je travaille de réaliser eux-mêmes leur film. «
Avec Tumursukh Jal, véritable héros voué corps et âme à son combat environnemental, d’Hamid Sardar a trouvé un personnage qui porte entièrement son film. Et un merveilleux porte-parole pour ce fin connaisseur d’une culture mongole qui ne cesse de le fasciner. « Mon intérêt se porte sur ce qu’on peut apprendre de ces peuples. » explique-t-il. « Ils nous rappellent ce que nous avons oublié, cette connexion avec la nature que nous avons perdue. J’essaie de rétablir ce contact. On ne va pas redevenir des bergers et des nomades, mais à travers cette sensibilité avec la nature avec les animaux, ne pourrions-nous pas faire entrer, de manière soft, la nature dans nos villes par exemple ? Faire des jardins potagers dans chaque école ou lycée ? Mettre des ruches sur les toits. Repeupler nos jardins publics avec des renards ? Je ne sais pas. C’est dans ce sens qu’on peut s’inspirer de ces peuples au quotidien. »
Un film de 88 minutes, en libre accès sur ARTE jusqu’au 20 mai 2024
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